Martha, Jules: La langue étrusque. Gr. in-8, xiv-493 p.
(Paris, Leroux 1913)
Rezension von Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 22 (4e série), 1913-2, S. 427-428
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Jules Martha. La langue étrusque. Paris, Leroux, 1913. Gr. in-8, xiv-493 p.


Quelques analogies superficielles entre l’étrusque, d’une part, le finnois et le hongrois de l’autre, avaient déjà frappé Taylor (1874) et Deecke (1875). Ce dernier signala le fait que les langues finnoises possédaient, comme l’étrusque, un suffixe pouvant marquer tantôt la dérivation, tantôt une fonction casuelle ; il ajouta que dans ces langues, comme en étrusque, la lettre l jouait un rôle important dans la formation des cas et dans la composition des noms. M. Martha a consacré de longues années d’un travail assidu et très méritoire à mettre en lumière les affinités prétendues de l’étrusque avec les plus anciens états que la philologie permette d’entrevoir dans le finnois et le hongrois. Ce sont les savants de Hongrie et de Finlande qui prononceroent [sic] en dernier ressort : je ne puis donner ici qu’une impression d’ignorant. Il y a certainement du nouveau, sinon du définitif, dans le chapitre I (les données du problème) ; M. Martha apporte là une contribution précieuse au peu que nous savons de l’étrusque, bien que je ne puisse nullement considérer comme établie sa thèse principale, dont il ne dissimule pas lui-même les difficultés. La deuxième partie de l’ouvrage est un précis grammatical fondé sur une hypothèse : supposons que l’étrusque ait une grammaire conçue dans l’esprit de celle des langues ougro-finnoises et attribuons aussi à l’étrusque un vocabulaire ougro-finnois : l’épreuve sera faite par l’application aux textes de la langue ougro-finnoise hypothétique. Ici, déjà, le terrain paraît se dérober et cette deuxième partie est remplie de rapprochements purement phoniques qui donnent le frisson. Mais que dire, sans manquer de respect à un travailleur digne de toute estime, des textes traduits et commentés, qui font la matière de la troisième partie ? Une traduction qui donne un sens extravagant mérite-t­-elle, a priori, la discussion ? Voici un casque, où sont gravés les deux mots mi spural ; M. M. traduit : « Je (suis) provenant de la mêlée » (supr rapproché du hongrois háború, guerre, tumulte, d’un radical hypothétique supr). Or, ce mot spural se retrouve sur d’autres textes, par exemple tular spural, que l’auteur traduit : « La limite de propriété (est) provenant de la guerre ». Prenons un texte un peu plus long, gravé sur la panse d’un vase de bronze: mi marisl. farθ. siansl. leimi. Traduction : « Moi, je beaucoup à côté du patron très misérable ». Commentaire : « Le vase était ou bien une offrande funéraire faite par un esclave à son maître, ou bien l’urne même qui contenait les cendres de l’esclave enseveli près de son maître ». Mais qu’on nous cite donc un exemple d’une inscription analogue dans une langue connue ! Quand on arrive aux textes étendus, la surprise devient de l’effarement (cippe de Pérouse, p. 253 ; momie d’Agram, p. 270 et suiv.). Cela m’a rappelé les traductions de versions grecques difficiles, remises par la moitié de la classe à la fin d’une composition ; j’en ai conclu que l’étrusque est vraiment trop obscur pour qu’il y ait lieu d’essayer de le traduire avant la découverte d’un long texte bilingue. — Le volume se termine par un dictionnaire qui ne prétend pas contenir tous les mots étrusques, mais groupe les plus importants sous la rubrique des racines supposées (syllabes initiales, après élimination des suffixes). Quel que soit le sort du laborieux essai de M. Martha, cette partie du livre, comme la première, sera souvent consultée et conservera de la valeur (1).

S[alomon] R[einach]

 

(1) Un appendice également utile donne une liste commentée des mots étrusques conservés par les auteurs anciens.