P. Albert Kuhn, O. S. B. Allgemeine Kunstgeschichte, 6 volumes in-4°, avec 5.572 gravures. Einsiedeln, Benziger et C^o, 1900-1909.

De toutes les histoires illustrées de l’art, voici la plus considérable, du moins par le nombre de pages et de gravures. L’auteur est un compilateur consciencieux, qui a consulté de bonnes monographies, les a résumées et en a transcrit des passages intéressants, quitte à ne dire presque rien des sujets que les auteurs de monographies n’ont pas abordés. C’est aussi un bénédictin d’Einsiedeln, très respectueux des mœurs. Parmi ces 6.000 figures, vous chercherez vainement une nudité ; la Vénus de Médicis est exclue, celle de Milo n’est représentée que par sa tête ; de Corrège, de Watteau, de Boucher, de Fragonard lui-même, il n’y a que des spécimens très « vertueux » (1). Non seulement l’auteur moine (mais qui donc oblige un moine à publier une histoire de l’art ?) a éliminé de son livre toute statue sans voiles Quaecumque alterius sexus imitata figuram est (2) mais jusqu’aux statues à draperies transparentes (tenuitate vestium nudae, comme dit saint Jérome (3)). Quant aux dieux et athlètes, ils sont tous ornés d’énormes feuilles de vigne ; que de peine il a fallu pour interpoler ainsi les photographies qui ont été reproduites par la similigravure ! Dans la préface du premier volume, il n’est question que de cela, et le R. P. Kuhn croit encore devoir s’y défendre contre l’erschreckliche Prüderie de certains, qui lui reprocheront d’en avoir trop laissé voir. Enfin, voici une histoire de l’art pour le parti allemand qu’on appelle le Centre ; elle est pourvue de tous les voiles discrets qu’exige le juste milieu.

S[alomon] R[einach]

(1) Cet ouvrage, qui vaut près de 200 francs, n’est pourtant pas destiné aux enfants des écoles, mais à leurs parents.

(2) Juvénal, VI, 341.

(3) Hieron., c. Helvid., 20.

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