Furtwaengler, A.: Zu Pythagoras und Kalamis. Die neue Niobidenstatue aus Rom. In-8 (extr. des Sitzungsberichte de l’Acad. de Bavière,
1907, fasc. II).
(Munich 1907)
Reviewed by Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 10 (4e série), 1907-2, p. 343-346
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A. Furtwaengler. — Zu Pythagoras und Kalamis. Die neue Niobidenstatue aus Rom. — In-8, Munich, 1907. (Extr. des Sitzungsberichte de l’Acad. de Bavière, 1907, fasc. II).


 


            I. — M. von Duhn (Ath. Mitth., 1906, p. 421) a proposé d’attribuer l’aurige de Delphes à Pythagoras de Rhégium, se fondant sur les considérations suivantes. Un savant américain, M. Washburn, a lu sur la base de cet ex-voto les restes de la première rédaction de l’inscription... ιλας ανε(θηκε), ce que M. von Duhn restitue Ἀναξίλας ἀνέθηκε. L’ex-voto serait dû au tyran Anaxilas de Rhégium, qui en confia l’exécution à Pythagoras. Mais cela oblige d’admettre — Pausanias n’ayant pas mentionné cette offrande — que, dès l’époque du Périégète, elle avait été cachée par un éboulement. Or, M. Pomtow affirme qu’il n’en est rien, que la statue de l’aurige a été intentionnellement recouverte de terre, vers l’époque de la ruine du paganisme, que Pausanias, par suite, à [sic] dû la voir. M. von Duhn croit d’ailleurs, comme les premiers interprètes, que le mot πολύζαλος, dans l’inscription, désigne le jeune frère de Hiéron ; mais M. Furtwaengler admet, avec M. Washburn, que c’est un adjectif (cf. Amer. Journal, 1906, p. 152) et que les mots... ιλας ανε .... doivent être complétés ; Ἀρκεσίλας ἀνέθηκε. J’ai rendu compte ici (Revue, 1907, II, p. 330) de la note de M. Robert, qui semble écarter les dernières difficultés laissées en suspens par M. Furtwaengler et prouve qu’Amphion de Cnossos est bien l’auteur de l’aurige de Delphes, ex-voto du roi Arcésilas.

          II. M. Reisch (Oesterr. Jahresh., 1906, p. 199) a essayé de montrer que la plupart des textes antiques relatifs à Calamis concernent, non pas le Calamis du Ve siècle, mais un homonyme du IVe. La première idée de ce dédoublement est due à M. Klein ; le mémoire de M. Reisch a été approuvé par M. Amelung (Röm. Mitth., 1906, p. 285). Entre temps, M. Studniczka publiait un important travail sur Calamis (Abh. der Sächs. Ges., 1907, n° IV), où il réfutait une partie des conclusions de M. Reisch, mais en retenait l’existence d’un Calamis II, auquel il attribuait la Sosandra ; l’original de cette statue célèbre n’aurait pas été une Aphrodite, mais le prototype de la Danseuse voilée dite de Titeux, dont il existe deux petites répliques en marbre. M. Furtwaengler déclare que Calamis II est un mythe, destiné à disparaître aussi rapidement qu’il s’est formé. La date du vrai Calamis est fixée par le fait qu’il collabora avec Onatas d’Égine à l’ex-voto de Hiéron à Olympie, mis en place en 466 par le fils de Hiéron, Deinoménès ; c’est donc un artiste des environs de 460, dont l’ἀκμή coïncide avec l’exécution des frontons d’Olympie. Pline (XXXIV[,] 71) cite comme exemple de la benignitas de Praxitèle qu’il sculpta un aurige sur un quadrige de Calamis, ne melior in equorum effigie defecisse in homine crederetur. Benndorf et Klein se sont autorisés de ce texte pour attribuer à Pline ou à sa source une grosse erreur ; il s’agirait d’une œuvre exécutée en commun par Praxitèle I et Calamis I, ou par Praxitèle II (le grand) et Calamis II. M. Furtwaengler rappelle fort à propos que Thorwaldsen proposait de mettre des têtes nouvelles sur les corps des Eginètes, pour que ces statues, d’une si belle anatomie, ne fussent pas défigurées par le rictus archaïque. On a bien pu, vers 350, prier Praxitèle de « rajeunir », de la même façon un quadrige de Calamis. Cette idée de « rajeunir » les œuvres anciennes paraît même dans le domaine de celles de l’esprit, témoin le bon Collé qui, vers 1770, s’était mis en tête de « moderniser » Corneille et Molière, et qui injuriait les acteurs des Français parce qu’ils ne voulaient pas jouer les pièces classiques ainsi badigeonnées par lui dans le goût du XVIIIe siècle à son déclin.

          M. Klein a autrefois créé un Scopas I pour expliquer la juxtaposition, dans un temple d’Athènes, de trois Euménides, l’une de Calamis, les deux autres de Scopas ; MM. Reisch et Studniczka renoncent à Scopas I, mais attribuent l’Euménide à Calamis II. Or, l’examen des textes relatifs à ces statues prouve clairement qu’elles ne formaient pas un groupe original ; à deux figures de Scopas on ajouta plus tard une œuvre archaïque, attribuée par les uns au neveu de Dédale, Kalos, par d’autres, non moins arbitrairement, à Calamis.

          MM. Reisch et Studniczka admettent que le caelator Calamis est distinct du sculpteur célèbre et identique à Calamis II. Cela ne ressort nullement du texte de Pline qui signale, dans les jardins Serviliens, un Apollon Calamidis illius caelatoris (XXXVI, 36) ; il y a, dans cet illius, une simple allusion à un passage précédent (XXXIV, 47), où Pline a rapporté que Zénodore, du temps de Néron, copia très exactement deux coupes ciselées de Calamis.

          Lorsque Pausanias (X, 19, 4) nomme Praxias, élève de Calamis, parmi les sculpteurs des frontons de Delphes, c’est bien du grand et unique Calamis qu’il s’agit. Les frontons en question furent sculptés entre 367 et 330, puisque la reconstruction du temple commença en 367. Si Calamis est mort vers 420, Praxias, actif vers 350, ne peut avoir été son élève direct ; M. Furtwaengler conclut que μαθητὴς Καλαμίδος, dans le texte de Pausanias, signifie « de l’école de Calamis ». Cela vaut évidemment mieux que de postuler, sur l’autorité de ce seul passage, un Calamis II.

          Quant à la Sosandra de l’Acropole, louée deux fois par Lucien, ce ne peut être, comme l’ont cru MM. Reisch et Studniczka, le portrait d’une dame Sosandra d’ailleurs inconnue. Le fait que Lucien la mentionne en compagnie de la Lemnia de Phidias et d’autres déesses prouve que la Sosandra était une déesse, nommée ainsi pour une raison qui nous échappe. Comme Pausanias signale, à l’entrée de l’Acropole, une Aphrodite de Calamis, les historiens de l’art semblent bien avoir eu raison d’identifier cette Aphrodite et la Sosandra. La danseuse voilée, où M. Studniczka veut reconnaître la Sosandra, n’est pas une Aphrodite ; bien plus, ce motif charmant n’appartient pas à l’art monumental. J’ajoute que la danseuse voilée, à en juger par l’indice mammaire (C. R. de l’Acad., 1907, p. 228), remonte sans doute au début du IVe siècle ; elle est postérieure à Calamis I et antérieure à l’hypothétique Calamis II.

          III. La belle statue de Niobide découverte à Rome en 1906 a déjà fait l’objet de toute une littérature ; M. Gauckler l’a publiée dans les C. R. de l’Académie des Inscriptions (1907, p. 104, avec pl.) (1). L’authenticité une fois reconnue (elle a été mise en doute au premier abord) (2), restait à la dater. Les mêmes divergences se sont fait jour que lors de la découverte de l’Aphrodite de l’Esquilin, copie romaine d’un original analogue ; on a songé à une œuvre éclectique, hellénistique, post-phidiesque ou franchement archaïque. C’est cette dernière opinion qu’a soutenue tout de suite M. Furtwaengler (3) ; à ses yeux, la Niobide de la Banca Commerciale appartient au même ensemble (fronton) que les trois statues de la collection Jacobsen, découvertes à Rome dans la même région (villa Spithöver (4)), à savoir l’Apollon drapé, la Niobide fuyant et le jeune Niobide mort (5) ; ce sont les produits d’un atelier grec aux environs de 450 av. J. C. L’application du critérium de l’indice mammaire donne absolument raison à M. Furtwaengler, du moins en ce qui concerne la date de l’original de la nouvelle Niobide ; M. Furtwaengler, qui l’a vue, la considère elle-même comme l’original et donne de bonnes raisons à l’appui (6). A cette occasion, M. Furtwaengler reconnaît (contrairement à une assertion antérieure (7)), que l’Aphrodite de l’Esquilin dérive bien d’un original des environs de 460 à 450, probablement du même auteur que la Niobide (8) ; on peut rapporter à la même école les originaux du prétendu Niobide de Subiaco et de l’Athéna de Leptis à Constantinople. Entre l’époque des Eginètes et l’apogée de Phidias, l’art grec passa par une période de naturalisme un peu sec et minutieux, pour ne pas dire mesquin (9), que la céramique de style sévère nous à déjà fait connaître et qui se révèle maintenant dans la statuaire.

          Je trouve — à en juger par les photographies — que M. Furtwaengler exagère un peu lorsqu’il place la nouvelle Niobide « au-dessus de tout ce que la Ville Éternelle a encore rendu en fait de statues antiques ». On me permettra, pour ne citer qu’un exemple, de préférer le Tireur d’épine du Capitole.

                                                             S[alomon] R[einach]

 

(1) Cf. Lanciani, Bull. comm. arch. com., 1906, p. 157 ; Rizzo, Notizie degli scavi, 1906, p. 434 ; Aless. della Seta, Ausonia, 1907, fasc. I, pl. I-III, etc.

(2) « Il en est toujours ainsi, remarque M. Furtwaengler, quand on découvre une œuvre antique vraiment admirable » (p. 209). Qu’on se rappelle le Guerrier défaillant de la collection Corroyer, aujourd’hui à Saint-Germain, considéré (encore aujourd’hui) comme un faux du XIXe siècle par la grande majorité des « connaisseurs ».

(3) A la Société des Beaux-Arts de Munich, le 6 décembre 1906, et à l’Académie de Bavière, le 8 juin 1907.

(4) Jardins de Salluste. Les renseignements sur le lieu précis et les circonstances de ces trouvailles sont insuffisants et même contradictoires.

(5) Furtwaengler, Sitzungberichte de Bavière, 1899, I, p. 279 ; 1902, p. 443. Ces conclusions ont été contestées par M. Arndt (Glyptothèque de Ny-Carlsberg, p. 66).

(6) Marbre de Paros de la plus belle qualité ; toute petite plinthe suivant les contours de la statue ; pièces rapportées comme dans les statues grecques de beau style (« die Technik des Anstückens, die den Griechischen Originalwerken

eignet », p. 211). Sont rapportés ; des orteils, le pouce droit, un morceau du bord de la draperie.

(7) En 1900, l’auteur avait déclaré que cette Aphrodite était une œuvre éclectique, imitée du Diadumène de Polyclète. Tombant dans une erreur analogue, M. G. Cultrera vient de soutenir que le bas-relief Ludovisi (naissance d’Aphrodite) était une composition néo-attique (Saggi sull’ arte ellenistica, I, 1907).

(8) M. Klein propose de reconnaître, dans l’original de cette statue, la nageuse Hydna, dont l’image de bronze était à Delphes et fut transportée à Rome sous

Néron (Paus., X, 19, 1 ; cf. Oesterr. Jahresh., 1907, p. 142).

(9) [«] Eigene Mischung von Befangenheit und vollendeter Freiheit... peinlich genaue Ausführung » (p. 212). « Deutliche Reste des strengen Stiles in der Bildung des Kopfes... verbunden mit dem grossen Naturalismus in der Bildung des Körpers und Gewandes » (p. 215).