Munoz, A.: L’Art byzantin à l’Exposition de Grottaferrata. Gr. in-8°, 193 p., 3 pl., 146 illust.
(Rome, Danesi 1906)
Reviewed by Jean Ebersolt, Revue Archéologique t. 10 (4e série), 1907-2, p. 181-182
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A. Munoz. L’Art byzantin à l’Exposition de Grottaferrata, gr. in-8°, 193 p., 3 pl., 146 illust., Rome, Danesi, 1906.


           A l’occasion du centenaire de sa fondation, l’abbaye de Grottaferrata a ouvert, en 1905, une exposition d’art italo-byzantin. On réussit à grouper dans ce centre de l’hellénisme en terre latine un grand nombre d’objets empruntés aux collections publiques et privées. Le fonds de l’exposition fut constitué par les envois du Musée chrétien du Vatican, des abbayes du Mont-Cassin et de Nonantola et par ceux des collections Sterbini, Nelidov et Stroganov. M. M., après avoir classé ces pièces en diverses sections, a reproduit celles qui présentaient le plus d’intérêt, en les accompagnant d’un bref commentaire. En une série de chapitres abondamment illustrés, il étudie successivement la peinture, la miniature, les ivoires et les stéatites, les étoffes, l’orfèvrerie, la sculpture sur bois.

          Les peintures sur bois formaient le noyau central de l’exposition. Il était difficile de les dater avec une certitude absolue et les dates proposées par l’auteur sont presque toutes approximatives. Néanmoins il a reconnu fort justement qu’elles ne pouvaient être antérieures au XIVe siècle et il a mis en relief le très grand intérêt de cet art tardif qui reproduit presque toujours des thèmes et des motifs anciens. Les rapprochements avec le Manuel de la Peinture sont souvent très suggestifs ; mais pourquoi l’attribuer au XVe siècle (p. 29), alors qu’il a été composé à une époque très postérieure ? (Cf. Millet, Le monastère de Daphni, p. 78, n. 5). Une des icônes les plus curieuses du Musée du Vatican est la Dormition d’Ephrem, qui date du XVIe siècle (fig. 14). M. Millet l’avait déjà signalée comme une réplique de la jolie icône conservée au monastère d’Iviron (BCH, XXIX, p. 135). La reproduction qu’en donne M. M. remplace fort avantageusement le dessin de d’Agincourt, qui y avait vu, par erreur, une œuvre du Xe-XIe siècle. Les peintures slaves forment également un groupe intéressant par leur extraordinaire richesse de coloris, et, lorsque l’iconographie n’est pas d’inspiration purement byzantine, par un mélange curieux de thèmes byzantins et occidentaux.

          La miniature n’était pas suffisamment représentée à Grottaferrata pour permettre à l’auteur d’en faire une étude d’ensemble. Plusieurs manuscrits exposés avaient été étudiés d’ailleurs par M. Bertaux. M. M. a reconnu avec raison l’influence de l’art oriental dans certains manuscrits et surtout dans une miniature d’un Évangéliaire de Grottaferrata, représentant, sous une arcade soutenue par de sveltes colonnes, saint Marc assis et méditant (fig. 53). La parenté du style avec les manuscrits syriens est manifeste et très probablement, écrit M. M. (p. 83), le peintre basilien copiait un original provenant de la Syrie. Il y avait lieu de faire ici des rapprochements plus précis. La bande en zigzag, l’arc en damier, soutenu par de fines colonnes, les oiseaux placés au-dessus des arcades sont des motifs décoratifs dont la Bible de Rabula offre plusieurs exemples. M. Strzygowski avait déjà démontré le succès qu’obtint cette décoration architecturale chez les miniaturistes byzantins et carolingiens et j’en ai apporté ici une nouvelle preuve (Rev. arch., 1905, II).

          Les ivoires provenaient tous du Musée du Vatican et du Musée municipal de Bologne et ont été publiés et étudiés par MM. Kanzler, Graeven, Schlumberger et par d’autres. Il faut signaler le fameux ivoire du Vatican (fig. 65, 70, 71), qui a beaucoup d’analogie avec le triptyque Harbaville du Louvre, et le beau triptyque de la bibliothèque Casanatense (fig. 72-74) avec son inscription, intérressante [sic] où l’on doit corriger ἐκπέμπ(η) en ἐκπέμπ(ων) (p. 110).

          Le Musée du Vatican avait également exposé plusieurs tissus coptes d’un intérêt secondaire. L’église collégiale de Castell’ Arquato avait envoyé deux fragments d’étoffe, figurant la Double Communion (pl. I, II). A ce propos M. M. retrace l’évolution de ce type iconographique si répandu au Moyen-âge. A sa nomenclature on peut ajouter la mosaïque de la métropole de Serrès, publiée par MM. Perdrizet et Chesnay (Mon. Piot, t. X) et l’épitaphios de Salonique, édité par MM. Millet et Le Tourneau (BCH. XXIX). Quant à la Double Communion de Néréditsi (p. 141), elle est datée avec précision de la fin du XIIe siècle (Mon. Piot, t. XIII).

          L’orfèvrerie et la sculpture sur bois forment un ensemble de pièces d’époques très diverses. Parmi les nombreuses croix, celle de la cathédrale de Cosenza (fig. 119-120), un des plus beaux monuments de l’émaillerie byzantine, et celle de la cathédrale de Gaëte (fig. 121-122) sont les plus caractéristiques. Cette dernière porte au revers la Vierge orante, entourée de bustes de saints, avec l’inscription suivante, mal lue (p. 157) : Θ(εοτο)κε βωηθη το σο δουλ(ω) βασιλ(ειω).

          Par l’abondance des reproductions cet ouvrage restera un instrument de travail très utile. Il faut savoir gré à M. M. d’avoir réuni, en un livre clair et d’agréable aspect, des documents d’un accès souvent difficile, principalement ceux du Musée chrétien du Vatican. Il a rendu par là un service très appréciable à l’archéologie byzantine.

J[ean] E[bersolt]