Ramsay, W. - Bell, Gertrude L.: The Thousand and One churches. In-8, xiv-580 p., avec nombreux plans et figures.
(Londres, Hodder and Stoughton 1909)
Reviewed by Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 15 (4e série), 1910-1, p. 200-201
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Number of words: 620 words
 
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Sir W. Ramsay et Miss Gertrude L. Bell. The Thousand and One churches. Londres, Hodder and Stoughton, 1909. In-8, xiv-580 p., avec nombreux plans et figures.


A 50 miles au sud-est d’Iconium (Konia) s’élève le groupe volcanique de Kara Dagh, dont le versant nord descend vers une plaine fertile. Il y eut là une ville considérable, appelée dans l’antiquité Barata, aujourd’hui connue sous le nom de Maden Sheher (« cité des mines ») ou de Bin Bir Kilisse (« les mille et une églises »), à cause du grand nombre de ruines dont le site est comme semé. En réalité, il y là les restes d’environ 28 églises, les autres étant ceux de maisons, de citernes, etc. Cet emplacement a été décrit par Laborde, Hamilton, Texier, Holtzmann, Crawfoot et Smirnow ; grâce aux relations de ces deux derniers voyageurs, M. Strzygowski, qui les a publiées, a pu entrer dans des détails sur Bin Bir Kilisse, dans son livre bien connu sur l’Asie Mineure. La lecture de ce livre inspira à Miss Gertrude Bell, en 1905, l’idée d’explorer les monuments chrétiens de Maden Sheher ; elle y découvrit, sur une des églises, une inscription peu lisible, que Sir W. Ramsay copia pour elle. En 1907 et en 1909, Miss Gertrude Bell retourna sur les lieux avec Sir W. Ramsay et sa femme ; le volume que nous annonçons est le fruit de leur travail commun. La montagne de Kara Dagh, sacrée dès l’époque hittite, avait conservé ce caractère à l’époque byzantine ; les églises construites à Maden Sheher se sont succédé du Ve au XIe siècle et, comme elles peuvent en partie être datées, fournissent des indications précieuses pour l’histoire de l’architecture byzantine en Anatolie. Il est remarquable qu’on n’ait pas trouvé de traces d’une période gréco-romaine ; ici, comme l’observe M. Ramsay, l’art chrétien s’imposa à une ville qui, soustraite presque entièrement par la distance aux influences grecques ou romaines, en était encore au vieux stage anatolien.

La description des églises, due entièrement à Miss Bell, est très complète, illustrée d’une foule de plans et de photographies d’après des ensembles et des détails ; « L’explication du caractère des ruines sur le plateau asiatique, écrit-elle, doit être cherchée dans les traditions architecturales de l’Asie. Les types et la technique doivent être rapportés aux anciennes générations des constructeurs orientaux, ou, indirectement, à la même source à travers l’art hellénistique, qui fut lui-même fortement orientalisé. Sur les côtes anatoliennes, l’influence hellénistique domina, tandis que, sur le plateau, l’Orient proprement dit, celui de la Mésopotamie, de la Perse, de l’Arménie, revendiqua ses droits... L’art du centre de l’Asie Mineure ne fut pas importé ; un art importé aurait été plus homogène. Les constructeurs travaillèrent dans les limites d’un art indigène, mais en s’y mouvant avec toute la liberté de créateurs (1) ». Une chose étonnante, mise en lumière par Miss Bell, est en effet la grande variété des plans adoptés par cette architecture locale jusqu’au XIe siècle ; il y a là une fécondité d’invention, une vitalité qu’on ne soupçonnerait guère a priori. Quant à la beauté intrinsèque de cet art, il vaut mieux n’en rien dire que d’en médire ; c’est au point de vue historique seul que l’étude de ces ruines byzantines peut offrir de l’intérêt.

Signalons enfin, dans la 4e partie de cet ouvrage, quelques inscriptions hittites, copiées sur le Kara-Dagh, qui paraît avoir été un centre religieux important vers le XVe siècle avant notre ère, et toute une série d’inscriptions byzantines, d’une langue et d’un caractère également barbares, qui ont été déchiffrées et commentées avec soin.

 

S[alomon] R[einach]

 

(1) Je traduis comme je peux ; le style laisse parfois à désirer.