Hartland, Sidney: Primitive Paternity. The myth of supernatural birth in relation to the history of the family. 2 vol. in-8, viii-325 et 328 p.
(Londres, Nutt 1909)
Reviewed by Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 16 (4e série), 1910-2, p. 181
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Sidney Hartland. Primitive Paternity. The myth of supernatural birth in relation to the history of the family. Londres, Nutt, 1909. 2 vol. in-8, viii-325 et 328 p.


Dans son savant ouvrage, aujourd’hui épuisé, sur la Légende de Persée (1896), M. Hartland avait longuement étudié la croyance si répandue aux naissances miraculeuses ; il était arrivé à la conclusion que cette croyance devait s’expliquer par l’ignorance de la relation physiologique entre le père et l’enfant. Peu d’années après, on signala effectivement en Australie des tribus nombreuses qui ignorent, comme les enfants de nos jours, le mécanisme naturel de la conception et l’expliquent par les causes les plus diverses et les plus extravagantes. C’était là une brillante confirmation de l’hypothèse de M. Hartland. L’auteur a repris toute la question à la lumière de ces faits nouveaux ; il l’a fait avec une érudition et une méthode excellentes. Parce que l’humanité primitive n’a rien su de la paternité, la filiation maternelle a exercé une influence prédominante sur la constitution des sociétés ; cet état de choses a laissé plus que des traces là où les ethnographes anciens ou modernes signalent le matriarchat ou la gynécocratie. Comment a-t-on passé du matriarchat au patriarchat? Ce n’est point, suivant M. H., grâce aux progrès des notions de physiologie, mais par l’action de causes sociales et économiques. Le jour où l’homme, au lieu de ne visiter sa femme que la nuit — comme Eros visitait Psyché — fut amené à élire domicile auprès d’elle, le premier pas vers le patriarchat fut franchi (t. II, p. 11). Un degré plus avancé de cette évolution s’explique par la jalousie naturelle au mâle et par sa tendance à soumettre les enfants à sa potestas, en les soustrayant à celle des frères de sa femme. Mais ces questions sont fort difficiles et compliquées ; il est d’ailleurs possible que des motifs religieux et rituels aient joué, chez certains peuples, un grand rôle encore insoupçonné. Ce qui est certain, c’est que la conception est restée longtemps un mystère, qu’elle l’est encore pour beaucoup d’hommes et que tout essai de synthèse des origines du droit doit tenir compte de ce fait capital, dont la révélation eût singulièrement étonné Maine ou Fustel (1).

S[alomon] R[einach]

(1) Avant la publication du livre de M. Hartland, M. van Gennep avait fort bien résumé la question dans son petit mémoire Lucina sine concubitu, réimprimé dans Religions, mœurs et légendes, Paris, 1908.