Maurice, Jules: Numismatique constantinienne. Iconographie et chronologie ; description historique des émissions monétaires. Tome I, in-8° de clxxix-507 pages, et 23 planches hors texte.
(Paris, Leroux 1908)
Compte rendu par Paul Monceaux, Revue Archéologique t. 12 (4e série), 1908-2, p. 428-430
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Maurice (Jules). Numismatique constantinienne. Iconographie et chronologie ; description historique des émissions monétaires. Tome I, in-8° de clxxix-507 pages, et 23 planches hors texte. Paris, Leroux, 1908.


        M. Jules Maurice s’est voué depuis bien des années à l’étude de la numismatique constantinienne. Il a complètement renouvelé la question par l’étendue de ses recherches, par la méthode qu’il a inaugurée, par l’idée très féconde qu’il a eue de chercher toujours le rapport des monnaies avec les événements historiques et les textes de cette période. Sur tous les ateliers monétaires qui fonctionnèrent alors, il a publié des monographies précises et complètes, qui ont été accueillies avec empressement par les principales Revues numismatiques de l’Europe. Il s’est décidé à réunir toutes ces monographies, ou plutôt, à les fondre dans un ouvrage d’ensemble, synthèse de ses multiples travaux. Cet ouvrage, dont le premier volume vient de paraître, deviendra vite classique dans le monde des numismates ; mais il mérite également d’être signalé aux historiens, aux archéologues et au public lettré.

       Ce premier volume se compose de trois parties. D’abord, une grande Introduction de près de deux cents pages où l’auteur étudie tour à tour l’administration des monnaies à l’époque constantinienne, l’anatomie de la monnaie pendant cette période, les espèces monétaires, la chronologie, les généalogies impériales. Le chapitre sur la chronologie a une importance toute particulière. L’auteur s’est proposé d’y contrôler par l’étude des monnaies toute la chronologie de cette période. De 305 à 337, année par année, il suit l’histoire du temps, enregistrant avec soin tous les événements qui sont connus par les textes ou les médailles. Sur beaucoup de points, il a pu rectifier ou compléter cette histoire : bien des faits, omis ou déformés par les historiens, sont révélés ou précisés par l’examen parallèle des émissions monétaires. On voit tout l’intérêt que présente cette enquête pour les érudits qui s’occupent de la période constantinienne. M. Maurice leur fournit à tous une base solide. Il apporte même des indications utiles à l’histoire littéraire. Il nous aide à apprécier la valeur relative des témoignages contemporains. Il nous démontre par exemple, que Lactance, dans son pamphlet De mortibus persecutorum, est merveilleusement informé du détail des faits et qu’on a eu tort de contester son autorité : un coup d’œil sur les légendes monétaires nous renseigne beaucoup mieux, sur la valeur objective du De mortibus, que toutes les dissertations des humanistes sur la « véracité » de Lactance.

       La seconde partie renferme une étude très curieuse et très neuve sur l’iconographie des empereurs romains à la fin du IIIe siècle et au début du IVe. La question était, jusqu’ici, fort obscure. En désespoir de cause, les numismates avaient fini par admettre que les effigies monétaires de cette catégorie n’étaient pas des portraits réels. M. Maurice a trouvé la clef de l’énigme. Il explique fort bien la raison de ces substitutions d’effigies qui déconcertaient les numismates : « Le fait, dit-il, le fait particulier et capital, à l’époque qui nous occupe, est la frappe de monnaies aux noms d’un empereur régnant, inscrits autour de l’effigie d’un autre prince, son corégent et son allié. Quelque extraordinaire que paraisse ce fait, qui explique le plus grand l’ombre des substitutions d’effigies ; il fut la conséquence de l’organisation de l’Empire par Dioclétien sur une base nouvelle... Les empereurs se considérant comme des collègues associés, chacun d’eux émettait des monnaies, non seulement à son nom, mais aux noms de ses corégents : les échanges commerciaux et l’unité fictive de l’Empire l’exigeaient. Mais la chancellerie de l’un ne possédait pas les effigies de ses corégents ; et il eût fallu, pour que celle d’un Auguste ou d’un César parvînt dans les ateliers de l’autre Auguste ou de l’autre César, un véritable acte diplomatique, c’est-à-dire un échange de cette effigie entre deux chancelleries, ou, si l’on aime mieux, entre deux administrations centrales des monnaies. Or, cet échange ne fut pas constant entre les princes dont les rapports étaient limités. Les ateliers monétaires se trouvèrent dans la nécessité de frapper des pièces aux noms d’empereurs dont il [sic] n’avaient pas reçu les effigies. Ils leur attribuèrent celles qu’il [sic] possédaient. C’est ce qui produisit les substitutions d’effigies, innombrables à cette époque. On trouve l’effigie personnelle d’un empereur de l’époque qui nous occupe sur les monnaies et médailles frappées à son nom dans les ateliers qui lui appartenaient en propre depuis un temps suffisant pour que l’on ait pu renouveler les coins de l’atelier » (p. 4-6). — ­Armé de ces principes, M, Maurice a pu identifier les effigies, et déterminer quels sont les portraits authentiques des empereurs de celte période. Il a reconstitué ainsi toute la galerie des portraits impériaux ou princiers : Dioclétien (planche I) ; Maximien Hercule (pl. II) ; Constance Chlore (pl. III) ; Galère (pl. IV) ; Sévère II (pl. V) ; Maximin Daza (pl. VI) ; Valérie [sic], Maxence et Romulus (pl. VII) ; Hélène et Constantin (pl. VIII-IX) ; Alexandre et les deux Licinius (pl. X) ; Crispus, Fausta, Delmatius et Hannibalianus (pl. XI) ; Constantin II (pl. XII) ; Constance II (pl. XIII-XIV) ; Constant Ier (pl. XV-XVI). Il est à noter que pour ces personnages, là où la comparaison est possible, le témoignage plastique des monnaies s’accorde entièrement avec les portraits tracés par Lactance et autres écrivains du temps.

       Dans sa troisième partie, M. Maurice commence l’étude détaillée des divers ateliers monétaires : ateliers de Rome (p. 163 et pl. XVII) ; d’Ostie (p. 263 et pl. XIX) ; d’Aquilée (p. 289 et pl. XX) ; de Carthage (p. 339 et pl. XXI) ; de Trèves (p. 370 et pl. XXII-XXIII). Nous laissons aux numismates le soin d’apprécier cette partie du travail de M. Maurice. Nous avons voulu surtout indiquer l’intérêt que présente son livre pour la chronologie et l’iconographie des empereurs contemporains de Dioclétien ou de Constantin.

                                                                              Paul Monceaux