Mazerolle, F.: Les Médailleurs Français, du XVe siècle au milieu du XVIIe. 2 vol. in-4°. Tome I, Introduction et Documents, clxxviii et 630 pages ; tome II, Catalogue des médailles et des jetons, 268 pages (Collection des Documents inédits sur l’histoire de France).
(Paris, Imprimerie Nationale 1902)
Reviewed by Jean-Joseph Marquet de Vasselot, Revue Archéologique t. 2 (4e série), 1903-2, p. 362-364
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F. Mazerolle. — Les Médailleurs Français, du XVe siècle au milieu du XVIIe. — Paris, Imprimerie Nationale, 1902, 2 vol. in-4°. Tome I, Introduction et Documents, clxxviii et 630 pages ; tome II, Catalogue des médailles et des jetons, 268 pages (Collection des Documents inédits sur l’histoire de France).


          L’histoire de l’art moderne, et particulièrement celle de l’art français, a tou-ours [sic] été et est encore beaucoup moins bien partagée que l’histoire de l’art antique, en ce qui concerne les grands recueils scientifiques à l’usage des travailleurs. Non seulement les bibliographies méthodiques font encore presque totalement défaut, mais l’on manque de Corpus de monuments, de répertoires commodes et sûrs. Aussi ne saurait-on être trop reconnaissant aux érudits qui veulent bien prendre la peine de mettre pour ainsi dire à la portée de tous les résultats actuellement acquis ; car non seulement ils font connaître l’état exact de la science, mais ils servent eux-mêmes de guides, en faisant toucher du doigt les lacunes.

          L’ouvrage considérable que M. Mazerolle vient de publier rentre dans cette catégorie et mérite la plus sérieuse attention. Grâce à de longues et patientes recherches, l’auteur a réuni, dans ces deux volumes in-4°, ce que l’on sait aujourd’hui sur les médailleurs français depuis le milieu du XVe siècle jusqu’au milieu du XVIIe ; à feuilleter son livre, on constate que ces deux cents années ont été, pour la numismatique française, une période aussi glorieuse que féconde.

          Les limites chronologiques adoptées par M. Mazerolle correspondent d’une part aux débuts de l’art de la médaille en France, d’autre part au moment où, notamment sous l’influence de Warin, cet art a subi une modification profonde, à la fois dans le style et dans la technique même. En d’autres termes, il s’agit ici d’une histoire des médailleurs français de la Renaissance, depuis les origines premières jusqu’aux conséquences extrêmes de ce grand mouvement ; cela justifie pleinement un titre qui pourrait, au premier abord, sembler arbitraire au lecteur peu averti.

          Dans le premier volume, qui compte plus de huit cents pages, M. Mazerolle a groupé tous les documents relatifs aux médailleurs. Une longue Introduction (de 170 pages) résume les résultats fournis par les nombreux textes publiés ensuite. Pour chaque règne ou chaque période, l’auteur passe en revue successivement les artistes les plus importants, puis les médailleurs secondaires ; chacun d’eux fait l’objet d’une notice plus ou moins longue, généralement assez condensée. La seconde partie du volume, consacrée aux Documents, témoigne de longues recherches d’archives et contient un grand nombre de renseignements inédits. Toutes les pièces dont elle se compose ne présentent pas toutefois une égale valeur, et il n’eût peut-être pas été nécessaire de les donner toutes in-extenso. A plus forte raison n’était-il pas indispensable de reproduire également in-extenso les textes déjà imprimés. Toutefois il faut reconnaître que si ce système a beaucoup allongé certains chapitres (celui de Nicolas Briot a 187 pages), il offrira du moins l’avantage d’éviter aux chercheurs des vérifications souvent compliquées. 

          Le second volume donne le Catalogue des médailles et des jetons, au nombre de 1021. Il est divisé, comme le premier, en plusieurs périodes, avec le même classement en médailleurs principaux et secondaires, plus une catégorie spéciale pour les pièces dont les auteurs demeurent inconnus.

          Nous ne saurions examiner en détail, comme il le mériterait cependant, un ouvrage de cette importance et nous devons nous borner à quelques observations d’un caractère assez général.

          Bien que la méthode de l’auteur paraisse bonne, on sera peut-être surpris de certains partis-pris de classification. Ainsi, pourquoi avoir laissé de côté, et avec raison, divers médailleurs italiens ayant travaillé pour la France, comme Anteo ou Giovanni Melon, et avoir placé au contraire Giovanni Candida et Giovanni Paolo parmi les artistes français ?

          La seule critique un peu grave que l’on serait tenté de formuler, tient à la façon même dont l’auteur a conçu son livre. Pour un peu, l’on reprocherait à M. Mazerolle d’avoir donné à son Introduction l’allure impersonnelle et presque la disposition d’un dictionnaire. Sans doute, d’après le titre même, il s’agit des médailleurs français et non de l’histoire de la médaille en France. Néanmoins nous regrettons un peu qu’il n’ait pas été accordé plus de place aux idées générales dans cette Introduction longue de 170 pages. L’ouvrage y aurait beaucoup gagné en intérêt et en homogénéité, et les lecteurs auraient été mis à même de comprendre bien des points qui risquent de demeurer un peu obscurs à certains d’entre eux. Nous aurions voulu que M. Mazerolle, mettant à profit sa connaissance approfondie des documents et des objets, eût résumé en quelques pages l’histoire de l’art de la médaille durant ces deux siècles, eût montré quelle part revient aux influences italiennes (tout à fait nécessaires ici, car l’art de la médaille nous a été apporté d’outre-monts), comment elles se sont peu à peu modifiées et ont fini par disparaître. Il aurait fallu également faire sentir que l’art de la médaille ne s’est pas développé isolément et le rattacher aux autres arts plastiques, ce qui eût été d’autant plus facile que plusieurs médailleurs ont été orfèvres ou sculpteurs. Il aurait été utile, enfin, d’expliquer l’organisation de la fabrication des médailles, de résumer l’histoire assez compliquée de la Monnaie des Étuves ou du Moulin, de définir dès le début les attributions et la condition du tailleur-général, du contrôleur-général et de leurs subordonnés.

          Pour le détail, nous ne nous arrêterons qu’à deux points seulement. M. Mazerolle a cru devoir retirer à Giovanni Candida (t. I, p. xi) plusieurs des médailles qui lui avaient été attribuées par M. Heiss et par M. de la Tour. Il nous permettra de ne pas partager son opinion, car il paraît impossible de ne pas reconnaître la main de G. Gandida dans les jolies médailles du comte d’Angoulême (François Ier jeune) et de Thomas Bohier, par exemple. — M. M. a omis, évidemment parce qu’il les croit italiennes, les médailles de Henri II jeune et de Charles d’Angoulême, datées de 1535 et qui sont de la même main, comme l’a prouvé M. de la Tour. Or ce sont là, à notre avis, des œuvres de l’art français italianisant, et des œuvres très intéressantes, en ce qu’elles montrent de quelle manière et jusqu’à quel point les médailleurs français de la première moitié du XVIe siècle s’étaient assimilé les modèles d’outre-monts. A ce sujet, on nous permettra de faire remarquer qu’il faut rapprocher de ces deux médailles celle du cardinal de Tournon, datée également de 1535, et qui est certainement l’œuvre du même artiste.

          En examinant le livre de M. Mazerolle, on constatera qu’il ne rendra pas service uniquement aux numismates. Tous ceux qui s’intéressent à l’art français trouveront, dans les nombreux documents qui y sont réunis, des indications curieuses pour l’histoire de la sculpture, de l’orfèvrerie, de la peinture même. Si bien (et c’est là un grand éloge), que cet ouvrage important mérite de n’être point lu seulement par les spécialistes pour lesquels il a été composé.

                               J[ean]-J[oseph] Marquet de Vasselot