Cultrera, G.: Saggi sull’arte ellenistica e greco-romana. I. : La Corrente asiana. In-8°, xlviii-234 p.
(Rome, Lœscher 1907)
Recensione di Adolphe Joseph Reinach, Revue Archéologique t. 13 (4e série), 1909-1, p. 159-162
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G. Cultrera. Saggi sull’arte ellenistica e greco-romana. I. : La Corrente asiana. Rome, Lœscher, 1907, in-8°, xlviii-234 p.


     Peu de questions archéologiques sont plus à l’ordre du jour que celle de l’origine de l’art gréco-romain et, notamment, du bas-relief pittoresque. Schreiber, suivi en France par Courbaud, l’a revendiqué pour Alexandrie, tan­dis que Mme Strong vient de déclarer, à la suite de Wickhoff, qu’il n’a pu naître qu’à l’époque augustéenne, de l’habileté des artistes grecs mise au service de la noblesse sobre du génie romain. En même temps que Mme Strong développait cette théorie dans le beau volume analysé ci-dessus (R. A., 1907, II, 182), M. C. a consacré à cette question de l’origine du relief gréco-romain une étude approfondie. Il met en avant une troisième théorie ; celle de l’origine asiatique.

     En réclamant pour Alexandrie l’origine du relief pittoresque, Schreiber, à défaut de monuments exhumés en Égypte, a invoqué le caractère littéraire de ces reliefs qui semblent traduire souvent tels vers de Théocrite ou de Callimaque et le caractère égyptien de certains animaux et végétaux représentés. C’est à Alexandrie aussi que Mau a rapporté l’origine de la peinture de genre : dans les quatre styles qu’on distingue à Pompéi, la figuration de marbres multico­lores est un des éléments permanents. Les incrustations de marbres polychromes sont connues en Égypte ; elles le sont aussi au Mausolée d’Hali­carnasse, au temple d’Athéna Niképhoros à Pergame ; des traces de peintures représentant ces marbres ont été relevées à Pergame, à Priène et à Délos. M. C. en conclut à l’origine asiatique du 1er style de cette peinture décorative, dans lequel la polychromie des marbres joue un rôle prépondérant ; les peintures de la Farnésine, qui datent du temps où le 2e style (architectonique) commence à faire place au 3e (ornemental) seraient dues, au contraire, à des influences égyptiennes se manifestant autant dans les « scènes de jugement » que dans les colonnes à chapiteau lotiforme et les sphinx du décor.

     Un des principaux arguments dont Wickhoff s’est servi pour combattre Schreiber c’est que, jusqu’à présent, aucun des bas-reliefs dits « alexandrins » n’a été trouvé en Égypte, bien que Schreiber ait dirigé lui-même à Alexandrie des recherches à cet effet. Une visite au Musée d’Alexandrie eût permis à M. Cultrera de rétorquer aisément cet argument : à défaut de reliefs proprement dits, les monuments d’esprit tout « alexandrin » y abondent. N’ayant pu sans doute les étudier de visu, M. C. se borne à décrire les 38 reliefs publiés par Schreiber qui semblent tous, en effet, avoir été trouvés en Italie : 5 au palais Spada, 3 au palais Colonna, 1 au casino Ludovisi, 3 au Musée du Capitole, 1 au Palais des Conservateurs, 3 au Latran, 2 au Vatican, 3 à la villa Albani, 1 dans la collection Barracco, 1 à Naples, 1 à Mantoue, 1 à Turin, 3 au Louvre, 1 au British Museum, 2 à Vienne, 2 à Munich, 1 à Berlin, 1 à Copenhague, 1 connu par Gerhard, 1 par le Codex Pighianus, 1 par le Codex Coburgensis. A ces 38 reliefs, il en ajoute 11 (1), dont 6 conservés respectivement : 1 au Musée des Thermes, 2 au British Museum, 1 au Musée Chiara­monti, 1 au Vatican, 1 à Mantoue, et 5 autres dont, fait essentiel, on connaît la provenance grecque ; 1 de Chios au  Musée de Berlin, 2 de Thyrea au Musée d’Athènes, 2 autres à Athènes même. A ces reliefs de Grèce où le pittoresque alexandrin se mêle au style plus sobre, propre à l’atticisme archaïsant du Ier s. av. notre ère, il faut ajouter d’une part la série des reliefs purement néo­-attiques qu’a recueillis Hauser, d’autre part ces reliefs funéraires, pour la plupart d’Asie Mineure, qui ont fait admettre à Pfuhl (Jahrbuch de 1905) l’origine asiatique du relief dit alexandrin. On doit ajouter que c’est aussi du côté de l’Ionie que nous reportent le bas-relief pittoresque de Tralles publié par Edhem Bey (cf. R A., 1906, I. t. 31) et ce Dresdener Schauspielerrelief, semblable au « Poète comique et sa Muse » du Latran, dont Mlle Bieber a récemment montré qu’il provenait sans doute des Dionysiastes de Téos. C’est dans la même direction que l’étude des éléments caractéristiques du relief hellénistique amène M. C. à en chercher le centre de diffusion.

     Schreiber a prétendu que le rôle prépondérant des arbres sacrés est un trait de la « griechisch-aegyptische Mischkultur » de l’époque ptolémaïque. M. C. n’a pas de peine à montrer que le culte des arbres est une des traditions les plus anciennes dans le monde grec ; ce Baumkultus que Bötticher illustrait il y a plus d’un demi-siècle avec les reliefs hellénistiques pourrait l’être aujourd’hui avec les documents crétois et mycéniens réunis par Evans en 1901.

      Evans a même supposé que les sculpteurs hellénistiques n’avaient fait que rajeunir un vieux motif resté vivant dans les cultes rustiques et dans les ex-voto des bûcherons ou des chasseurs ; on peut ajouter que cette imita­tion des marbres polychromes, qu’on a relevée comme l’un des caractères de la peinture hellénistique, se retrouve pareillement dans les peintures égéennes. C’est au culte des arbres que se rattache l’usage des couronnes et guirlandes. Si leur rôle est considérable sur les vases peints, tandis qu’elles ne paraissent que sur 14 des 50 bas-reliefs hellénistiques connus, je n’en crois pas moins qu’une visite au Musée d’Alexandrie aurait convaincu M. C. que la ghirlandomania est bien un trait alexandrin. Il n’en résulte pas, d’ailleurs, que cette mode ait eu son origine en Égypte et M. C. a raison de remarquer que les plantes représentées ne sont que très rarement le palmier, qu’on s’attendrait à y trouver si les reliefs étaient de provenance égyptienne ; ce sont des pins, des figuiers, des chênes, des platanes surtout, si abondants en Asie. Quant aux scènes mythologiques qui dominent dans ces paysages, elles n’ont rien de particulièrement alexandrin ; la présence d’Adonis peut s’expliquer partout où s’est répandue la littérature alexandrine dont cette sculp­ture est, avant tout, l’illustration.

     Schreiber a quelque peu exagéré l’importance des sujets bucoliques dans les reliefs. Des bergers et des bouviers ne paraissent que sur 7 d’entre eux et ce n’est pas parce que Théocrite a travaillé quelque temps à Alexandrie que la buco­lique peut être considérée comme un genre exclusivement alexandrin. Ce n’est pas non plus parce que l’Égypte a fourni quelques statuettes de genre, un berger portant un agneau, le petit râcleur de viole nubien, le nègre faisant de la gymnastique sur le dos d’un crocodile, un parasite, un marchand ambulant ; ce n’est pas parce que l’oie que tient l’enfant de Boéthos est la chénalopex que l’art égéen a déjà empruntée à l’Égypte, que l’on est en droit de considérer la « sculpture de genre » comme d’origine alexandrine, alors que l’on sait par les textes que Myron sculpta sa « Vieille femme ivre » pour Smyrne et Boéthos son « Enfant à l’Oie » pour Kos. Des monuments du même style sont venus au jour au moins aussi nombreux en Asie Mineure qu’en Égypte ; notamment, le type fameux de l’« Écorcheur rustique » trouve son prototype dans la frise de Téléphos à Pergame. C’est dans ce Satyre de Pergame, auquel Furtwængler a consacré le 40e Winckelmannsprogramm, dans les têtes de géants et de barbares, si nombreuses à Pergame qu’il faudrait également chercher le modèle des Satyres et des Silènes qui jouent un si grand rôle dans les reliefs hellénistiques. La violence dramatique de leurs mouvements se retrouve dans le groupe pergaménien représentant Prométhée enchaîné, motif que reproduit un relief du Musée des Thermes. C’est encore vers Pergame et sa sphère d’influence que ramène l’étude d’autres monu­ments dont l’imitation paraît manifeste sur certains reliefs : les Niobides qui ont du être sculptés, sur un fond de paysage, pour un sanctuaire d’Apollon voisin du Sipyle ; l’Ariane assoupie qu’exhibent les monnaies de Périnthe ; la Vénus accroupie des monnaies royales de Bithynie ; le groupe des Tritons et Néréides attribué à Skopas, que Domitius Ahénobarbus a sans doute rapporté de Bithynie à Rome ; le torse du Belvédère qui appartient peut-être à un Polyphème ou à un Hercule assis, la coupe ou la lyre en main, comme sur le relief de la villa Albani ; le même Polyphème debout sur un relief de Munich, rappelant l’Hercule Farnèse qui figure au revers d’une monnaie de Pergame ; de même, les rochers sur lesquels sont assis les personnages, trait familier aux reliefs hellénistiques, se retrouvent dans deux statues de Rhodes, deux de Magnésie, deux de Priène, etc. Découvrirait-on même des monuments semblables en Égypte, cela ne prouverait pas qu’ils sont l’œuvre d’artistes gréco-égyp­tiens. M. C. eût pu rappeler que l’unique base signée connue encore à Alexan­drie porte les noms des sculpteurs Théon d’Antioche et Démétrius de Rhodes (Lœwy, 187, IIe s. av. J.-C., statue équestre ?) (2).

     De tous ces faits, savamment groupés, ressort la prédominance de la corrente asiana. Mais, comme la rhétorique grecque, lorsque les contemporains d’Hortensius et de Cicéron commencèrent à s’y intéresser, présentait les deux cou­rants asiatique et attique, de même, dans la sculpture, une école néo-attique apparaît alors à côté de l’école asiatique. C’est à Rome même, selon M. C., que se serait faite la rencontre de ces deux courants, rencontre qui aurait produit les chefs-d’œuvre du palais Spada, tandis que l’art propre à Alexandrie ne manifestait son influence que dans certains éléments égyptisants du paysage qui apparaissent dans les stucs de la Farnésine ou la mosaïque de Palestrine. Développement du paysage d’une part, développement du décor architectural de l’autre, voilà les traits essentiels qui, pour M. C., caractérisent l’évolution du bas-relief hellénistique à Rome. Sans doute, ces deux éléments ne jouent encore qu’un rôle très effacé dans la frise de Téléphos à Pergame qu’on peut dater de 165 environ, tandis que le paysage a déjà pris toute son importance dans le relief qui orne la base du Taureau Farnèse, dont la compo­sition peut descendre jusqu’au milieu du 1er s. av. J.-C. Mais je ne sais ce qui autorise M. C. à croire que ce relief soit contemporain du groupe, ni ce qui oblige de reporter au temps d’Antonin le Pieux les reliefs Rondanini où l’archi­tecture de l’île Tibérine joue un rôle essentiel, pour la seule raison qu’une scène semblable se trouve gravée sur un médaillon de cet empereur. On sait que c’est à cette Renaissance antonine que M. Wickhoff et Mme Strong attribuent plusieurs reliefs du Palais Spada, notamment les deux reliefs de Pâris. Si des copies de style hellénistique ont pu être faites jusqu’à cette époque, la première partie de l’ouvrage de M. C. n’en aura pas moins établi que c’est en Asie­ Mineure, peut-être même à Pergame, plutôt qu’à Alexandrie, qu’il faut chercher l’origine du relief pittoresque. Cet excellent début est du meilleur augure pour la suite de l’étude entreprise par M. Cultrera.

A[dolphe] J[oseph] R[einach]

 

(1) M. Cultrera a publié depuis un nouveau bas-relief « rustique », dans Bollettino d’Arte, 1908, p. 241 (un troupeau se pressant par temps d’orage au pied d’un autel et d’une chapelle de Diane chasseresse). On doit rapprocher encore de cette série, d’une part le relief mutilé (Silène supporté par un Satyre) et le relief dionysiaque de la collection Cook publiés par Mme Strong Journ. Hell. Stud., 1908, pl. XV-XVl), et un relief de Sardes dédié à Zeus Pétarênos qui re­présente une vache allaitant un veau (Ath. Mitt. 1908, 156) ; d’autre part plu­sieurs des sculptures de genre provenant des Martres Tolosanes, excellentes co­pies de chefs d’œuvre hellénistiques, notamment les nos 897 (enlèvement de Ganymède), 932 (Satyre au repos dans une grotte), 1037 [(]lièvre broutant du lierre) du Recueil des bas-reliefs de la Gaule de M. Espérandieu.

(2) Une deuxième base trouvée tout récemment à Alexandrie donne la signature tronquée d’un artiste de Smyrne.