Carton: Le Théâtre romain de Dougga. Extrait des Mémoires présentés à l’Académie des Inscriptions et belles-lettres.
(Paris, Imprimerie nationale (librairie Klincksieck) 1902)
Reviewed by Auguste-Théophile Vercoutre, Revue Archéologique t. 1 (4e série), 1903-1, p. 309-310
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Number of words: 544 words
 
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Dr Carton. Le Théâtre romain de Dougga. Paris, imprimerie nationale (librairie Klincksieck), 1902. Extrait des Mémoires présentés à l’Académie des Inscriptions et belles-lettres.


          Il y a quelques années, Thugga, actuellement Dougga, l’une des plus intéressantes cités antiques de la Tunisie, n’était guère connue que par l’inscription bilingue de son mausolée punique ; aujourd’hui, elle est justement célèbre par les édifices superbes qu’on y a découverts ou étudiés. A M. Saladin, on doit la restitution du mausolée et du temple du Capitole ; à M. le docteur Carton, médecin militaire, qui s’était déjà signalé par d’importantes découvertes épigraphiques dans la Régence et aussi par des recherches fructueuses entreprises à Dougga même, on doit l’exhumation et l’étude approfondie du théâtre romain, et, cette étude, M. Carton nous la présente dans un mémoire d’un haut intérêt.

          Après avoir sommairement exposé les difficultés qu’il dut vaincre pour mener à bonne fin, en un temps très court et avec des ressources très limitées, le déblaiement méthodique de l’immense ruine, l’auteur fait l’histoire et la description du monument, élevé, vers 167, par le flamen Publius Marcius Quadratus. Rien de plus attachant que cette description qui, nous initiant, dans une série de chapitres parfaitement ordonnés, aux plus petits détails de la construction, nous conduit, comme par la main, dans toutes les parties de l’édifice, non seulement depuis les hauts gradins réservés au bas peuple jusqu’aux fauteuils des premières places et aux loges, mais encore depuis l’imposant front de scène orné de colonnes et de statues, jusque dans la profondeur des « coulisses ». Il semble, en lisant ces pages écrites en un style clair et précis que, transportés à Thugga sous le règne de Marc-Aurèle associé à Lucius Vérus, nous assistions, sous la conduite de l’architecte lui-même, à l’érection et à l’aménagement de ce magnifique théâtre, et c’est, en effet, une restitution complète (et en bien des points, comme, par exemple la façade, une véritable résurrection), que nous offre M. Carton.

          Il est aisé d’établir l’importance d’une pareille œuvre. On sait qu’en ce qui concerne certains édifices antiques, nous sommes encore fort ignorants touchant diverses dispositions des locaux ; ainsi, nous ne savons trop de quelle manière était disposée la toiture et ménagé l’éclairage des temples ; mais, dans le cas particulier des théâtres, bien d’autres problèmes se posent ; comment les spectateurs déjà assis protégeaient-ils leurs pieds contre la sandale des nouveaux arrivants ? Comment, pendant les représentations, le « régisseur » surveillait-il la scène et le jeu des acteurs ? Comment, pendant les entr’actes, cachait-on la scène aux spectateurs ? Existait-il un rideau, et, s’il n’existait pas, quel dispositif le remplaçait ? Comment étaient fixés les « décors » et disposés les « dessous ? Autant de questions, et d’autres encore, toutes intéressantes, auxquelles M. Carton répond en décrivant les dispositions qui avaient été adoptées et qu’il a mises au jour dans le théâtre de Dougga, où, par exemple, il montre qu’il n’existait pas de rideau.

          On voit par là que l’auteur ne s’est nullement borné à cataloguer des débris, mais qu’il les a, pour ainsi dire, vivifiés par un commentaire ingénieux et sûr. Il est superflu de dire que statues, inscriptions, motifs d’architecture, etc., tout a été soigneusement relevé et restitué, et si nous ajoutons que le livre, où abondent les gravures, est complété par dix-huit grandes planches de dessins, plans et photogravures d’après les clichés de l’auteur, nous aurons, pensons-nous, inspiré au lecteur le vif désir de connaître ce travail.

                                       A[uguste]-T[héophile] Vercoutre