Isocrate - Cartelier, Auguste (trad.) - Havet, Ernest (éd.): Le Discours d’Isocrate sur lui-même, intitulé : Sur l’Antidosis
(Paris, imprimerie impériale 1862)
Reviewed by Charles Thurot, Revue Archéologique 7, 1863-4, 2e série, p. 437-438
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Number of words: 617 words
 
To quote the online version: Les comptes rendus HISTARA.
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Le Discours d’Isocrate sur lui-même, intitulé : Sur l’Antidosis, traduit en français pour la première fois par Auguste Cartelier, revu et publié avec le texte, une introduction et des notes, par Ernest Havet. Paris, imprimerie impériale, 1862, (chez Dezobry, Tandou et Ce, libraires-éditeurs).


Ce discours, l’un, des plus importants d’Isocrate et assurément celui qui le fait le mieux connaître, puisqu’il l’a composé pour défendre sa personne et son enseignement, n’était lu que très incomplet jusqu’en 1812 ; la por­tion considérable qui manquait fut retrouvée en Italie et publiée alors par le grec Moustoxydis. Il paraît ici traduit pour la première fois en français par A. Carteliet, professeur au lycée Napoléon, qui, en mourant il y a sept ans, laissa son manuscrit à son intime ami avec le soin de le revoir et de le publier. M. Havet a apporté dans l’accomplissement de ce devoir la conscience et le talent qui recommandent tous ses travaux. Cette tra­duction, œuvre d’un homme dont l’esprit et le caractère étaient également distingués et délicats, est présentée au public avec tout ce qui peut faire goûter et comprendre un auteur peu lu et peu connu en dehors des écoles. Dans l’introduction, M. Havet apprécie avec beaucoup de finesse, d’élé­vation et de mesure le caractère et le génie d’Isocrate, sa noblesse de sen­timents, sa timidité, sa vanité, sa coquetterie de rhéteur, son esprit fin et ingénieux, son art consommé, porté jusqu’à l’apprêt, et pourtant uni à un goût pur, sain, même simple ; car, comme M. Havet le fait remarquer avec raison, l’affectation qu’on est en droit de reprocher à Isocrate ne se rencontre que dans l’arrangement des mots et la symétrie des périodes ; elle n’est ni dans le choix des mots ni dans les tours ; on chercherait en vain chez lui les descriptions factices, les exclamations, les apostrophes, le faux pathétique de la rhétorique vulgaire : M. Havet explique très bien en quoi l’éloquence d’Isocrate, supérieure à celle des sophistes, reste inférieure à celle de Démosthènes ; peut-être par trop de déférence pour la tradition douteuse qui range Isocrate parmi les disciples de Socrate, n’a-t-il pas assez accusé les différences qui séparent ce qu’Isocrate appelait philo­sophie de ce que Socrate et Platon désignaient du même nom. La traduc­tion même du discours est d’une scrupuleuse exactitude. Le texte est constitué avec un soin qui fait honneur à la science et au tact philologique de l’éditeur. Depuis Bekker on adopte pour base du texte d’Isocrate le manuscrit d’Urbin, l’un des meilleurs manuscrits grecs que l’on connaisse. C’est ce qu’a fait M. Havet, qui a profité aussi des travaux de Baiter, Benseler et Cobet. Il a du reste usé de ses devanciers avec indépendance et n’a pas non plus de superstition pour le manuscrit d’Urbin. Il fait remarquer justement que ce manuscrit est très-fautif comme tous les manuscrits ; que son excellence n’est que relative et ne dispense pas de chercher ce qu’Isocrate a dû écrire, quand la leçon du manuscrit est en contradiction avec la logique, avec la grammaire, ou même avec les principes de style adoptés par Isocrate, entre autres la loi qu’il s’était faite d’éviter l’hiatus. M. Havet a pu corriger ainsi des fautes qui avaient échappé aux éditeurs précédents. Quand il n’y a qu’à choisir entre des leçons ou des conjectures différentes (et tel est aujourd’hui l’état du texte d’Isocrate qu’il ne reste souvent pas autre chose à faire pour un nouvel éditeur), M. Havet discute en philologue et choisit en homme de goût. Il a rétabli dans le texte les extraits des autres discours qu’Isocrate avait insérés et que les éditeurs des œuvres complètes avaient cru devoir supprimer comme faisant double emploi, mais que dans une édition particulière de l’Antidose on ne pouvait retrancher sans altérer la pensée d’Isocrate ; car ces extraits sont une partie essentielle de son apologie. Ainsi, cette publication, quoique bornée à un discours, offre une image complète du génie d’Isocrate ; et M. Havet n’a rien négligé pour que cette image fût vive et fidèle. C. T.