Pillion, Louise: Les Portails latéraux de la Cathédrale de Rouen. In-8, viii + 250 pp. et 69 fig.
(Paris 1907)
Compte rendu par J. Laran, Revue Archéologique t. 12 (4e série), 1908-2, p. 430-431
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Mlle Louise Pillion. Les Portails latéraux de la Cathédrale de Rouen. Paris, 1907, in-8, viii + 250 pp. et 69 fig.


        Cet ouvrage, qui a valu à son auteur le diplôme de l’École du Louvre et un prix de l’Institut, est connu, au moins en partie, des lecteurs de la Revue archéologique puisqu’ils ont eu ici-même la primeur d’un de ses chapitres (1). Dans l’ensemble du travail sont décrits et très heureusement commentés tous les petits bas-reliefs, inscrits dans des quatre-feuilles, qui tapissent le soubassement du portail de la Calende et du portail des Libraires. Ces charmantes sculptures, jusqu’alors trop négligées des historiens, restaient presque totalement inintelligibles pour nous. Mlle Pillion, en retrouvant autant qu’il était possible leur signification, a fait mieux que rendre la vie à cette partie du monument et que fournir une importante contribution à la monographie que la cathédrale de Rouen mérite d’avoir un jour. Son étude sera indispensable aussi à tous ceux qui poursuivent des recherches sur l’iconographie du moyen âge. Les sculpteurs de Rouen ont traité avec une prolixité sans autre exemple et avec un souci nouveau de l’anecdote et du pittoresque des motifs comme les histoires de Jacob, de Joseph, de Job, de Judith. La parabole du Mauvais Riche, qui tenait à l’aise, cent ans auparavant, sur un chapiteau des cloîtres d’Elne ou de Moissac, se développe ici en vingt tableaux. Cette riche matière est enrichie encore par les commentaires de l’auteur sur les sources d’inspiration, par des comparaisons avec des sculptures, des manuscrits, des vitraux et des ivoires. L’index et les tables qui terminent ce répertoire en rendent le maniement très commode.

       Dans la partie proprement archéologique du mémoire, l’auteur s’efforce de situer très exactement les sculptures de Rouen dans la série des bas-reliefs analogues, en France et à l’Étranger. Le seul texte que l’on pût utiliser indique seulement que l’archevêque songeait en 1280 à édifier la porte des Libraires. Il était donc nécessaire, pour dater l’exécution même, de recourir aux comparaisons techniques. Elles fournissent ici des conclusions presque trop rigoureuses. On peut toujours en effet se demander si des nuances de style suffisent à préciser l’ordre de succession des travaux. A quel résultat invraisemblable nous entraînerait l’application de ce principe si nous opposions, par exemple, devant l’Arc de l’Étoile, les sculptures de Rude à celles d’Etex ; devant l’Opéra, le groupe de Carpeaux à ceux de Perraud ou de Guillaume ! Ce n’est pas trop de toute la prudence de Mlle Pillion pour éviter les dangers de cette méthode. Ce qui reste incontestablement acquis de son travail, c’est que les bas-reliefs de Rouen sont du dernier quart du XIIIe siècle : postérieurs à ceux du portail sud de Paris, antérieurs à ceux de Lyon, ils précèdent de loin les fameuses portes du baptistère de Pise, qui leur ressemblent à plus d’un titre. Ce n’est pas le moindre intérêt du travail que nous venons d’analyser que d’avoir attiré l’attention sur un des ancêtres gothiques immédiats de cette Renaissance italienne, où l’on ne vit longtemps qu’un retour aux formes et aux principes de l’Antiquité.

                                                                                  J. Laran

 

(1) Revue archéologique, 1905, p. 71 et 384.