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Clerc, Michel: La Bataille d’Aix. Études critiques sur la campagne de Marius en Provence. In-8, 284 p., avec 4 cartes. (Paris, Fontemoing 1906) Recensione di Adolphe-Joseph Reinach, Revue Archéologique t. 9 (4e série), 1907-1, p. 184-188 Site officiel de la Revue archéologique Numero di parole 2894 parole Citazione della versione on line : Les comptes rendus HISTARA. Link: http://histara.sorbonne.fr/ar.php?cr=1213 Michel Clerc. La Bataille d’Aix. Études critiques sur la campagne de Marius en Provence. Paris, Fontemoing, 1906. In-8, 284 p., avec 4 cartes. Professeur à l’Université de Marseille et conservateur du Musée Borély, M. Clerc était bien qualifié pour donner une histoire définitive de la campagne de 104-2. C’était d’ailleurs presque une œuvre de courage, tant les érudits provençaux ont, depuis la Renaissance, accumulé sur ce point d’erreurs et de légendes. M. C. s’est appliqué surtout à les dissiper. Après un exposé des préliminaires, de 113 à 104, et une rapide revue des sources, commencent les discussions topographiques sur le premier camp de Marius, la Fosse Marienne, l’arrivée des Barbares et l’attaque du camp, la marche parallèle des deux armées jusqu’à Aix et la bataille décisive. Les soixante dernières pages, peut-être les plus intéressantes, traitent de la légende de Marius en Provence : numismatique, épigraphie, onomastique et toponomastique, monuments et œuvres d’art, il n’est pas de domaine où l’on n’ait voulu découvrir le souvenir de Marius et, malheureusement, il n’en est aucun où il se soit véritablement conservé. Peut-être trouvera-t-on un peu faible l’objection générale qu’élève M. C. contre la théorie des souvenirs et survivances : Marius étant parti aussitôt après sa victoire pour ne jamais revenir, il n’y aurait eu personne pour élever un monument en mémoire de son triomphe. C’est croire la Provence sauvée bien ingrate à l’égard de celui qu’on salua du nom de troisième fondateur de Rome. D’ailleurs, lorsque son neveu César, vainqueur des Gaules, fut à son tour maître de l’empire, il était de bonne politique de glorifier ses conquêtes sous couleur de commémorer celles de son aïeul ; il n’y a même rien d’impossible à ce que César ou Auguste aient pris eux-mêmes l’initiative d’une pareille commémoration. Je ne puis songer, sans connaître les lieux, à discuter ici le détail de la reconstitution topographique essayée par M. Clerc. L’auteur a assurément fort bien mis en lumière le plan général de Marius. Il ne s’agissait pas de remporter sur les Barbares une victoire brillante qui ne les eût pas empêchés, après s’être refaits en Gaule, de revenir à la charge, mais, en les détruisant, de délivrer à jamais Rome de la terreur qui la hantait depuis dix ans ; aussi leur laissa-t-il passer le Rhône sans encombre et marcher en longues colonnes vers les cols de Cadibone ou de Tende, résolu à les surprendre, à les enfermer et à les tailler en pièces dans quelque étroit passage d’où ils ne pourraient s’échapper. Avait-il depuis longtemps, comme paraît le croire M. C., choisi à cet effet le défilé de l’Arc, entre les contreforts du mont Olympe et ceux du mont Sainte-Victoire ? Il est certain qu’après l’éclatante victoire qu’il y remporta, il dut répandre ce bruit qui achevait de le grandir. Pourtant, même à travers Plutarque, il semble qu’on puisse concevoir quelques doutes ; l’emplacement choisi pour le camp était fort à la vérité, mais sans eau. On prétendit que Marius l’avait choisi à dessein pour que ses soldats dussent aller chercher dans la plaine l’eau avec la victoire. C’était en tous cas rendre une collision inévitable : elle eut lieu, en effet, dès le premier jour, et il paraît bien que, sans la charge spontanée des Ligures, que le général ne fit que soutenir, cette première rencontre se serait terminée par la perte totale, pour l’armée romaine, de ses valets et de ses bêtes de somme. Marius ne dut pas se tirer sans perles de cette maladroite échauffourée. Pourquoi serait-il resté autrement trois jours avant de se décider à offrir la bataille? Pour fortifier son camp, nous dit-on. Mais à quoi, vaincu ou victorieux, lui aurait servi le camp le mieux fortifié du monde ? Une tradition recueillie par Frontin (II, 7, 12) porte à croire que ce fameux camp n’avait pas été si bien établi, puisqu’on voit Marius rejeter la responsabilité du choix sur ses metatores et leur imprudentia. La plaine de Pourrières est en vérité trop large pour que Marius s’y sentît assuré d’exterminer les Ambro-Teutons ; il eût sans doute voulu attendre, entre les Maures et l’Esterel, un défilé plus étroit. Mais la première collision, résultat du manque d’eau, attira sur l’armée romaine l’attention des Barbares qui l’avaient perdue de vue depuis le passage du Rhône ; ils durent se rendre compte du danger qui les menaçait s’ils continuaient plus avant sans s’en être débarrassés et ils s’arrêtèrent autour des sources d’Aix, attendant que Marius voulût bien accepter la bataille. Quand celui-ci vit que les Barbares ne se décidaient pas à se remettre en marche et que l’impatience croissante de ses troupes, qui lui avait déjà forcé la main le premier jour, risquait d’entraîner un désastre, il dut se résoudre à combattre. Cette reconstitution des événements, différente de celle de M. G., paraîtra encore plus probable si l’on admet avec lui que les Barbares étaient à cheval sur l’Arc, les Ambrons à Saint-Andéol, les Teutons à la Grande Bastide et que Marius, à la Bastide Blanche, les dominait du Nord-Est. Ainsi il aurait été coupé par les Barbares du Sud, c’est-à-dire de Marseille (1) et de la mer, sa base de ravitaillement, sinon d’opérations. Une pareille situation n’eût pu durer sans entraîner les conséquences les plus graves. Or, pour M. C., elle durait depuis deux mois, puisque, depuis le combat qui suivit le passage du Rhône, Marius aurait suivi les Barbares au Nord ; entre autres résultats fâcheux, ce système oblige M. C. à chercher sur la rive gauche les eaux thermales où se baignent les Ambrons (du côté de Pourcieux), alors qu’il ne peut être question que de celles d’Aix sur la rive droite. Ce système est dû, je crois, à une erreur initiale : Teutons et Ambrons, nous dit Plutarque, venaient διὰ Λιγύων ἐπὶ Μάριον παρὰ θάλατταν. M. C. entend qu’ils venaient du Nord, par la rive gauche du Rhône, et c’est pourquoi Marius aurait établi son camp à la Montagnette pour surveiller cette jonction du Rhône et de la Durance où ils devaient passer. Je pense au contraire qu’on doit en conclure que les Teutons revenaient d’Espagne (2), en longeant le golfe de Lion pour passer par la Corniche, tandis que les Cimbres, franchissant le Brenner, devaient envahir l’Italie par le Nord. Comme la Camargue était alors impraticable, ils durent traverser le Rhône du côté de Tarascon. Pour surveiller leur passage, Marius aurait dû, en ce cas, avoir son camp à l’extrémité des Alpines ; le premier combat aux abords de ce camp a pu se donner près de Saint-Rémy, le second entre Aix et le Montaiguet. On voit que les lignes générales du plan de M. C. restent sujettes à la critique. Voici quelques autres observations. Dans le relevé des sources il cite Frontin, mais oublie Polyen — Florus, mais non Dio Cassius — Eutrope, mais ni Paulus, ni Landulfus. Pourtant, dans un récit où nous sommes réduits comme source principale à Plutarque, il n’est pas si faible vestige de la tradition livienne qu’on doive négliger. M. C. oublie, à propos de la prophétesse Martha, de renvoyer à Frontin, I, 11, 12 ; à propos des prodiges qui annoncèrent la victoire de Marius, il omet de dire que Paulus (éd. Droysen, p. 86) parle de globes et non de lances de feu et d’une pluie de pierres de sept jours ; dans le récit de la bataille décisive, il a négligé le texte de Frontin II, 2, 8, d’après lequel Marius arrêta son front de bataille loin de l’ennemi, de manière à le fatiguer par une longue marche dans la poussière avec le soleil dans les yeux. Cela permet de rapporter à Aix plutôt qu’à Verceil le passage où Polyen (VIII, 10, 3 ; cf. Excerpta ex Pol. 13), d’après Tite Live évidemment, raconte plus au long ce qu’indique aussi Orose, que les barbares en arrivant au combat ruisselaient de sueur ; s’il en fut vraiment ainsi, la bataille a dû se livrer après midi, en pleine chaleur ; pour que le soleil ait alors dardé en face des barbares, il faut que ce soit au sud-ouest et non au nord-est qu’ils aient marché contre l’armée romaine. Frontin seul parle des cavaliers, muletiers et goujats d’armée qui auraient accompagné Marcellus dans son mouvement tournant ; comme Polyen (VIII, 10, 2) et Plutarque ne parlent que de 3.000 légionnaires, ce n’est, je crois, qu’une inopportune répétition du stratagème prêté à C. Sulpicius en 355. Quant au nombre des barbares tués, si Landulfus répète les chiffres d’Eutrope et d’Orose, Paulus atteint le maximum avec ses 340.000 morts et 140.000 prisonniers, sans compter les femmes et les enfants. Il me semble que dans les Σηκούανοι qui, selon Plutarque, auraient arrêté les rois teutons dans leur fuite, il est inutile de chercher les hypothétiques riverains d’un Σηκόανος, fleuve marseillais, alors que ceux de la Saône ont pu fort bien s’emparer des fugitifs vers Lyon, quand ils cherchaient à rejoindre les Cimbres par la vallée du Rhône. Si les Séquanes étaient alors les ennemis des Éduens amis de Rome, ils étaient avant tout, comme tous les Gaulois proprement dits — exception faite pour les Belges, Aquitains et Celtibères — les ennemis des Barbares. M. C. n’a nulle part essayé de retracer cet état d’esprit de la Gaule, si important cependant pour l’intelligence de cette guerre. Il a pareillement trop négligé le texte d’Orose que répète Landulfus, selon lequel Marius aurait établi son camp d’observation au confluent de la Hisara et du Rhône. Il ne peut être évidemment question que de la Durance ; mais il aurait fallu essayer d’expliquer ce nom. Si l’on se rappelle que, dans l’histoire du passage d’Hannibal, Tite Live parait appeler Druentia l’lsère ou son affluent le Drac, et que le Rhône dont parle Polybe dans le même récit ne peut correspondre qu’à notre Isère, on a tout au moins en mains quelques éléments d’un problème qui doit comporter une solution. On sait que les réformes militaires de Marius furent un des principaux facteurs de sa victoire. M. C. leur a fait une large place ; sur quelques points, il eût pu être plus précis. Ainsi il se demande, sans trouver de réponse, quel était l’armement des Ligures de l’armée de Marius et des autres auxiliaires formant la levis armatura. C’était, depuis le temps de Scipion, 5 ou 7 hastae velitares, avec gladii, galericuli, parmuli ; nous savons par Festus que Marius remplaça ces parmuli par des parmae Bruttianae, qui sont sans doute identiques aux armes que Salluste (Fragm. Maurenbrecher, p. 154) prête aux Lucaniens « qui de vimine facta scuta recens detractis coriis quasi glutino adolescebant » — non plus des rondaches comme les parmae, mais ovales et se rapprochant du thureos scutum, d’où leur nom grec de θυρεάσπιδες (A. P. VI, 131). D’ailleurs, la réforme de Marius ne put porter que sur les vélites auxiliaires non Ligures (3), ceux-ci possédant déjà, dans l’armée de Paul-Émile, avec leur ξίφος σύμμετρον (Diod. V., 39), des Λιγυστίκοι βυρσόι ou Ligustina scuta, apparemment analogues aux parmae Bruttianae (Pol. XXIX, 15 ; Liv. XLIV, 35). — Quant à sa description de l’armée barbare, elle se fonde sur celle que César donne des Gaulois quarante ans après ; mais pouvait-elle bien s’appliquer même aux Tigurins et Toygènes? Par contre, je pense que la peinture si vivante des Cimbres par Plutarque est également vraie des Teutons : casques énormes, dont le cimier à tête de fauve portait plumes ou panache, cuirasses de fer, lourds glaives à un tranchant, double javeline, immenses boucliers surtout, de bois et de cuir, peints en blanc, si larges qu’ils se laissaient glisser dessus, le long des pentes neigeuses, comme en un traîneau (Lucain, VI, 259 longis Teutonus armis ; cf. les boucliers de leurs descendants Aduatiques, César, II, 33 et ceux dont Brennus se sert en Grèce comme de nacelles, Paus., X, 20). Si Plutarque, curieux comme il l’était des détails pittoresques, n’a pas jugé bon de décrire l’équipement des Teutons, c’est probablement qu’il n’eût pu que répéter à leur sujet ce qu’il avait dit des Cimbres ; de même, il ne s’étend qu’à Verceil sur les scènes fameuses du carnage des femmes dans le camp, qui durent être pareilles à Aix ; c’est aussi — M. C. eût dû le dire — que Sylla, dont les Mémoires sont une des principales sources de Plutarque, se fît détacher auprès de Catulus en 104, dès qu’il sut l’élévation de son ami au consulat ; voilà pourquoi la campagne de Verceil est beaucoup plus détaillée dans la Vie de Plutarque que celle d’Aix (4). On voit que le livre de M. Clerc appelle des retouches. Il en trouvera sans doute l’occasion quand il nous donnera cette Histoire de la Provence Romaine qui nous manque encore et que sa situation le met, mieux qu’un autre, à même de composer. A[dolphe] J[oseph] R[einach]
(1) M. C. ne dit rien du rôle de Marseille attesté par Strabon, IV, 1, 8; il ne discute pas davantage l’hypothèse qui voit dans la Camargue Caii Marii ager, la seule étymologie proposée, avec celle de M. Mowat sur C. Annius Camars (Mélanges Graux). (2) Sans doute soulevée à cette époque. Caepio, après la prise de Toulouse et avant sa défaite d’Orange, avait dû aller y faire campagne (Eutr. IV, 97) et l’on sait que Sylla, en 104, ne put, au milieu de la fermentation générale, aller jusqu’à Toulouse. M. C. aurait pu rappeler l’épisode de l’aurus Tolosanus. (3) Probablement des Asiatiques, puisqu’on sait par Diodore (XXXVI, 3) que le Sénat autorisa Marius à faire des levées chez les rois alliés d’Asie. (4) Je crois aussi que c’est à Sylla que remontent les anecdotes sur les défis que Marius, dans la campagne d’Aix, se refuse à relever, comme à Verceil il ne daignera pas répondre au roi Boïorix. En revanche, il devait raconter tout au long l’exploit du noble Lucius Opimius qui, comme un autre Torquatus, sub Lutatio Catulo consule, in saltu Tridentino, provocatorem Cimbrum interfecit (Ampelius, 22). C’était opposer le courage chevaleresque des patriciens de son parti à l’habileté timorée du parvenu Marius. — Corrections complémentaires : P. 124, ce n’est pas le fragment 110 de Dio Cassius, mais 88-9, auquel il aurait fallu ajouter le fr. 92 avec son curieux détail sur les λουτροί θερμοί. — P. 26 : la légion comme elle y est comptée aurait 12.000 hommes (200 centuries à 60 hommes) ; les 10 cohortes contenant chacune 3 et non 10 manipules ont de 300 à 600 hommes ; les centuries ont donc 50 ou 100 hommes, selon qu’il s’agit de légions de 3.000 ou 6.000 hommes. — P. 132 : le prêtre de la Grande Mère de Pessinonte ne s’appelle pas Batabakès, mais Battakès chez Plutarque, Diodore et Polybe. — P. 209 : M. C., qui adopte l’hypothèse de M. Jullian sur le caractère ligure et non celtique du radical brig, aurait dû tenir compte de la réfutation qu’en a faite M. d’Arbois de Jubainville (Revue Celtique, 1905, p. 195). — P. 226 : il fallait rappeler l’opinion générale dans l’antiquité qui voyait dans les Cimbres une nation gauloise (Diod., V, 23, 4 ; Sall., Jug., 114) ; aussi, lorsqu’on nous dit que les envahisseurs de 104 étaient un mélange Germanorum Gallorumque, n’est-il pas certain qu’il faille entendre sous ce dernier nom les tribus Helvétiques des Tigurins et des Toygènes, et non les Cimbres par opposition aux Teutons. Pour leur répartition, que M. C. n’arrive pas à établir en deux armées, Florus et Orose indiquent qu’elle eut lieu non pas duplici, mais tripartito agmine ; c’est au confluent du Rhône et de l’Isère que paraissent s’être séparées les trois armées pour envahir l’Italie : les Cimbres par les Alpes Noriques, les Ambro-Teutons par les Alpes Maritimes, les Tigurins-Toygènes par les Alpes Centrales (où, après la destruction des deux premières armées à Aix et à Verceil, Sylla dut mener contre eux une campagne spéciale, Plut., Syll., 4, 4 ; Flor., I, 38, 18). Enfin, le rapprochement qu’établit M. C. entre les Ligures, dont le cri de guerre était Ambron, et les Ombriens, et entre ceux-ci et les Ambrons, est contraire à toutes les conclusions actuelles sur la préhistoire italienne, qui tendent à distinguer de plus en plus les Liguro-Sicules de leurs successeurs Ombro-Sabelliens. Ni les uns ni les autres n’ont rien de commun avec la peuplade germanique ou celtique des Ambrons. — Les cartes pourraient être plus claires et l’échelle devrait en être indiquée.
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