Gillet, Louis: Histoire artistique des ordres mendiants. In-8, viii-376 p., avec 12 planches.
(Paris, Laurens 1912)
Reviewed by Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 20 (4e série), 1912-2, p. 191-192
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Number of words: 507 words
 
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Louis Gillet. Histoire artistique des ordres mendiants. Paris, Laurens, 1912. In-8, viii-376 p., avec 12 planches.


         « Si le livre de Thode sur les Origines de la Renaissance est le point de départ de cette esquisse, celui de M. Mâle sur l’art de la fin du moyen âge l’a seul rendue possible » (p. 8). Il faut savoir gré à l’auteur de payer ainsi, dès le début de son brillant essai, une double dette de gratitude. Ce volume se compose de dix leçons professées (pourquoi dire prononcées ?) sous les auspices de la Société de Saint-Jean pour la propagation de l’art religieux : I. L’âme religieuse au XIIIe siècle ; S. François et S. Dominique. II. Les Églises, des Mendiants, la basilique d’Assise. III. Giotto et les fresques d’Assise. IV. La vie de Jésus et la vie des saints en images ; la Légende dorée. V. Le miroir théologique et le miroir moral ; la chapelle des Espagnols et le Campo Santo de Pise. VI. L’avènement du pathétique ; mystères et danses macabres ; l’Ars moriendi et la tristesse du moyen âge finissant. VII. Confréries, dévotions nouvelles, les cinq plaies ; les saints protecteurs ; le rosaire. VIII. Le couvent de S. Marc à Florence ; Fra Angelico, Savonarole ; les prophéties de la Sibylle. IX. La fin de la Renaissance et la Renaissance catholique. X. Les derniers chefs-d’œuvre franciscains ; Rubens, Greco, Murillo. L’ouvrage se termine par un index alphabétique qui n’est pas parfait ; ainsi, p. 314, il est question du procès fait par l’Inquisition à Paul Véronèse ; mais je ne trouve à l’index ni Caliari, ni Paul Véronèse, ni Saint-Office, ni Inquisition.

         M. Gillet n’a reproduit qu’une partie de l’interrogatoire de Paul Véronèse ; il a notamment omis cette réponse curieuse du peintre, que M. Steinmann, dans son grand ouvrage sur la Chapelle Sixtine, a également négligé de noter : « Michel-Ange, à Rome, dans la chapelle du Pape, a représenté N. S., sa mère, saint Jean, saint Pierre et la cour céleste, et il a représenté nus tous ces personnages, voire la Vierge Marie ». Cela n’est pas vrai, et pourtant l’inquisiteur laisse dire ; il répond : « Ne savez-vous donc pas qu’en représentant le Jugement dernier, pour lequel il ne faut point supposer de vêtements, il n’y avait pas lieu d’en peindre? » Preuve que Véronèse n’avait pas vu l’original mais quelque étude aujourd’hui perdue, où toutes les figures étaient nues. On voudrait en savoir plus long à ce sujet ; peut-être l’inquisiteur n’avait-il rien vu du tout ; mais le peintre parle évidemment de ce qu’il a eu sous les yeux.

         A l’encontre des rationalistes du XVIIIe siècle et des jansénistes, les critiques de notre temps sont très indulgents pour les extravagances de la Légende Dorée et les aberrations sensuelles du mysticisme ; c’est sans doute que ces choses sont devenues de la littérature et ne tirent plus à conséquence. Au fond de notre admiration pour elles, même exprimée en termes dévots, il y a la pensée libre et l’agnosticisme.

S[alomon] R[einach]