Roman y Calvet, Juan: Los nombres é importancia arqueológica de las Islas Pythiusas. Grand in-4°, 342 p. et 176 pl.
(Barcelone, l’Avenç 1906)
Compte rendu par Pierre Paris, Revue Archéologique t. 12 (4e série), 1908-2, p. 318-320
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Juan Roman y Calvet. Los nombres é importancia arqueológica de las Islas Pythiusas. Grand in-4°, 342 p. et 176 pl. Barcelone, l’Avenç, 1906.


        M. J. Román a fait, dans l’île d’Ibiza, de très belles découvertes ; il les publie en un superbe volume qui n’est pas dans le commerce, mais que l’auteur distribue libéralement aux bibliothèques et aux savants qu’intéresse particulièrement l’archéologie espagnole.

         Jusqu’à ce jour les trouvailles d’objets importés par les Phéniciens aux lieux où ils établirent leurs comptoirs étaient rares et imprécis. Même Gadès n’a rendu que de rares monuments de sa plus haute antiquité. Le célèbre sarcophage anthropoïde, parure du Musée de Cadix, est une œuvre grecque, d’époque assez récente. Les nécropoles de la province d’Almeria, qu’explore si heureusement M. Louis Siret, ne lui ont encore livré que les prémices de leur mobilier funéraire. Les tombes des Alcores ont enrichi les collections de M. Georges Bonsor, leur brillant explorateur ; mais l’élément punique est presque réduit à des ivoires gravés, de très haut intérêt sans doute, mais qui ne représententent cependant qu’un aspect de l’industrie carthaginoise. Malaga, dont des terrains importants, au pied de l’Alcazaba, en arrière des murailles phéniciennes, viennent d’être remués en grand pour l’exécution de travaux publics, Malaga, malgré les espérances et des affirmations un peu trop confiantes de M. Manuel de Berlanga, est restée stérile.

          A Ibiza, enfin, D. J. Román a ramassé des antiquités puniques à la pelle, dans les villes et villages, la Marina de la Monjas, les pueblos de San Rafael, San Juan, Talemanca, Portus Magnus, surtout dans les cimetières d’Ereso, los Jebuseos, Purmany. Elles remplissent le musée, fondé pour elles, de la Société archéologique d’Ibiza ; M. Román en conserve en foule, dans sa collection particulière, de très précieux spécimens.

          A Ibiza désormais, peut-être mieux encore qu’à Carthage, il faut aller étudier l’art et l’industrie puniques.

          On voudrait, dans le volume de M. Román, quelques précisions meilleures sur les circonstances des découvertes, sur la disposition des tombeaux, afin de pénétrer plus avant dans les mœurs et les coutumes, dans la religion des colons qui fondèrent Eresus 160 ans après Carthage (720 avant J.-C.), de ceux qui leur succédèrent de génération en génération jusqu’à la conquête romaine, sans rien perdre de leur pureté ethnique, de ceux qui même après la conquête restèrent près de deux cents ans puniques, presque exclusivement puniques.

          Du moins la multitude des monuments, figurines de terre cuite, lampes et vases d’argile, objets de verre ou de pâte de verre, objets de métal, armes, outils, ustensiles, objets d’or et d’ivoire, perles, pendeloques, amulettes, bijoux, œufs d’autruches, monnaies, qui pullulent sur les 74 grandes et belles planches du livre, forment une collection unique, dont chaque numéro, ou peu s’en faut, a de la valeur.

          Les terres cuites surtout présentent un vif intérêt. Chose surprenante et vraiment fâcheuse, ce sont les images de style punique très pur, les images de divinités en particulier qui font surtout défaut. Le dieu Cabire, par exemple, dont l’image est exclusivement représentée sur les monnaies d’Ibiza, n’apparaît qu’une seule fois. Il est vrai qu’une idole féminine est très souvent reproduite, sous des formes variées de déesse-mère ; mais elle n’est pas très antique, car elle est fortement hellénisée dans son aspect et son style, Cette lacune, heureusement, sera vite comblée, et, si l’indiscrétion prudente est permise, je sais que de nouvelles trouvailles, toutes récentes et vraiment sensationnelles, nous révéleront beaucoup de ce que nous regrettons aujourd’hui de ne pas connaître.

            Il y a du reste, parmi les figures publiées, des morceaux de premier ordre ; que les Orientalistes, verront et étudieront avec non moins d’intérêt que les hellénistes, tant l’industrie des Phéniciens de Carthage y apparaît vivifiée par l’influence de l’art grec.

            La numismatique est particulièrement redevable à M. J. Román, car son livre écarte une erreur invétérée. On prétendait que jamais une monnaie punique n’avait été trouvée dans l’île d’Ibiza, et l’on attribuait sans discussion aux autres îles Baléares les pièces bien connues au type du Cabire. M. Román a publié près de 300 monnaies au Cabire, toutes trouvées à Ibiza. Il ne peut y avoir de doute ; elles appartiennent bien à l’île. Ce trésor, d’ailleurs, mérite une étude approfondie qui sera très instructive.

          Une bonne partie du livre de M. Román, comme l’indique le titre, est consacrée à l’identification d’Ophiusa. M. Román propose une solution ingénieuse du problème. Il attache une grande importance aux recherches qu’il a faites dans ce sens, car si l’on accepte sa théorie, le texte de Festus Avienus relatif à Ophiusa et aux côtes d’Espagne en recevra une lumière qui lui manque jusqu’à présent. Je laisse aux spécialistes de la géographie ancienne le soin de juger ce que vaut l’ouvrage sur ce point.

                                                                   Pierre Paris