Venturi, Adolfo: Storia dell’ arte Italiana. Vol. V. La Pittura dei Trecento e le sue origini. In-4°, xxi-1903 pages, avec 818 figures dans le texte.
(Milan, Hoepli 1907)
Compte rendu par Louise Pillion, Revue Archéologique t. 12 (4e série), 1908-2, p. 330
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Adolfo Venturi. Storia dell’ arte Italiana. Vol. V. La Pittura dei Trecento e le sue origini. Milan, Hoepli, 1907. In-4°, xxi-1903 pages, avec 818 figures dans le texte.


     M. Venturi mérite toute la reconnaissance des travailleurs pour avoir entrepris et pour conduire avec tant de vaillance cette œuvre immense qu’est une histoire générale de l’art italien. Les quatre volumes précédents, qui se sont succédé dans un délai très court, traitaient des débuts de l’art chrétien, de l’époque barbare, de l’époque romane, de la sculpture du XIVe siècle. L’auteur mène chacune de ces enquêtes avec une abondance d’informations, une acuité de sens critique, une chaleur communicative qui font oublier ce que certaines hypothèses ont parfois d’arbitraire, et l’illustration très riche de ces livres contribue encore à en faire d’indispensables instruments de travail. C’est aujourd’hui de la peinture du XIVe siècle qu’il s’agit et Giotto apparaît au centre de l’étude, à la fois comme un aboutissant et comme un point de départ. Ce moment de l’histoire de l’art vient d’être, en France, l’objet de deux travaux importants. On a parlé récemment ici même du Giotto de M. Bayet. Je voudrais, pour ma part, comparer sur quelques points, les conclusions de M. Venturi avec celles que M. Pératé formulait, simultanément, dans le t. II (première et seconde parties, 1907), de l’Histoire de l’art publiée sous la direction de M. André Michel. Disposant d’un espace beaucoup plus restreint, M. Pératé a su n’omettre rien d’essentiel et son étude est un modèle de belle tenue littéraire et de saine critique.

     Sur la question des origines de Giotto, sur le rôle de Cimabué et de Cavallini, nos deux auteurs concordent à peu près complètement. Notons cependant que M. Venturi attribue à Cavallini, appelé à Naples en 1308, les peintures de Santa-Maria di Donna Regina, ces fresques données jadis par M. Bertaux à l’école siennoise et où M. Pératé, qui leur assigne une date plus tardive que M. Venturi, ne voit qu’une influence, rapidement éliminée, du maître romain. En revanche, M. Pératé inclinerait « avec quelques bons juges » à reconnaître Cavallini dans le peintre de la Sainte Cécile des Offices que M. Venturi croit être un élève de Giotto : Buffalmacco. — Giotto lui-même entré en scène et devenu un maître, quelle part convient-il de faire, dans les œuvres qui lui sont le plus communément attribuées, à des collaborateurs qui durent être nombreux et dont quelques-uns, certainement, sortirent du rang des simples manœuvres? C’est ici que l’auteur italien va très loin : le partage qu’il fait entre trois ou quatre mains différentes des peintures de l’Arena, notamment, sera fort discuté et l’on savait déjà, par un article publié dans l’Arte en 1906, qu’il essayerait de retirer au maître, non seulement l’exécution, mais la conception même des voûtes du chœur de l’église basse d’Assise. M. Pératé se refuse à le suivre jusque là en l’absence de toute preuve, à inventer un autre Giotto, « un artiste capable de résumer tous ses dons en les animant d’une vie nouvelle sous l’inspiration franciscaine ». Parmi les victimes de M. Venturi figure le Saint François du Louvre, naguère brillamment défendu par M. Schubring (Zeitschrift für christliche Kunst, 1901) et à qui M. Pératé laisserait volontiers, sur la foi de Vasari, l’attribution traditionnelle. Plus heureuse est la Mort de la Vierge du musée Condé où M. Venturi voit l’œuvre de Giotto, aidé d’un élève. Une telle collaboration est-elle vraisemblable pour un si petit tableau ? En ce qui concerne les dates, M. Venturi place vers 1320, malgré le témoignage de Ghiberti, la tavola de Saint-Pierre et rejette également jusqu’aux dernières années de la vie de Giotto, la décoration de la chapelle du Podestat, placée par M. Pératé en novembre 1301. — Arrivant à Andrea Orcagna, M. Venturi ne lui laisse que le tableau d’autel de la chapelle Strozzi, tandis que toutes les fresques seraient dues à son frère Nardo. Il semble suffisant à M. Pératé d’attribuer à celui-ci, comme Vasari nous y incite, la peinture de l’Enfer. — Plus intéressante et d’une portée plus générale est la question des fresques du Triomphe de la mort, du Jugement, de la Vie des ana­chorètes au Campo-santo de Pise. M. Pératé, sacrifiant ici à un honorable scrupule ses chères amitiés siennoises et suivant l’opinion naguère émise par M. Supino, y voit l’œuvre du Pisan Traini, élève probable d’Orcagna, tandis que M. Venturi reconnaît, dans ces trois fresques, la main d’un élève de Lorenzetti. L’espace me manque pour pousser plus loin ces intéressantes confrontations. Notons, au passage, dans le relevé fait par M. Venturi de ce qui subsiste de peinture du XIVe siècle en Italie, les fresques de la salle capitulaire du couvent des dominicains à Trévise par ce Thomas de Modène qui fut au service de l’empereur Charles IV à Prague. Il y a là des figures de moines et de clercs lisant, écrivant, d’un caractère aigu et qui, à ce moment de l’art, ne semble pas purement Italien. Tommaso da Mutina aurait-il reçu, en Bohême, autant ou plus qu’il n’a donné ? M. Venturi le croit. La question serait fort intéressante à suivre de près en comparant aux peintures de Trévise les demi-figures d’évêques et de docteurs attribuées à Théodoric de Prague et qui, comme une tapisserie serrée, décorent les murailles de la chapelle de la Croix au château de Karlstein.

                                                                              Louise Pillion