King, L.W. - Hall, H. R.: Egypt and Western Asia in the light of recent discoveries. In-4° xii-480 p. et une centaine de figures.
(Londres, Society for Christian knowledge 1907)
Compte rendu par Adolphe J. Reinach, Revue Archéologique t. 12 (4e série), 1908-2, p. 144-146
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L. W. King et H. R. Hall. Egypt and Western Asia in the light of recent disco­veries. Londres, Society for Christian knowledge, 1907, in-4o xii-480 p. et une centaine de figures.


   Une dizaine d’années à peine se sont écoulées depuis la publication de la grande Histoire ancienne des Peuples de l’Orient (1895-9), et déjà les fouilles ont apporté, tant en Égypte qu’en Mésopotamie, des résultats si nouveaux que bien des points de l’exposé de M. Maspero demanderaient à être modifiés, complétés ou précisés. Ce sont ces addenta et corrigenda que les conservateurs des Antiquités égyptiennes et assyriennes au British Museum ont voulu mettre en lumière dans un volume qui doit faire suite à ceux de la traduction anglaise de M. Maspero. L’ordre chronologique dans lequel ils les ont disposés fait de leur ouvrage un véritable répertoire de la plupart des faits nouveaux qui intéressent la civilisation ancienne des vallées du Nil, du Tigre et de l’Euphrate. Il faut seulement regretter que les auteurs n’aient pas cru devoir, sinon donner une bibliographie, du moins indiquer avec précision la date des fouilles et les recueils dans lesquels ont paru leurs résultats. Ces précisions eussent été surtout nécessaires dans la 1re partie de l’ouvrage relative à l’Égypte prédynastique et protodynastique. Au lieu de nous donner le tableau d’ensemble de ces découvertes essentielles dont le besoin se fait tant sentir (cf. l’esquisse que j’en ai tracée dans la Revue des Idées du 15 février 1908), M. Hall n’a pas résisté à la tentation de présenter à son tour une synthèse historique, insistant surtout sur les faits qui paraissent d’accord avec elle. Sur un fond de population protolibyenne, évoluant en Égypte à travers les âges de pierre jusqu’à l’époque énéolithique ou chalcolithique, seraient venus se superposer par la conquête deux groupes de tribus originaires de cette Arabie du N.-E. dont on tend aujourd’hui à faire le centre de diffusion des civilisations dites sémitiques. Le premier groupe après avoir stationné dans le Sinaï et y avoir développé l’industrie du cuivre, aurait passé dans le Delta et poussé jusqu’à Héliopolis et à Memphis ; là, ses progrès auraient été arrêtés par la rencontre des tribus de l’autre groupe qui, après un long séjour au pays de Poûnt, auraient traversé le détroit de Bab el Mandeb, tandis que leurs cousins du Nord franchissaient l’isthme de Suez ; remontant le long de la côte jusqu’à la hauteur de Quocéir, ils auraient de là, par la vallée de l’Ouady Hammamât, débouché vers le Nil, dans la région où devaient s’élever les capitales de Horus le Faucon et de Hathor la Vache, leur couple divin suprême, Edfou, Nekheb, Denderah, Koptos, Abydos. C’est de là que les rois de la 1re dynastie, les compagnons d’Horus — Shemsu Heru — suivis de leurs forgerons — les mesniu ou mesenti — auraient entrepris la lutte pour la Basse-Égypte qu’il durent enlever, place par place, aux Anu du Nord. Sans discuter ici ce système qui ne peut invoquer qu’un fait certain : l’introduction de la métallurgie, avec toutes ses conséquences pour la civilisation et pour l’art, dès la 1re  dynastie, — rappelons toutefois que le cuivre apparait déjà dans les tombes prédynastiques et que les objets qui y ont été trouvés se rattachent sans solution de continuité à tout ce qu’ont livré les premières tombes royales. Ainsi rien ne distingue essentiellement les Horiens des populations antérieures et surtout des Anu qu’ils ont combattus jusqu’à ce que leur soumission ait constitué le royaume uni de Haute et Basse-Égypte, et rien ne prouve que ces Anu de la Basse-Égypte ne fussent pas précisément, comme le veut M. Naville, la portion de la population indigène la plus avancée en civilisation grâce au voisinage de la Méditerranée. C’est ce même voisinage qui, selon M. Hall, aurait contribué, deux mille ans plus tard, au rapide développement des Hyksôs, venus d’Arabie par Suez comme les Anu, et ce serait seulement à leur époque que l’Égypte serait entrée en rapports suivis avec le monde égéen. Ce qu’on peut trouver de poterie prémycénienne peinte dans des tombes royales de la 1re dynastie y aurait été introduit postérieurement. C’est exclure a priori l’hypothèse, qui se fait de jour en jour plus vraisemblable, d’une communauté d’origine des civilisations proto-égéenne et proto-égyptienne ; au moins, pour expliquer les étroites analogies qu’on constate entre ces civilisations et ce qu’on peut entrevoir de la civilisation libyenne, faudrait-il supposer des rapports suivis dès le 4e millénaire.

   M. King ne s’est pas aventuré au milieu de questions aussi complexes. Il s’est contenté de résumer clairement les résultats des dernières fouilles de Tello et de Suse, de Babylone et de Ninive, de Borsippa, Ashour, Nippour, etc., en y ajoutant par endroits les éclaircissements tirés d’inscriptions encore inédites du British Museum. C’est ainsi qu’il fait usage de tablettes assyriennes qui attestent le caractère historique des renseignements que les « présages » babyloniens donnent plus tard sur l’hégémonie exercée dans l’Élam par les rois d’Agadé et qu’il indique que la mer qu’aurait traversée le premier Sargon n’est pas celle d’Occident (comme l’avait cru Sayce en pensant au roi homonyme qui conquit Chypre 2000 ans plus tard), mais celle d’Orient, c’est-à-dire le golfe Persique. Enfin il donne une analyse d’une chronique babylonienne d’un haut intérêt : on apprend que Hammurabi ne put pas réduire l’Élam, mais seulement lui enlever les territoires d’Ur et de Larsam ; c’est à son fils, 7e roi de la 1re dynastie, Samsu-iluna, que fut réservé l’écrasement définitif de Rim-sin de Suse. Pendant que cette lutte absorbait les forces babyloniennes, les Sumériens, refoulés sur le golfe Persique, se rendaient indépendants sous cet Ilima-­ilum dont les rédacteurs des catalogues royaux babyloniens firent le chef de la 2e  dynastie, par un procédé qui n’était connu jusqu’ici qu’en Égypte et qui va obliger à réviser avec soin les listes rédigées par les prêtres de l’époque achéménide pour faire descendre Hammurabi de un ou deux siècles (2200 à 2050). Entre la 1re dynastie (babylonienne, env. 1900-1750) et la 2e dynastie (sumérienne, env. 2000-1700) qui deviennent ainsi contemporaines, ce fut bientôt une guerre interminable qui ne profita qu’à leurs vassaux ou leurs voisins : Élamites au Nord qui secouent le joug de Babylone, Hittites à l’Ouest qui apparaissent alors pour la première fois dans l’histoire, Kassites dans les montagnes du Nord-Ouest ; c’est à la tête de ces Kassites que Ulam-Buriash, son frère Biti­liash et son neveu Agum renversèrent à la fois Samsu-ditana à Babylone et le Sumérien Ea-gâmil « roi du Pays de la Mer » et devinrent les premiers rois de la 3e dynastie (1700-1200). — M. King a fait paraître en même temps, en deux volumes, ces textes traduits et commentés (Chronicles concerning early Babylonian Kings, 1907,dans Luzac’s Series of Studies in Eastern History ; cf. le c.-r. de Winckler, Orientalische Litt.-Zeitung, 1907, p. 574 et F. Thureau-Dangin, Journal des Savants, avril 1908).

                                                                               A. J. Reinach