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Chwolson, D.: Ueber die Frage ob Jesus gelebt hat. In-8, 27 p. (Leipzig, Haessel 1910) Rezension von Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 16 (4e série), 1910-2, S. 190-192 Site officiel de la Revue archéologique Anzahl Wörter: 1267 Wörter Zitat für die Online-Version: Les comptes rendus HISTARA. Link: http://histara.sorbonne.fr/ar.php?cr=194 D. Chwolson. Ueber die Frage ob Jesus gelebt hat. Leipzig, Haessel, 1910. In-8, 27 p. L’Allemagne est agitée, depuis quelque temps, par un renouveau de la controverse sur l’existence de Jésus. Un livre de M. Arthur Drews à ce sujet (Die Christusmythe, Iéna, 1910) est parvenu rapidement au septième mille, malgré l’évidente incompétence de l’auteur, écrivain de talent, mais sans culture théologique. Les réponses n’ont pas manqué ; une des plus détaillées est due à un professeur d’Iéna, M. H. Weinel (Ist das « liberale » Jesusbild widerlegt ?), dont le dogmatisme conservateur n’est parfois pas moins agaçant que le scepticisme anarchiste de M. Drews. Le vieux savant D. Chwolson, âgé de 91 ans et depuis longtemps aveugle, a dicté, en réponse à M. Drews, la brochure que j’annonce ici. On y lit (p. 13) quelques lignes dont l’importance serait capitale, si la conclusion qu’en tire M. Chwolson était soutenable. Je traduis :
« Les rabbins connaissaient déjà, vers 71 av. [sic] J.-C., un Évangile, qui était probablement l’Évangile original de Matthieu. En effet, le Talmud nous apprend que Rabbi Gamaliel II conduisit, contre sa sœur, un procès en héritage au sujet des biens de leur père R. Simeon ben Gamaliel, qui avait été exécuté vers 70 avec d’autres rabbins insurgés. Ils comparurent devant un juge sans doute institué par les Romains, lequel était un judéo-chrétien de tendance paulinienne, bien que le texte le qualifie de philosophe, terme que les Juifs employaient pour désigner les chrétiens, par crainte de la censure. Le juge dit au frère et à la sœur qu’ils devaient partager les biens de leur père. La-dessus [sic], R. Gamaliel fit observer que, d’après la loi mosaïque, la fille n’avait aucun droit à l’héritage. Le juge répondit : « Depuis que vous avez perdu votre pays, la Thora de Moïse a été abolie et l’Évangile a été donné. » Là-dessus, Gamaliel fit un cadeau au juge et lorsqu’il vint le trouver le lendemain, le juge cita le verset de Matthieu (V, 17) en langue araméenne, où il est dit que le Christ n’était pas venu abolir la loi mosaïque, mais y faire des additions, et il adjugea l’héritage à Gamaliel. « On voit, par ce texte important, que vers 71 ap. J.-C., non seulement un Évangile de Matthieu existait, mais qu’il était connu des chrétiens. Ce passage est resté, ce me semble, tout à fait inconnu des exégètes modernes. Je remarque encore que cette citation de Matthieu est la plus ancienne citation évangélique qui nous soit parvenue. »
Quand un hébraïsant de premier ordre comme M. Chwolson s’exprime ainsi, c’est à un autre hébraïsant qu’il faut demander une réponse. Je me suis adressé à M. Israël Levi et je publie ici la lettre qu’il a eu l’obligeance de m’écrire:
« Cher Monsieur, « Voici le texte. lmma Schalom était la femme d’Eliézer et la sœur de Rabban Gamliel (II). Dans son voisinage demeurait un philosophe qui s’était fait la réputation de ne pas accepter de présents corrupteurs. Ils (le frère et la sœur) voulurent se moquer de lui. Après lui avoir fait remettre une lampe d’or, ils se présentèrent devant lui. Elle lui dit : [« ] Je voudrais avoir droit au partage des biens de ma famille. » Il répondit : « Partagez ». — « Mais il est écrit dans notre Loi : Là où il y a un fils, la fille ne peut hériter. » — « Depuis le jour où vous avez été exilés de votre pays, la loi de Moïse a été abolie et l’Évangile (Avon Gilion) a été donné ; or, il y est écrit : Le fils et la fille hériteront semblablement. » — Le lendemain, ce fut le frère qui revint, accompagné d’un âne libyen. Le philosophe leur dit : « J’ai regardé la fin de l’Évangile ; or, il y est écrit : Moi, l’Évangile, je ne suis pas venu retrancher à la Loi de Moïse, mais je suis venu y ajouter, et il est écrit : Là où il y a un fils, la fille n’hérite pas ». La femme lui dit : « Éclaire ta lanterne comme la lampe. » Rabban Gamliel dit : « L’âne est venu et a renversé la lampe ». Rabban Gamliel II et sa sœur ont vécu à la fin du Ier siècle, et au commencement du IIe siècle. Ce qui a fait supposer à M. Chwolson (comme à Nicholson, The Gospel according to the Hebrews, p. 146, puis à Travers Herford, Christianity in Talmud, p. 150) que l’anecdote se réfère à l’année 71, c’est que Simon, père de Gamliel, est mort pendant le siège de Jérusalem. Comme ses enfants se disputent son héritage, ce ne peut être qu’après le siège. Tout cela est assez naïf. 1° Il faut que Gamliel, le futur patriarche des Juifs, ait l’esprit assez libre, après la ruine de la nationalité juive, pour s’amuser à faire des niches à un chrétien ; 2° Il faut que l’héritage soit celui du père, et non celui de la mère ; 3° Il faut que la succession soit réelle, et non une simple plaisanterie ; 4° Que ne faut-il pas encore ? A) En 71, il y aurait eu à Jabué, où alla s’établir Gamliel avec les rabbins du temps, un chrétien exerçant les fonctions de juge, au service de l’autorité romaine ! B) En 71, en Palestine, un chrétien connaissant déjà l’Évangile (comme s’il n’y avait qu’un Evangile) sous un titre grec. C) Bien plus, ce chrétien appelait Jésus l’Évangile ! C’est une altération, dit-on. Mais pourquoi? Ne voit-on pas que tout le récit respire le même esprit, qu’il est l’œuvre d’un Juif qui a vu des chrétiens dans la magistrature, qui s’imagine que les chrétiens jugent d’après la loi chrétienne ? Ces anecdotes ont toujours pour but de démontrer la supériorité des Juifs sur ceux qui les dominent. Ce n’est pas en 71 que les chrétiens étaient confondus par les Juifs avec les Romains. Le récit est donc certainement une fiction — fiction antérieure au IIIe siècle, car un rabbin de ce siècle la commente. Il trahit une certaine connaissance de l’Évangile de Matthieu, car, ainsi que l’a montré Güdemann (Religionsgeschichtliche Studien, Leipzig, 1875, p. 65), le trait d’esprit suppose la connaissance non seulement de Matthieu, V, 17, mais celle des deux versets qui précèdent. De quand date cette connaissance? Naturellement nous l’ignorons. « Agréez, etc. « Israël Lévi. »
Si vraiment le récit visé par M. Chwolson est antérieur au IIIe siècle, il ne laisse pas d’être fort curieux ; mais le juge philosophe ne peut alors avoir été un chrétien ; c’était un philosophe païen, instruit et sceptique, qui s’est amusé à taquiner un Juif en lui parlant de la nouvelle Loi. On lit dans le Lit. Zentralblatt du 28 mai 1910 (p. 707), sous la signature de Gustav Pfannmüller : « Les rabbins de la seconde moitié du Ier siècle et du commencement du IIe siècle ont connu la personne de Jésus ; bien plus, vers 71, ils connaissaient déjà un Évangile qui était probablement l’Év. primitif de Matthieu ». Cela est extrait d’un compte-rendu de la brochure de M. Chwolson et formulé sans aucune réserve. On a vu ce qui reste de ces affirmations mal contrôlées. S[alomon] R[einach]
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