Dubois, Ch.: Pouzzoles Antique. In-8°, xii-450 p., 56 grav. et une carte.
(Paris, Fontemoing 1907)
Recensione di Adolphe Joseph Reinach, Revue Archéologique t. 13 (4e série), 1909-1, p. 169-171
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Ch. Dubois. Pouzzoles Antique. Paris, Fontemoing, 1907. In-8°, xii-450 p., 56 grav. et une carte.


Ce nouveau volume de la Bibliothèque des Ecoles françaises rentre dans la série des monographies de cités antiques d’Italie qui, inaugurées jadis par le Préneste de Fernique et le Terracine de La Blanchère, semblent devenues une des meilleures traditions de l’École de Rome.

Entre la grande solfatare et la baie de Naples, probablement sur l’emplacement du village osque de Fistelia qui serait devenu Puteoli, Dicaearchia dut son nom aux Samiens qui s’y établirent vers 520, fuyant la tyrannie de Polycrate. Long­temps secondaire sous la domination des Gréco-Samnites de Cumes, puis de Naples, elle reçut, vers 330, des Romains vainqueurs la civitas sine suffragio ; Hannibal la trouva en 215 fortifiée et défendue par 6.000 hommes. Elle est, dès lors, pour Rome, un des principaux ports d’approvisionnement ; de préférence à Naples qui, jalouse de ses libertés, ne se résigne pas au contrôle romain, c’est à Pouzzoles, administrée depuis longtemps par des praefecti jure dicundo, que Rome envoie une colonie en 194 ; dès 199, Scipion l’Africain, censeur, y avait établi un portorium ou douane d’État. Trente ans plus tard, Polybe la cite parmi « les villes les plus célèbres et les plus belles » de l’Italie ; vers 125, Lucilius l’appelle Delum minorem. En relations directes avec Délos, ce grand entrepôt de la Méditerranée orientale où Rome domine depuis 193, Pouzzoles est, en effet, pour Rome et l’Italie centrale, le port où s’importent et se négo­cient toutes les denrées de Grèce et d’Orient. Après les sacs de 88 et de 69 qui mettent fin à la prospérité de Délos, c’est à Pouzzoles même que se transporte tout son trafic. Les industries diverses, que les ressources naturelles de la région permettent à Pouzzoles de développer, ajoutent à cette importation une exportation considérable ; soufre brut de la solfatare, creta, sulfate de chaux qui blanchit la farine ou sert d’engrais, pouzzolane qu’on emploie pour toutes les constructions hydrauliques, céramique, dérivée de celle d’Arretium, qu’on retrouve en Espagne, en Gaule et jusqu’à Neuss, fer et plomb des îles d’Elbe et de Sardaigne, litharge, céruse, vins campaniens. D’autres industries sont apportées d’Orient : de Pergame, la mosaïque qui envoie ses artistes jusqu’à Lillebonne où signe un Senius Felix Puteolanus ; de Sidon, la verrerie ; de Tyr, la pourpre ; d’Égypte, le caeruleum, ce bleu de cuivre et de natron dont les fabriques, fondées par un Nestorius, ami de Cicéron, occupaient tout un quartier de Pouzzoles. En même temps que leurs denrées, les Orientaux amènent leurs dieux : au-dessus des dieux indigènes, Jupiter Flagius et Juno Gaura, et des dieux grecs Apollon, Dionysos et Déméter surtout, l’épigraphie nous montre toute la série des dieux orientaux : de Sicile vient Vénus Érycine, de Carthage la Virgo Cœlestis, d’Égypte Sérapis avec Isis et Anubis, de Tyr Baal-Melqart, d’Héliopolis Baal-Marqod ; d’autres Baals, latinisés en Jupiter ou en Sol, arrivent de Dolichè, de Damas, de Sarepta, de Béryte, de Gémala etc. ; ni le Dusarès Nabatéen, ni la Mater phrygienne, ni le Mithra perse ne manquent à ce rendez-vous. Le dieu des Juifs y accompagne les siens de bonne heure et, dès 61, saint Paul, débarquant à Pouzzoles, y trouve une communauté chrétienne ; Renan a déjà montré combien, grâce à ces judéo-chrétiens de Pouz­zoles, les Champs Phlégréens, le Vésuve, la Solfatare avaient exercé d’influence sur les compositions sibyllines, le livre d’Hénoch, l’Apocalypse de Jean. C’est à Pouzzoles que saint Janvier sera martyrisé en 305.

Ainsi, entre le port de guerre de Misène et le port de plaisance de Baia, Pouz­zoles, pourvue de bassins admirables à l’est de sa jetée de 372 mètres, reste, pen­dant près de deux siècles, le grand port de commerce de Rome. Bien que reliée à la capitale par un réseau de routes, elle en est cependant deux fois plus éloignée qu’Ostie qui serait son port naturel si le Tibre ne l’ensablait perpétuellement. Les travaux projetés par César comprenaient sans doute la création d’un canal de 160 milles de Pouzzoles à Ostie ; repris par Néron, qui donna le jus coloniae aux 80.000 habitants de Pouzzoles et, peut-être, par Vespasien qui la nomma colonia Flavia, ce projet gigantesque ne devait pas aboutir. A partir des grands travaux de Trajan, c’est à Ostie que passe le commerce de Rome ; tandis que Stace parlait encore des littora mundi hospita de Pouzzoles, c’est Ostie que Florus appelle l’emporium du monde entier. Pouzzoles n’est plus qu’un port secondaire de l’annone, ville de bains et de plaisir que Symmaque, qui se repose dans son Puteolanum, vante, ainsi qu’autrefois Cicéron, comme « le plus beau lieu du monde ».

De ses ruines imposantes, de sa jetée et de ses quais, de ses aqueducs et de ses réservoirs, de son amphithéâtre et de ses thermes, de son temple d’Auguste et, surtout, de ce tempio di Serapide qui serait en vérité un macellum, M. D. nous a donné dans sa seconde partie une étude approfondie ; grâce à deux vases de verre à reliefs, dits d’Odemira et de Piombino, où Pouzzoles se trouve représentée, grâce à une peinture antique de Gragnano qui offre une vue de tout le golfe, de Pouzzoles à Misène, et à une autre peinture, connue seulement par une copie de Bellori et que M. D. attribue à Pouzzoles (avec Jordan et de Rossi contre Huelsen qui la revendique pour Rome), grâce enfin aux plans de l’architecte Caristie et aux recherches faites sur les lieux par M. D., une reconstitution assez précise de la ville antique a pu venir compléter son histoire si vivante. Enfin la monographie s’achève par cent pages d’appendices : les villas de Pouzzoles et de ses environs ; les eaux minérales et les thermes : les phénomènes géologiques d’affaissement, du sol qui, au moyen-âge, auraient permis aux mollusques de venir ronger jusqu’à une hauteur de 5 m. 1/2 les colonnes du tempio di Serapide, le catalogue des objets provenant de Pouz­zoles. A cette forte étude d’histoire économique et sociale, il n’y a rien à ajouter (1) ; on peut seulement souhaiter que l’Ostie que nous promet M. Carcopino vienne la compléter bientôt.

A[dolphe] J[oseph]-R[einach]

 

(1) En dehors de quelques réserves à faire sur l’interprétation du tempio di Se­rapide comme marché et non comme thermes et de l’adoption de la théorie de l’affaissement méditerranéen en dépit des conclusions opposées de Ph. Negris (voir un bon résumé de ses travaux par L. Cayeux, Annales de géographie, 1907, 97-116), je ne trouve à relever que deux lacunes ; le passage où Cicéron montre Ptolémée Aulète envoyant, en 57, ses spadassins malmener a [sic] Pouzzoles les am­bassadeurs qui viennent d’Alexandrie porter plainte contre lui au Sénat (Pro Sestio, 10) ; le M. Turranius Hermoneikos de Pouzzoles vainqueur à la citharodie des Pythia de 79 (Bull. corr. Hell., XVIII, p. 96). Je ne sais si M. D. a pu encore connaître les lignes dont M. E. Ghislanzoni a accommpagné [sic] une bonne photographie du relief de la trirème de Pouzzoles dans Ausonia, I, p. 108.