Harrison, Jane Ellen: The influence of Darwinism on the Study of Religions (extrait du Darwin Memorial volume, avril 1909).
( 1909)
Compte rendu par Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 13 (4e série), 1909-1, p. 434-435
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Jane Ellen Harrison. The influence of Darwinism on the Study of Religions (extrait du Darwin Memorial volume, avril 1909).


L’autrice montre d’abord comment l’influence de Darwin introduisit, dans les études religieuses, l’idée de l’évolution et du progrès des croyances, déjà soupçonnée, il est vrai, par Hume, Herder et quelques autres penseurs. Dès lors, la vieille théorie de la révélation était condamnée sans retour ; Miss Harrison, qui écrit dans un pays libre, s’exprime là-dessus sans fausse pudeur. Elle explique ensuite, avec beaucoup de savoir et de talent, les perspectives qui s’ouvrent de nos jours aux sciences religieuses. Les deux éléments essentiels de toute religion sont l’animisme et la magie ; cette dernière « n’est ni la science ni la religion, mais le protoplasme spirituel d’où elles sont sorties en se différenciant ». Le caractère de la magie ne paraît nulle part avec plus de clarté que dans la danse : alors que nous y voyons une manifestation de la joie de vivre, les Tarahu­mares du Mexique, étudiés par Lumholtz, ont un même mot signifiant danser et travailler. Le substratum de la magie est l’orenda des Iroquois, le mana des Mélanésiens ; le védique brahman, le grec δναμις expriment des idées analogues (1). En somme « les phénomènes religieux résultent de deux illusions, celle de l’intelligence dépourvue de critique et celle de la volonté trop confiante en sa force ». Faut-il en conclure, demande Miss Harrison, que la reli­gion soit elle-même une illusion ? « Je pense que non. Tous les dogmes que les religions ont affirmés jusqu’à ce jour sont probablement faux ; mais, malgré tout, l’esprit religieux ou mystique peut être le seul moyen d’atteindre cer­taines choses d’une importance capitale. Il est possible aussi que le contenu de cette appréhension mystique ne puisse être exprimé par le langage sans

être déformé, qu’il faille le sentir plutôt que l’analyser intellectuellement et qu’il n’appartienne proprement ni à la catégorie du vrai, ni à celle du faux, dans le sens où ces mots sont appliqués à des propositions ». Cela est bien vague et Miss Harrison ne précise guère en alléguant la notion moderne de subconscience. Il me semble qu’on peut se tirer d’embarras plus simplement, en remarquant qu’en dessous des illusions religieuses il y a l’esprit humain lui-même qui s’en est nourri et que c’est là le résidu infiniment complexe auquel se heurte, pour peu qu’elle cesse d’être superficielle, l’analyse de tout phénomène religieux (2).

S[alomon] R[einach]

(1) Miss Harrison a fait bon usage du mémoire de MM. Hubert et Mauss, Théorie générale de la magie (1904).

(2) Quelques rhéteurs et même des savants estimables m’ont reproché d’avoir réduit les religions, dans mon livre Orpheus, à trois éléments, toujours les mêmes, l’animisme, le tabou et la magie. J’attends encore qu’on me cite un phénomène religieux, même contemporain, où ces trois éléments fassent défaut. Mais je n’ai jamais prétendu qu’ils se combinassent in vacuo ; ce sont des élé­ments dont la portée religieuse, si l’on peut dire, résulte de leur action profonde sur notre esprit.