Lo Schiavo, F. - Muhly, J.D. - Maddin, R - Giumlia-Mair, A. (eds.): Oxhide ingots in the Central Mediterranean
(CNR, Roma 2009)
Recensione di Michel Feugère, Instrumentum, 2010-32, p. 3
Site officiel de la revue Instrumentum
 
Numero di parole 766 parole
 
Citazione della versione on line : Les comptes rendus HISTARA.
Link: http://histara.sorbonne.fr/ar.php?cr=1657
 
 

F. Lo Schiavo, J.D. Muhly, R. Maddin, A. Giumlia-Mair (eds.) Oxhide ingots in the Central Mediterranean (A.G. Leventis Foundation ; CNR – Istituto di Studi sulle Civiltà dell’Egeo e del Vicino Oriente), Roma 2009 [518 p., CD-rom]


 

 Le lingot « en peau de bœuf » est la forme sous laquelle une bonne partie du cuivre commercialisé à l’Age du Bronze a circulé en Méditerranée (l’autre type étant le lingot en calotte de sphère). Sa diffusion, cependant, ne se limite pas à la zone centrale, qui fait l’objet des recherches rassemblées ici ; il se rencontre également en Méditerranée orientale, dans l’Egée, à Chypre bien sûr, en abondance, au Proche-Orient et jusqu’en Egypte. Il convenait donc, pour comprendre la manière dont ces lingots avaient été produits et diffusés, d’appliquer à leur étude une démarche ambitieuse, ouverte et pluridisciplinaire.

 

L’origine orientale fait l’objet des trois premières contributions (« Ex Oriente Lux », p. 17-132), concernant la distribution des lingots en Méditerranée orientale, notamment à Chypre, où la forme a pu être créée, et leur iconographie. La première contribution de J.D. Muhly présente un passionnant survol de l’histoire des recherches sur ces lingots, et l’évolution de la problématique en fonction des découvertes, terrestres et subaquatiques.

 

Le volume s’organise ensuite en dossiers régionaux, l’essentiel étant fourni par deux régions, la Sicile (p.135-221) et la Sardaigne (p.223-407). Les rares découvertes périphériques sont ensuite traitées rapidement : Borgo en Corse (p. 411-417) et Sète sur le littoral languedocien (p. 421-427). Seuls 3 sites siciliens ont livré des lingots en peau de bœuf ; le chiffre est à comparer aux 37 points de découverte en Sardaigne et surtout aux 8 de Chypre. Pour la Sicile, la découverte de Thapsos (Syracuse) est remarquable car elle répond à la découverte d’une épée de type Thapsos-Pertosa dans l’épave Bronze final d’Uluburun, qui reste à ce jour la découverte majeure avec ses 475 lingots en peau de bœuf.

 

 Avec son abondant mobilier et sa longue tradition de recherche, la Sardaigne occupe dans ce volume une place centrale. Un fort volume (p. 229-390) est consacré à une présentation mise à jour des 36 découvertes utilisées, dont plusieurs fournissent des contextes significatifs. Dans une proportion importance de ces cas (10 et peut-être 18), les lingots ont été retrouvés sous forme de fragments déposés dans des cachettes. Le matériau a donc été stocké pour sa valeur propre, en prévision de son utilisation ou d’un nouvel échange. Les analyses montrent que tous les lingots retrouvés en Sardaigne ont été importés de Chypre, même si la signature isotopique du cuivre chypriote n’apparaît pas dans les objets produits en Sardaigne : l’ajout d’étain, et parfois de plomb, masque en effet les éléments minimes qui pourraient signaler l’origine du cuivre utilisé.

 

Après avoir abordé la question des marques et celles des poids, le volume se clôt par deux contributions techniques, l’une sur la paléo-métallurgie en Sardaigne et l’autre sur l’utilisation des analyses isotopiques du plomb. C’est clairement avec le début de la Civilisation des Nouraghes, au Bronze moyen, que la métallurgie du bronze a pris en Sardaigne un essor inégalé jusque là. L’île était loin d’être isolée, et sa position centrale en Méditerranée occidentale, ainsi qu’un longue tradition marine, ont certainement favorisé la multiplication d’échanges commerciaux avec les autres îles orientales, dont Chypre.

 

Mais loin d’apporter des réponses simples aux questions finalement basiques des archéologues, les résultats d’analyses n’ont cessé de complexifier, voire de brouiller parfois le débat. Alors que l’île de Sardaigne est riche en cuivre, les analyses ont d’abord montré que le cuivre des lingots retrouvés sur place n’était pas local. En corollaire, l’analyse isotopique a prouvé que le plomb présent sous forme de trace dans les lingots de cuivre était différent du plomb retrouvé dans les objets nouraghiques : les lingots en peau de bœuf retrouvés en Sardaigne sont bien, pour la plupart, d’origine chypriote. Ces résultats surprenants ont suscité un débat parfois très vif, au début des années 2000, alors que la conclusion s’imposait : si la Sardaigne a importé des lingots de cuivre, ce n’est pas pour répondre aux besoins des ateliers locaux, mais bien à d’autres nécessités qui tiennent sans doute à la valeur commerciale du cuivre, et au rôle éminent qu’il a pu jouer dans le commerce maritime de la protohistoire.

 

Par l’ampleur des dossiers qu’il regroupe, mais aussi à travers les débats qu’il expose, ce volume apparaît comme une contribution majeure à notre connaissance de l’économie du cuivre en Méditerranée à la fin de l’Age du Bronze. Alors qu’il n’est pas facile de rester informé des derniers développements de cette recherche si l’on n’y est pas directement impliqué, sa lecture permet de suivre l’évolution des problématiques, tant du point de vue des archéologues que de celui des paléo-métallurgistes. On remerciera les auteurs d’avoir mené à point ce programme ambitieux, et de fournir avec ce livre des bases solides pour la poursuite du travail sur la métallurgie du cuivre protohistorique.