Falke, Otto von: Kunstgeschichte der Seidenweberei. In folio ; tome I, 128 pages et 212 fig. ; tome II, 148 pages et 400 fig.
(Berlin, Wasmuth 1913)
Reviewed by Jean-Joseph Marquet de Vasselot, Revue Archéologique t. 22 (4e série), 1913-2, p. 304-305
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Otto von Falke. Kunstgeschichte der Seidenweberei ; Berlin, Wasmuth, 1913, in folio ; tome I, 128 pages et 212 fig. ; tome II, 148 pages et 400 fig.


En 1900, M. Julius Lessing, alors directeur du Musée des Arts Décoratifs de Berlin, entreprit la publication d’un grand ouvrage consacré à la riche collection de tissus de son Musée. La suite des planches était presque achevée quand M. Lessing mourut, en 1908 ; mais le texte qui devait les expliquer restait à faire. Ce travail échut à M. von Falke, successeur de M. Lessing ; les deux volumes que nous annonçons donnent les résultats de ses recherches.

Le sujet était singulièrement vaste, car il ne s’agissait de rien moins que de l’histoire des tissus de soie depuis la fin de l’antiquité classique jusqu’au XVIIIe siècle, et depuis l’Asie centrale jusqu’à l’Espagne. Il était extrêmement délicat, car les contradictions constantes des érudits qui avaient touché à ces questions prouvaient que bien des problèmes capitaux n’étaient pas résolus. On ne saurait d’ailleurs être surpris en constatant que certains tissus du moyen âge ont été assignés successivement à des contrées et à des époques extrêmement diverses ; car ils ont généralement été recueillis loin de leur pays d’origine, ils portent rarement des inscriptions ou des sujets permettant de les dater exactement, ils ont moins souvent encore une histoire certaine, et enfin l’étude de leur style est fort délicate, vu que beaucoup de leurs motifs décoratifs se sont transmis pendant longtemps dans des régions très variées.

Nous ne saurions résumer ici un ouvrage touffu et complexe, qui va de l’époque alexandrine à la fin de la Renaissance — les époques ultérieures ont été traitées brièvement — ; mais on y trouve des théories et des classements nouveaux qu’il importe de signaler.

Une étude attentive des étoffes d’Alexandrie a conduit M. von Falke à penser que le décor des soieries médiévales ne tire pas spécialement son origine, comme on l’a dit souvent, de l’art sassanide, mais qu’il dérive surtout de l’art alexandrin de la dernière période classique, et que l’orientalisme qui prédomine dans les soieries byzantines à partir du XIe siècle n’a rien à voir avec la Perse de l’époque sassanide (vol. I, p. 64-65).

Au contraire, l’influence persane se fait sentir dès le VIIIe siècle dans une région dont l’art est encore mal connu, en Chine ; des œuvres datées permettent de constituer, pour cette époque reculée, un groupe d’étoffes chinoises de style persan. Des morceaux rapportés de l’Asie centrale par M. Pelliot en fournissent de nouvelles preuves (vol. I, p. 87-91).

Pour le moyen âge, l’un des chapitres les plus neufs est celui où l’auteur, rompant avec les affirmations qui ont eu cours jusqu’ici, réduit à des limites vraisemblables le rôle de la Sicile (vol. I. p. 119-128). On lui attribuait généralement une grande partie des soieries médiévales, que l’on datait du XIIe siècle ; or, il semble bien que la Sicile n’ait qu’une importance secondaire dans l’art des tissus ; parmi ceux qu’on lui avait assignés, les uns sont originaires de la Mésopotamie, d’autres de la Chine, et d’autres de l’Italie du Nord.

Dans les soieries de l’époque gothique, il est une série très restreinte que M. von Falke propose de classer comme parisienne (vol. II, p. 39-40) ; les rapprochements entre les morceaux conservés et les draperies peintes de certains ivoires, sont en effet très curieux.

Mais, pour les tissus du moyen âge, le chapitre le plus remarquable est celui ou l’auteur prouve (vol. II, p. 46 à 57) que la transformation du décor des tissus italiens, au début du XIVe siècle, est due à une influence considérable, jusqu’à présent méconnue, de l’art chinois. Ce chapitre (qui a déjà paru dans le Jahrbuch de Berlin en 1912) est d’une réelle importance pour l’évolution générale des arts décoratifs.

Si les tissus postérieurs au XVIe siècle sont étudiés beaucoup plus brièvement, c’est parce qu’ils offrent moins d’intérêt pour l’archéologie : l’auteur a cru préférable d’insister sur les époques plus anciennes.

Dans tout ce grand ouvrage, le mérite de M. von Falke est d’avoir essayé de procéder toujours du connu à l’inconnu, en analysant avec minutie les divers éléments du style, en pesant la valeur des témoignages écrits et en comparant sans cesse les tissus aux autres productions des arts industriels. Aussi est-il parvenu, — comme il l’avait fait en 1904 pour l’orfèvrerie des régions du Rhin et de la Meuse à l’époque romane, — à des classements d’ensemble clairs et logiques. On pourra sans doute, sur quelques points de détail, discuter certaines affirmations mais les grandes lignes paraissent définitivement acquises : c’est là un résultat dont il est inutile de souligner l’importance.

Notons pour terminer, que l’illustration est très abondante ; sans doute sa qualité n’est pas toujours égale ; mais les étoffes anciennes ne se prêtent pas toujours bien à la reproduction directe.

J[ean-Joseph] M[arquet de] V[asselot]