Croiset, A.: Les démocraties antiques. In-8, 339 p.
(Paris, Flammarion 1909)
Compte rendu par Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 13 (4e série), 1909-1, p. 281-282
Site officiel de la Revue archéologique
Lien avec l'édition numérique de ce livre
 
Nombre de mots : 562 mots
 
Citation de la version en ligne : Les comptes rendus HISTARA.
Lien : http://histara.sorbonne.fr/ar.php?cr=1057
 
 

A. Croiset. Les démocraties antiques. Paris, Flammarion, 1909. In-8, 339 p.


Le nom de l’auteur me dispense de dire que ce livre est admirablement écrit et que la connaissance des textes y est toute de première main. Mais, comme il fait partie d’une bibliothèque de vulgarisation, j’estime nécessaire d’avertir les spécialistes qu’ils y trouveront leur « gibier ». Très bref sur Rome, M. C. s’est étendu, comme de raison, sur la constitution d’Athènes et ne s’est pas borné à résumer le droit politique de la grande ville ; la nature particulière de son esprit, qu’attirent les questions psychologiques et morales, l’a porté à leur donner, dans son exposé, une large place. Personne ne s’en plaindra, moins que tous autres les Grecs d’aujourd’hui, à qui M. C. fait l’honneur d’attribuer toutes les qualités essentielles de leurs aïeux. Cela est d’ailleurs conforme à l’une des idées directrices de ce beau livre ; « Je crois qu’il faut rendre à l’idée de race, sainement comprise, la place qui lui appartient » (p. 10). Mais la « race » n’est pas « une entité mystérieuse et toute puissante, mal définie », encore moins un fait biologique. « Les caricaturistes ne s’y trompent pas... Dans un même peuple, les différences individuelles oscillent autour d’un type moyen qui est le type national... Pour ne parler que des traits intellectuels et moraux, les plus profonds d’entre eux sont doués d’une persistance extraordinaire... ; même les invasions n’arrivent pas à les effacer... Ces aptitudes sont la trame solide qui forme l’unité continue du peuple grec, à travers les siècles et les révolutions. D’ou viennent-elles ? Evidem­ment de la préhistoire. Elles sont pour nous un fait irréductible... Qu’il soit inexplicable, qu’il soit imprécis à certains égards, peu importe : il est incontes­table. » Rien n’est plus vrai , à une nuance près, cependant : à coté de l’édu­cation préhistorique qui a formé les mœurs et, par suite, ébauché les types ethniques, il y a l’influence indéfinissable, mais certaine, du milieu, du climat, du sol, de l’air et des eaux. Le mot de race ayant prêté à des abus déplorables, il vaudrait peut-être mieux parler seulement de types ethniques ; mais dans la mesure où il fait intervenir l’idée de race, après avoir dit nettement ce qu’elle ne signifie pas à ses yeux, M. C. a évidemment raison contre ce qu’il appelle le « matérialisme historique ».

Un des chapitres les plus intéressants (p. 129 et suiv.) concerne l’esprit et les mœurs de la démocratie athénienne. C’est un tableau charmant, sans parti­ pris, où chaque assertion pourrait être appuyée d’une preuve. A noter ce qui concerne la femme athénienne (p. 134), qui était, en effet, « beaucoup plus souvent qu’on ne le croit, l’associée et l’ami de son mari ». A noter également cette réserve, aussi heureusement exprimée qu’elle est légitime : « La vertu athénienne semble avoir été plutôt affaire d’heureux tempérament, de bon sens avisé, de sentiment délicat de la beauté, que forte et vigoureuse discipline morale. C’est une vertu d’instinct plutôt que de devoir » (p. 141).

S[alomon] R[einach]

(1) Vingt-cinq pages en tout (p. 293-318). Évidemment, le livre aurait dû être intitulé : « Les démocraties helléniques » ; ce qui est dit de Carthage et de Rome forme plutôt un appendice, d’ailleurs excellent.