Baud-Bovy, Daniel - Boissonnas, Fréd.: En Grèce, par monts et par vaux. Avec des notices archéologiques par Georges Nicole et une préface de Th. Homolle, sous le haut patronage de S. M. Georges l, roi des Hellènes. In-fol.
(Genève 1908)
Compte rendu par Waldemar Deonna, Revue Archéologique t. 12 (4e série), 1908-2, p. 141-142
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Daniel Baud-Bovy et Fréd. Boissonnas. En Grèce, par monts et par vaux. Avec des notices archéologiques par Georges Nicole et une préface de Th. Homolle, Sous le haut patronage de S. M. Georges l, roi des Hellènes. Genève, numéro spécimen, in-fol., 1908.


     Voici un numéro spécimen d’une luxueuse publication qui paraîtra quand le nombre de souscripteurs nécessaire aura été atteint. On en peut louer sans réserve l’exécution matérielle. Les photographies que M. Boissonnas a rapportées de Grèce, traduites en d’impeccables héliogravures, ornent somptueusement les quelques feuilles de ce fascicule d’essai : temple de Zeus Olympien, Parthénon, temple d’Athéna Nike, scènes de la vie grecque moderne, telles que paysannes corfiotes à la fontaine de Gastouri, ou troupeau de moutons sous les frêles oliviers de Sparte, d’autres vues encore qui prouvent le talent artistique très réel de M. Boissonnas.

     Plusieurs clichés ont été exécutés au Telephot Vega. Cet appareil est excellent pour reproduire les détails d’architecture ou de sculpture que leur position élevée ne permet pas de photographier avec un appareil ordinaire. En revanche, appliqué au paysage, il ne vaut rien, car il supprime toute perspective, témoins les clichés qui représentent l’Acropole vue du Lycabette et de la colline de Philopappos.

     Mais pourquoi avoir choisi un format aussi démesuré? Les gravures y gagnent en beauté, il est vrai, mais le prix de l’ouvrage s’en trouve élevé d’autant. 500 francs, rien que cela. C’est peu. Aussi, amateurs qui dédaignez les publications à bas prix, sachez que les éditeurs vous offrent une série à 1.000 francs le volume. Préférez-vous « l’édition royale », à 3.000 fr. agrémentée d’une description des palais royaux (combien somptueux !) de la Grèce ?

     Le texte qui accompagne les belles photographies de M. Boissonnas est dû à M. Baud-Bovy, critique d’art, dont un ouvrage récent, « Peintres genevois » a été couronné par l’Académie française. Ce sont des notes de voyage en Grèce, « par monts et par vaux », tracées d’une plume fine et non sans charme. A Corfou, le voyageur a admiré les classiques porteuses d’amphores de l’Orient. Devant l’Acropole, son émotion s’est traduite en jolies phrases, suspendues par de nombreux points, mais il n’a pas « fait le projet de prier sur l’Acropole ». L’étymologie de Mycènes (Mycès, champignon !) lui a suggéré d’ingénieuses réflexions sur les destinées tragiques de cette ville « qui eut la pourpre de certains champignons vénéneux et la venimeuse splendeur de ces dragons de légende, de ces guivres couronnés d’or dont le front sertissait un diamant  », et il a déploré la sombre tragédie des Atrides. A Piali, il a vu le médiocre bas relief représentant un lion que, dit avec ingénuité M. Barrès, « les manuels affirment l’un des plus remarquables morceaux de la sculpture grecque », et il a reconnu dans la tête féminine du Musée « le fantôme de la beauté de Tégée ». Le lecteur apprendra sans doute avec intérêt que le guide Philippes put dormir malgré les insectes, et que la femme d’un pappas qui le logeait avait une maladie de foie.

     Une partie de l’ouvrage comprendra des notices archéologiques écrites « dans un style élégant et sobre » par M. Georges Nicole, « ce jeune savant dont les premiers travaux ont fixé l’attention des archéologues ». Elles aspirent à donner une vague idée des théories archéologiques actuellement admises sur les monuments reproduits dans l’ouvrage. Une brève bibliographie accompagne les deux notices du fascicule. Je reprocherai à l’auteur de ne pas citer les travaux postérieurs à 1903, ouvrages généraux sur la question du Parthénon, Luckenbach, Die Akropolis von Athen, 1905 ; Hachtmann, Die Akropolis von Athen im Zeitalter des Perikles ; Klein, Gesch. d. gr. Kunst, II (1903), p. 68-103. Pour la question des courbures du temple, il ne suffit pas de citer Penrose, puisque Goodyear en a discuté et parfois réfuté les observations (cf. Rev. arch., 1903, I ; 1907, II, p. 178 ; American Journal of arch., 1907). Pour la Parthénos, au lieu du travail de Schreiber, qui est vieilli et peu accessible aux gens du monde à qui s’adresse cet ouvrage (Kön, sächs. Gesell.), M. Nicole aurait pu indiquer Lechat, Phidias, p. 77 sq., qui donne (p. 158) la bibliographie récente, ou Klein, II, p. 39 sq. Puisqu’il cite certains travaux récents sur les sculptures du Parthénon, il aurait pu indiquer les plus récents, comme Ath. Mitt., 1906, p. 308 sq.; Jahrhuch, 1904, p. 1 sq. : 1906, p. 33 sq. ; Lechat, Phidias, p. 87 sq. ; Furtwängler, Aegina, p. 328 sq., etc. ; donner l’édition de 1905 de Schwerzek (non Schwerzel), Erläuterungen zu der Rekonstruktion des Westgiebels, au lieu de celle de 1896. L’ouvrage de Murray date de 1903, non de 1902.

     Dans la seconde notice archéologique, consacrée au théâtre de Dionysos, M. Nicole cite Puchstein ; pourquoi ne pas mentionner alors la réponse de Dörpfeld (Ath. Mitt., 1903, p. 342) ? Il aurait peut-être été bon d’indiquer que Navarre a modifié certaines des conclusions de son volume Dionysos (cf. Rev. des Et. anc., 1905, p. 80). Il était inutile de citer l’ouvrage de Paul de Saint-Victor, même pour dire qu’il fourmille d’erreurs. Mieux aurait valu nommer à la place des travaux comme celui de Haigh, The attic Theater (3e éd., 1907 ; 4e, 1908), et, au lieu de Müller 1886, Müller, Untersuchungen zu den Bühnenalterthümern, 1898. Il importe peu, au reste, car cette publication n’est pas destinée à des érudits. Les belles gravures de M. Boissonnas et le texte de M. Baud-Bovy suffiront à en faire, comme l’annoncent les éditeurs, « le livre d’Or de la Grèce », qu’il soit à 550 ou à 3.000 francs.                                                 

W[aldemar] Deonna