Kelman, John: From Damascus to Palmyra. In-8°, xvi-xvi, 368 p., avec 70 planches en couleurs.
(Londres, A. et C. Black 1908)
Compte rendu par L. Jalabert, Revue Archéologique t. 13 (4e série), 1909-1, p. 291-292
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John Kelman, From Damascus to Palmyra. In-8°, xvi-xvi, 368 p., avec 70 planches en couleurs. Londres, A. et C. Black, 1908. Prix : 20 shillings.


     Tout Anglais qui revient d’un voyage de quelques semaines en Orient se doit à lui-même de rapporter un volume d’impressions. Le public est indulgent à cette littérature ; aussi le succès du livre de M. K. est-il assuré, d’autant que l’illustration très réussie compensera pour beaucoup l’insuffisance du texte. Ce n’est pas que M. K. manque de talent : il observe avec justesse, note d’un trait précis et impitoyable les ridicules de la société orientale qu’il n’a cependant fait que traverser, croque lestement les scènes pittoresques, décrit avec un cer­tain charme les paysages qui l’ont séduit. Il y a de jolies pages sur Damas, des coins de bazar bien vus ; on retrouve chez lui toutes les phases de la réception sous la tente : le narguilé, le café, le dîner sans fourchette ; le tout entremêlé de traits d’humour oriental, de proverbes, de récits plaisants qui défraient la veillée. Là est le côté profitable du livre ; cependant, même pour ces pages, est-ce la faute à l’auteur, qui a eu tant de devanciers, si en le lisant, on éprouve l’impression du déjà vu ?

     Mais le grand tort de M. K. est de s’être improvisé archéologue et historien. A propos de Baalbek, il résume le guide d’Alouf et un article de Spiers, mais ne paraît pas connaître le Guide de Puchstein qui lui aurait fourni des renseignements plus précis. Il utilise l’inscription des propylées, sans se dou­ter qu’elle renferme une dédicace à la triade d’Héliopolis, estropie le nom du dédicant et confond Caracalla avec Antonin le Pieux (p. 69). Il suppose imper­turbablement que les colonnes de granit égyptien ont été convoyées par l’Oronte (p. 80) ; les petits tabernacles des exèdres qui entourent la grande cour abritaient 330 dieux (p. 80) ; page bizarre sur le syncrétisme héliopolitain (p. 81). Une inscription de Yabroûd, dont il ne connaît pas d’ailleurs la lecture intégrale (CIL, III, 6664), lui inspire cette solennelle réflexion : « CAESAR » nothing but that word ! and it is enough to suggest the story of five centuries of turbulent human life (p. 244). Palmyre lui a fourni six chapitres : Palmyra as it is to-day, Palmyra and Rome, — The « Coup d’État »,Palmyra in life, — Palmyra in death, — « Sub specie aeternitatis ». — Le premier est de beaucoup le meilleur ; le reste est bien pauvre, bien incomplet et bien inexact. On y trouve des vers de Tennyson et de Kipling, mais il y manque nombre de faits essentiels. M. K., qui se donne le luxe de citer de bons auteurs (Waddington, Mommsen, Stuart Jones, Cooke), ignore par ailleurs le livre de Homo sur Aurélien, qui lui aurait épargné plus d’une méprise ; il attribue à Odenat II une généalogie erronée (p. 257-8 ; cf. Wadd., 2600, 2602) ; il ne connaît point les travaux de Clermont-Ganneau sur la famille royale de Palmyre (Rec. d’archéol. or. III, p. 134-141, 194-201) ; pas un mot sur l’impor­tant milliaire d’Arabie au nom de Ouahballat (Bull. archéol., 1904, p. 8) ; il parle (p. 260) de trois inscriptions au nom de Ouorod, alors que Waddington, auquel il renvoie cependant, en publie six (nos 2606-2610) ; Zénobie est compa­rée successivement à Cléopâtre, Jeanne d’Arc et Marie Stuart. Ce choix d’erreurs montre avec quelle confiance on peut lire un ouvrage qui eût pu être irréprochable si l’auteur, se bornant à nous conter ses impressions de touriste, n’avait pas prétendu assumer une tâche à laquelle il n’était pas suffisamment préparé.

L[ouis] Jalabert