Strzygowski, Josef: Das orientalische Italien (Extrait des Monatshefte für Kunstwissenschaft, t. I, p. 20).
(Leipzig 1908)
Rezension von Louis Bréhier, Revue Archéologique t. 11 (4e série), 1908-1, S. 435-436
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Josef Strzygowski. Das orientalische Italien (Extrait des Monatshefte für Kunstwissenschaft, t. I, Leipzig, 1908, p. 20).


        Deux monuments italiens ont toujours embarrassé les archéologues, qui les ont attribués aux époques les plus diverses. L’un est un ensemble de reliefs en stuc qui décorent l’oratoire de Santa Maria in Valle à Cividale ; on en a fait successivement une œuvre byzantine, lombarde, carolingienne. L’autre est le coffret de bois sculpté du chapitre de Terracine qui a figuré à l’exposition de Grottaferrata en 1906 ; tandis que Venturi y voit un travail nordique et païen du VIIe siècle, Munoz en recule l’exécution jusqu’au XIIIe siècle. Après avoir, à son tour, étudié ces deux monuments, M. Strzygowski les considère comme deux importations d’art oriental qui auraient eu lieu entre le VIIIe et le Xe siècle.

        La décoration de la chapelle de Cividale présente les plus grandes ressemblances avec les bas-reliefs en stuc du Deïr-es-Suriani (couvent des Syriens, désert de Nitrie), dont les églises furent ornées au début Xe siècle par l’abbé Moïse de Nitrie. Les ornements, rinceaux de vignes, rangées de perles, frise de créneaux arrondis, etc. se détachent en clair sur un fond obscur comme les sculptures de la façade de Mschatta. Les colonnettes qui supportent les archivoltes des baies sont disposées comme celles de la mosquée d’Ibn- Touloun, au Caire, dont l’architecte fut un chrétien de Samara près de Bagdad. L’ornementation en stuc de Cividale semble donc se rattacher à l’art mésopotamien. Les figures de saintes qui s’avancent en théorie, portant d’une main la croix, de l’autre la couronne, sont parentes des vierges de Saint-Apollinaire Nuovo à Ravenne.

        Le coffre en bois sculpté de Terracine paraît être, en revanche, une œuvre d’art copte ; les figures plates y semblent découpées plus que sculptées, comme un grand nombre d’ivoires ou de stèles d’origine égyptienne. Les êtres parfois monstrueux représentés sous les arcades d’un portique à deux étages sont empruntés à la faune fantastique du Physiologus. Suivant les habitudes de l’art copte, les motifs chrétiens et païens s’entremêlent. La scène centrale représente Adam et Ève de chaque côté du serpent ; sous le portique supérieur on voit paraître deux fois le cavalier perçant un monstre de sa lance, sujet familier à l’art égyptien (voy. Strzygowski, Hellenische und Koptische Kunst, p. 21). Quelques-­uns des motifs du coffre de Terracine se retrouvent sur la cassette runique d’Auzon et les deux œuvres présentent d’ailleurs les plus grandes ressemblances. Le caractère copte de l’œuvre est encore mieux marqué dans les encadrements, composés d’une série de longues feuilles en lancette que l’on retrouve dans certaines sculptures de Baouît.

        Les stucs de Cividale et le coffre de Terracine sont donc deux témoignages de l’importation artistique d’Orient en Italie pendant le haut moyen âge. Soit par l’intermédiaire de la Sicile, soit par celui des Goths et des Lombards, les influences orientales ont pénétré en Italie et y ont régné jusqu’à la Renaissance. La technique de la verroterie cloisonnée, qui se trouve mélangée aux sculptures de Cividale, dénote l’influence des Lombards. Les adversaires de la théorie orientaliste ont quelquefois demandé ironiquement comment des barbares avaient pu se faire les missionnaires d’un style. Les objets et ornements de toute sorte découverts dans les tombes qui s’échelonnent de l’Océan Atlantique au Caucase sont là pour répondre ; ils proviennent directement de la Perse et de l’Asie centrale.

                                                                              Louis Bréhier