Service des antiquités d’Egypte: Les Temples immergés de la Nubie. Rapports relatifs à la consolidation des temples, par G. MASPERO, t. l, seconde livraison. Gr. in-4°, 32 p. et 34 planches en collotypie.
(Caire 1909)
Reviewed by George Foucart, Revue Archéologique t. 15 (4e série), 1910-1, p. 439-441
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Service des antiquités de l’Égypte. Les Temples immergés de la Nubie. Rapports relatifs à la consolidation des temples, par G. MASPERO, t. l, seconde livraison. Caire, 1909, gr. in-4°, 32 p. et 34 planches en collotypie.


Ce nouveau fascicule du service des antiquités donne la suite du journal des opérations de M. Barsanti au temple de Kalabshèh (1). C’est là qu’a été le plus gros travail de toute la Nubie. Dès l’entrée, il fallut dégager la grande porte centrale, taillée en berceau par les Coptes ; elle menaçait de crouler sous le poids des blocs tombés du pylône. M. Barsanti dut la baisser entièrement, procéder à l’enlèvement périlleux des blocs, passer au travers des dalles des poutres de fer, lier les montants avec des crampons. Ce sont là en vérité des travaux « de réfection » qui n’ont comme équivalents que ceux des architectes antiques qui édifièrent le temple. Quant à la grande cour, tous les touristes se rappellent le chaos effroyable qu’elle était : les débris amoncelés s’y élevaient à cinq, et parfois à 8 mètres de hauteur. Il y en avait ainsi plus de 600 mètres carrés. Tout fut nettoyé, les bases des colonnes cernées de tranchées, que l’on remplit de pierre et de ciment, et sur lesquelles on replaça le dallage antique. Huit colonnes sur quatorze ont pu être remontées.

Le pronaos constitua le travail de restauration le plus dangereux ; murs, colonnes et architraves ont pourtant subi les réparations définitives sans qu’on

ait eu à déplorer aucun accident grave ; et c’est merveille de lire le récit de tous les procédés ingénieux employés ou inventés par M. Barsanti (p. 69). Après le vestibule et la « procella », le sanctuaire a pu être consolidé sous les fondations et mis à l’abri des infiltrations qu’amènera le relèvement du barrage d’Assouân. Enfin les murs d’enceinte, la chapelle ptolémaïque et celle du sud-ouest ont été complètement remis en état.

La campagne de 1908-1909 vit l’achèvement de ce travail magistral : réparation du quai ; restitution, dans la mesure du possible, de l’aspect du parapet antique, vérification des chambrettes du pylône, remise en état de l’escalier, de la terrasse, et du couloir du sud — où l’on a retrouvé le puits canonique et les degrés qui y descendent. C’est une bonne trouvaille et un des passages intéressants de ce journal (p. 79 et pl. LXVI). Quelques remarques sur l’histoire du Temple terminent ce volumineux rapport. Rarement vit-on l’archéologie s’attaquer à de pareilles entreprises sur un monument ancien. Dix-huit planches permettent de suivre les phases de ce labeur gigantesque. L’Égypte peut ajouter à sa liste monumentale un temple de plus, et un des plus beaux de ceux qu’elle possède encore.

Le charmant petit sanctuaire de Dandour et l’hémispéos de Gerf-Hossein demandaient moins de peine et purent être restaurés en une saison. La terrasse seule, à Dandour, exigea des efforts de déblaiement comparables à ceux de Kalabshèh. Le pronaos, le spéos et les abords du temple ont surtout réclamé une masse infinie de petites réparations de détail. Une découverte curieuse est celle d’une sorte de caveau funéraire, que M. Barsanti se borne à décrire sommairement. Une note de M. Maspero indique que c’était sans doute le tombeau du personnage adoré dans le temple et qu’on en verra ailleurs la démonstration. Nous l’attendons avec intérêt. Si le fait est exact, son importance est considérable pour l’histoire des cultes nubiens, car je ne connais pas encore un seul exemple de ce genre. A Gerf-Hossein, on a dû se borner à sauvegarder, pour la partie extérieure, les quelques vestiges de la colonnade à colosses osiriens. L’intérieur nécessitait à peine quelques opérations de nettoyage. La trouvaille d’un sphinx colossal en bas de la falaise a été le seul épisode marquant des opérations (p. 89).

La consolidation du temple de Dakkèh a pris tout l’hiver 1908-1909, et c’est le plus gros effort accompli en Nubie après la réfection de Kalabshèh. On n’aura ici qu’une partie du récit de la campagne. De sérieuses difficultés attendaient dès l’abord M. Barsanti. On s’en fera idée en lisant, par exemple, qu’il a fallu extraire d’une carrière voisine 2.500 mètres cubes de pierres pour remédier à l’état des fondations. Les deux tours du pylône ne tenaient plus que par miracle, affouillées de tous côtés par le travail destructeur des modernes sabbakhin Nubiens. A ma dernière visite à Dakkèh, en 1907, nous eûmes tous l’impression que nous pourrions bien être au nombre des derniers voyageurs qui auraient vu la silhouette du pylône se dresser en avant du pronaos. Nous nous trompions, heureusement, et les dix planches qui commentent la campagne de M. Barsanti nous attestent, au contraire, que voici les deux tours assurées pour longtemps. Le temple restauré se dresse aujourd’hui sur une sorte de soubassement. On l’a critiqué au nom de l’histoire de l’art (p. 91). M. Bar­santi répond avec bon sens qu’autrefois les édifices égyptiens n’étaient pas destinés à demeurer sept mois par an sous les eaux, et que la conservation des monuments prime le respect de la tradition.

Le temple entier lui-même a été ensuite enchâssé dans un échafaudage muni de palans et de treuils. Les blocs éboulés ont été sortis un à un des ruines, identifiés, numérotés, puis disposés sur le sol en assises prêtes à être remises en place, de façon à recomposer les parois écroulées. Le pronaos, éboulé en 1890, a repris partiellement sa physionomie. Il a même été possible de rendre complètement au vestibule d’Ergaménès son aspect primitif, et de refaire le sanctuaire d’Auguste. Le naos en granit a été complété, faute de mieux, avec des parois en ciment armé, de manière à utiliser la base et le sommet qui en subsistaient. Il est souvent difficile de savoir où s’arrêter dans la voie de ces restaurations. Le risque est d’arriver à refaire une colonne entière, pour remettre en place un chapiteau, alors qu’on n’a plus rien du fût, et rien qu’un fragment du socle. Tout bien pesé, les morceaux du sanctuaire de Dakkéh, autant que je me les rappelle, étaient trop considérables pour être laissés tels quels sur le sol, et M. Barsanti a bien fait.

        Les planches en phototypie sont d’une fort bonne exécution. Les plus curieuses pour l’exécution des grands travaux de réfection portent les nos LXIV, LXVI, LXIX, LXXV, XCIV. Les pl. LXXIX, LXXXIX, XCIII sont les plus belles au point de vue des monuments anciens. Elles font honneur à Brugsch Pacha et à M. Oropesa.

 

G[eorge] F[oucart]

 

(1) Cf. Revue archéologique, 1909, t. II, p. 476-478.