Legrand, Ph. E.: Daos. Tableau de la comédie grecque pendant la période dite nouvelle. In-8, 673p.
(Lyon et Paris, Rey et Fontemoing 1910)
Reviewed by Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 15 (4e série), 1910-1, p. 191-192
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Number of words: 616 words
 
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Ph. E. Legrand. Daos. Tableau de la comédie grecque pendant la période dite nouvelle. Lyon et Paris, Rey et Fontemoing, 1910. In-8, 673p.


Voici un de ces livres excellents dont l’érudition française peut être fière et dont on peut dire qu’elle a presque le monopole: la mise au point d’un grand sujet, par un savant qui sait composer et écrire, qui a lu tous ses devanciers, mais aussi lu et relu les textes. Si les découvertes papyrologiques n’ont pas renouvelé notre connaissance de la comédie nouvelle, elles y ont du moins tant ajouté que toute la matière était à reprendre, les textes anciennement connus recevant un jour plus vif de ceux que le sol de l’Égypte nous a rendus. M. Legrand a fait ce travail avec une conscience qu’atteste sa documentation et avec une aisance apparente qui rend son livre lisible d’un bout à l’autre. Le plan en est irréprochable ; d’abord, la matière de la comédie, les traits personnels, les types, les caractères, les professions, les aventures, le réalisme et la fantaisie, la psychologie, le langage ; puis la structure des pièces, l’action et ses ressorts, les conventions théâtrales ; enfin, l’objet de la comédie nouvelle, les causes de son succès, les éléments philosophiques, comiques, psychologiques, pathétiques. Partout l’auteur a tiré parti de la comédie latine, dans la mesure très large où elle dérive de la comédie nouvelle ; grâce à cet appoint, nos informations sont si abondantes que la découverte de comédies inconnues de Mé­nandre ou de Diphile serait pour nous un plaisir plutôt qu’une surprise. M. Legrand a fort bien défini le rôle et l’importance historique de cette comédie nouvelle, dernier fruit du génie d’Athènes sur le sol athénien, mère de la poésie érotique alexandrine et, par là, source principale de l’élégie romaine. Il n’en a pas non plus dissimulé les faiblesses et l’attachement un peu sénile à la tradition, au moment où tant d’autres sujets pouvaient solliciter la curiosité des poètes et les porter à renouveler la matière des divertissements qu’ils offraient au public. Combien ce reproche s’applique mieux encore à Plaute et à Térence! Mais les tragiques grecs ne se sont-ils pas obstinés, eux aussi, à traiter es [sic] malheurs de quelques héros et n’a-t-on pas pu faire le même reproche à l’art grec lui-même? « Ce dont les artistes se souciaient et ce qui plaisait au public, ce n’était pas une nouveauté totale ; c’étaient de fines variantes, des retouches ingénieuses, et l’invention pouvait, dans certain cas, sembler d’autant plus méritoire qu’elles [sic] s’exerçait sur des thèmes plus usés » (p. 646).

        En somme, nous avons ici un vrai trésor de l’esprit attique, et du meilleur rendu accessible à tous par un classement ingénieux et rationnel des matériaux, par d’aimables et intelligents commentaires. M. Legrand exprime le vœu que le patronage de Daos, ancêtre des Scapins et des Figaros, sous lequel il a placé son livre, ne lui nuise point dans l’esprit des honnêtes gens. Il y peut compter, et aussi que ce titre léger et facile à lire contribuera à faire entrer Daos là où beaucoup d’ouvrages d’érudition trouvent porte close (1) ; le joli pavillon fera passer la bonne marchandise (1) [sic].

S[alomon] R[einach]

 

(1) Les critiques anglais et allemands s’étonnent sans cesse que les Français publient des ouvrages de science sans index. Une table des matières ne saurait en tenir lieu. Sisyphes volontaires, nos érudits roulent leur rocher presque jusqu’au sommet de la montagne et ne veulent pas se résigner au petit effort complémentaire. Les lecteurs ordinaires n’en souffrent pas, mais il en résulte une grosse perte de temps pour les travailleurs.