Lévy-Bruhl, L.: Les fonctions mentales dans les sociétés inférieures. In-8, 461 p.
(Paris, Alcan, 1910)
Reviewed by Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 15 (4e série), 1910-1, p. 206-207
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L. Lévy-Bruhl. Les fonctions mentales dans les sociétés inférieures. Paris, Alcan, 1910. In-8, 461 p.


         Bien que ce savant ouvrage s’occupe peu de l’antiquité, il apporte à la science ; avec des idées nouvelles, deux expressions très heureuses qui trouveront leur emploi dans l’étude des religions primitives, même helléniques. La, première est celle du prélogisme ; la pensée du sauvage n’est ni logique ni illogique, mais prélogique, en ce sens qu’elle se conforme volontiers à des associations, à des liaisons qui n’existent pas pour nous et nous semblent à peine intelligibles. Celle notion du prélogisme se lie à celle de la participation, comme on le voit par le passage suivant : « La mentalité des primitifs, étant mystique, est nécessairement aussi prélogique, c’est-à-dire que, préoccupée avant tout des propriétés et des forces mystiques des objets et des êtres, elle en conçoit les rapports sous la loi de participation, sans s’inquiéter des contradictions qu’une pensée logique ne saura plus tolérer » (p. 110). La « loi de participation » (est-ce bien une loi ?) n’est pas le sophisme non causa pro causa, mais l’idée fausse que des objets, des êtres, des phénomènes peuvent être à la fois eux-mêmes et autre chose, par exemple qu’un homme mort, que l’image d’un homme participent à l’activité latente (vraie ou supposée) d’un homme vivant. Ainsi s’explique, entr’autres, l’usage de briser les objets familiers d’un défunt, de les ensevelir avec lui ; ainsi s’expliquent aussi les pratiques de la magie sympathique, qui ont pour objet de créer une sorte de participation d’ordre mystique ; celles de la divination, qui cherchent à mettre en lumière des participations cachées, etc. Les exemples recueillis et classés par l’auteur sont fort instructifs ; mais la prétention, qui lui est commune avec d’autres sociologues modernes, de remplacer les conceptions si nettes de l’animisme et de l’association des idées par des notions beaucoup plus complexes et plus subtiles, ne me paraît pas tout à fait justifiée par ses analyses, quelque intéressantes et approfondies qu’elles soient.

S[alomon] R[einach]