Forrer, Robert: Urgeschichte des Europäers. In-12, v-584 p. avec 190 planches et 339 figures.
(Stuttgart, Speemann 1909)
Rezension von Adolphe Joseph Reinach, Revue Archéologique t. 16 (4e série), 1910-2, S. 435-437
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 Robert Forrer, Urgeschichte des Europäers. In-12, v-584 p. avec 190 planches et 339 figures. Stuttgart, Speemann, 1909.


     Après nous avoir donné, en 1907, ce Reallexikon si recommandable pour tout ce qui touche au préhistorique et aux peuples barbares de l’Occident, le Dr Forrer a voulu compléter son œuvre en retraçant, sous le nom d’Histoire primitive de l’Européen, l’évolution de la civilisation occidentale, des origines à l’établissement de l’empire romain. C’est, en quelque sorte, le pendant de ce que M. de Morgan nous a donné pour l’Orient dans ses Premières Civilisations. Si l’ouvrage ne comporte pas de bibliographie, il est, ce qui vaut mieux à bien des égards, illustré de près de 1.500 figures, toutes accompagnées de l’indication de provenance. La riche collection de M. F. en a fourni bon nombre, mais ce n’est pas le seul apport personnel de l’auteur : il ne s’est pas fait faute à l’occasion d’exposer quelques-unes de ses découvertes ou de reprendre certaines de ses théories. Rappelons les plus intéressantes. A l’abri-sous-roche de La Ferrassie, M. F. aurait trouvé, avec Peyrony, sous une couche de Moustérien ancien, un strate de sable jaune contenant des éolithes et des pièces de l’Acheuléen ancien (on sait que, dans la couche moustérienne, Peyrony a découvert, en septembre 1909, un squelette qui forme le pendant de celui qu’ont trouvé en 1908 Hauser et Klaatsch dans la couche correspondante du Moustier et dont Forrer, pl. 13, publie le crâne d’après une photographie inédité [sic]). Le fameux « mur païen» de Sainte-Odile en Alsace, auquel M. F. a consacré une excellente monographie en 1899, aurait été élevé en plein âge du bronze autour d’un temple primitif formé de six pierres debout, dressées sur le plateau supérieur autour d’une dépression circulaire creusée dans le roc; dans une prairie qui s’étendait au pied de ce plateau et que jonchaient des tessons néolithiques, M. F. a retrouvé plus de cent cercles de ce genre, fermés de petites pièces de calcaire et s’emboîtant l’un dans l’autre jusqu’à atteindre 1m,70 de diamètre ; ces cercles, comme ceux de Stonehenge et d’Avebury, seraient en rapport avec le culte solaire. De son mémoire sur les poids et mesures aux époques primitives, paru en 1906-7 dans l’Annuaire de la Société pour l’histoire de l’Asace-Lorraine, il reprend une thèse intéressante : grâce au cuivre de Chypre, que leurs navires apportaient sur les côtes septentrionales de la Méditerranée, les Crétois ont, de 1600 à 1200, joué un grand rôle dans le développement de l’âge du bronze européen ; aussi, les unités de poids et de mesure que l’on trouve alors en usage sont-elles la mine créto-éginétique de 618 gr. et la coudée créto-éginétique de 33,3 cm. Quand les Crétois perdirent leur hégémonie maritime au profit des Phéniciens, c’est le système phénicien qui fut adopté en Occident : la mine de 728 gr., la coudée de 44 cm. environ qui, répétée mille fois, donne la leuga gauloise de 2.220 m. ; deux mille fois, la rasta germanique de 4.440 m. Dans un autre mémoire, paru dans le même périodique, M. F. a soutenu que le trésor de Tayac-Libourne représentait une partie du butin fait par une des bandes des Cimbres et enfouie par elle avant de passer en Espagne ; toute une série d’autres trésors, contenant des monnaies de peuplades que Cimbres et Tigurins avaient pu piller, à Courcoury près de Saintes, à Podmokl en Bohême, à Gager et Irsching en Bavière, à Saint-Louis près Bâle, marqueraient semblablement des étapes de leur migration. Dans sa récente Keltische Numis­matik der Rhein und Donau’änder comme ici, M. F. maintient ses conclusions contre les critiques de M. Blanchet (Revue des Études anciennes, 1909).

     Bien entendu, ces diverses théories sont sujettes à discussion et je les rappelle seulement pour montrer que l’ouvrage du Dr F. est loin d’être un simple précis sans originalité. Même lorsqu’il se borne à résumer clairement les idées généralement admise, on sent toujours qu’il en a suivi depuis longtemps le développement, qu’il a vu, manié et même dessiné la plupart des pièces sur lesquelles elles reposent, que ce n’est jamais sans un examen attentif et mûre réflexion qu’il les adopte. Bien plus que l’ouvrage de même titre de Sophus Müller, trop personnel pour qu’on puisse le suivre avec sécurité, le manuel du savant Alsacien aurait mérité d’être traduit en français. Il suffirait de le munir de la bibliographie dont son Reallexikon contient les éléments pour fournir à la fois à nos archéologues un manuel qui les aidât à se mettre rapidement au courant des faits acquis de la préhistoire et à nos préhistoriens le précis synthétique qui leur permît, dans leurs études de détail, de ne pas perdre de vue les grandes lignes de l’évolution de la civilisation dans l’Europe occidentale.

A[dolphe] J[oseph]-Reinach