Chavannes, Ed.: Le Tai Chan. Essai de monographie d’un culte chinois (Annales du Musée Guimet, t. XXI). In-8, 589 p., avec planches et gravures.
(Paris, Leroux 1910)
Reviewed by Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 16 (4e série), 1910-2, p. 345
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Ed. Chavannes. Le Tai Chan. Essai de monographie d’un culte chinois (Annales du Musée Guimet, t. XXI). Paris, Leroux, 1910. In-8, 589 p., avec planches et gravures.














 Le Tai Chan est une montagne haute de 1.545 mètres, la plus élevée de la Chine orientale. Comme tant de hauts lieux en tous pays, elle a été l’objet d’un culte ou plutôt de plusieurs cultes qui se sont fondus ou superposés. Le grand intérêt du livre de M. Chavannes, c’est qu’il a clairement démêlé ce processus : 1° Le Tai Chan est une puissance locale, qui, par sa masse, s’oppose aux tremblements de terre et, à son faîte, produit les nuages qui donnent la pluie. C’est le seigneur des montagnes, auquel le seigneur du pays vient rendre hommage ; 2° Comme le seigneur du pays dépend d’un suzerain, le Fils du Ciel, le Tai Chan est subordonné au Ciel ; il est comme un intercesseur entre la Terre et le Ciel, et c’est pourquoi l’on célèbre un sacrifice, en l’honneur du Ciel, au sommet de la montagne ; 3° Dominant l’Est de la Chine, le Tai Chan est le maître de l’Orient, celui qui donne et qui retire la vie, qui tient le compte des entrées et des sorties dans le grand livre de l’existence : il devient bureaucrate et mandarin ; 4° Sous l’influence du bouddhisme, « ce préposé à la natalité et à la mortalité » devient le juge des coupables dans l’autre monde, le magistrat des Enfers ; 5° Plus tardivement, la participation des femmes au culte développera la personnalité de la prétendue fille de Tai Chan, la « princesse de l’aurore », que les mères invoqueront pour assurer la santé de leurs enfants. Ainsi se constitua un couple divin. « Il semble, écrit M. Chavannes (p. 436), que, dans ce culte, nous ayons comme un raccourci de l’évolution intellectuelle de l’humanité qui, par une lente élaboration, modifie incessamment ses dieux de façon à les rendre plus semblables à elle-même ». Cela est possible et appuyé de bonnes raisons ; mais avec quelle lourdeur, quel pédantisme, quelle laborieuse ineptie tous ces phénomènes religieux se succèdent en Chine ! Si l’histoire des religions était partout aussi rebutante, il faudrait à tous le courage de M. Chavannes pour s’y appliquer.

       Un important appendice concerne le culte du dieu du sol, personnification des énergies de la terre, qui est très ancien en Chine. « A la base est le dieu du sol familial. Il était constitué autrefois par l’emplacement situé au-dessous d’un orifice qu’on ménageait au milieu de l’habitation ». Le développement du culte du sol, en Chine, peut être comparé à celui du culte du foyer dans le monde classique ; le grand dieu du sol a son autel dans le palais impérial. A côté de l’autel, on rencontre l’arbre et le pilier qui symbolisent le dieu du sol ; pour l’empêcher de mal faire, on les entoure d’une corde rouge, surtout lorsque le dieu semble empiéter sur d’autres règnes de la nature, comme dans le cas de pluies excessives ou d’éclipses.

                                                               S[alomon] R[einach]