Bulle, H.: Orchomenos. I. Die älteren Ansiedelungsschichten (Extrait des Abhandlungen d. Bayer. Akademie, XXIV). In-4, 129 p., avec 30 planches et 38 figures.
(Munich 1907)
Compte rendu par A.-J. Reinach, Revue Archéologique t. 11 (4e série), 1908-1, p. 142-143
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H. Bulle. Orchomenos. I. Die älteren Ansiedelungsschichten (Extrait des Abhandlungen d. Bayer. Akademie, XXIV). Munich, 1907. In-4, 129 p[.], avec 30 planches et 38 figures.


        En 1880-81 et en 1886, Schliemann avait commencé des fouilles autour de la tombe à coupole, au pied de l’Akontion, et devant le kastro qui s’élève au sommet de la hauteur d’Orchomène ; en 1893, M. de Ridder avait rouvert des tranchées tant sur la hauteur, où il mit au jour les restes d’un temple dorique d’Asklépios, qu’au pied nord-ouest de la colline, près de la source du Mélas. Là était un petit sanctuaire où, au milieu de poteries béotiennes des VIIe et VIe siècles, il ne trouva qu’un fragment de vase mycénien. De nombreuses traces de la ville byzantine se révélaient partout sous la pioche, particulièrement autour de l’église qui parait occuper l’emplacement du temple des Charites. Cette ville byzantine doit avoir absorbé complètement la ville hellénique et gréco-romaine ; mais on pouvait conserver l’espoir de découvrir, dans les couches profondes, la cité minyenne cherchée en vain par Schliemann. Tel a été le but des fouilles poursuivies en 1903 et en 1905 sous la direction de Furtwaengler ; c’est le résultat de cette minutieuse exploration des couches primitives qu’expose ce premier fascicule, dû à son collaborateur H. Bulle.

        Sur la roche dure, dans une épaisseur de terre qui varie d’1 à 5 m., on retrouve les traces de quatre établissements pré-béotiens. Deux sont pré-mycéniens ; 1° l’établissement que marquent des huttes rondes formées d’une couronne de pierres plates, large en moyenne d’1 m. pour une hauteur qui va de 0,30 à 0,80, sur laquelle un mur en briques crues s’élève en coupole jusqu’à 2 m. du sol. Ce sont ces huttes, analogues à celles qu’ont étudiées Delitzsch dans le Kurdistan et Frobenius dans le Soudan, ou à celles que les Valaques élèvent encore aujourd’hui en Grèce, qui seraient l’origine du type d’habitation dont la tombe à coupole conservait le souvenir. M. B. a profité de ses découvertes pour donner de l’évolution de ce type une élude détaillée. – 2° L’établissement qui, vers le début du 2e millénaire, paraît avoir succédé à celui des huttes rondes, est marqué par des alignements de trous circulaires, à parois d’argile battue, dont la largeur et la profondeur varient de 0,60 à 0,90, pleins de cendres et de débris d’ossements qui ont subi l’action du feu. M. B. applique à ces trous, analogues à ceux qu’on retrouve dans les fondi di capanne d’Italie et dans les plus anciennes couches de nos oppida, le nom de βόθροι πρὸς θυσίας ; il y voit les excavations où l’on sacrifiait à la façon d’Ulysse évoquant les morts. Sans doute, il a raison d’insister sur le caractère sacré de la cendre ; mais lorsqu’on voit deux ou trois de ces bothroi creusés côte à côte au centre de grandes huttes ovales, il est difficile d’y reconnaître autre chose que des foyers ouverts successivement, le respect religieux de la cendre empêchant de bouleverser et de niveler l’ancien foyer chaque fois qu’on en creusait un nouveau.

        C’est à cette couche des bothroi que serait venu se superposer, entre 1700 et 1500, le plus ancien des deux établissements mycéniens. Les petites maisons à murs droits, divisées le plus souvent en une grande pièce centrale, prototype du megaron, et deux petites chambres latérales, avec cour pavée, foyer plat et grands pithoi gris ou jaunes, ont remplacé les huttes rondes ou ovales, à foyer creux central et sans cloisons. L’analyse des débris végétaux révèle un degré assez avancé de culture ; orge, blé, pois, vigne. Quant aux tombes, elles appartiennent à ce type dit des Hockergraeber qu’on retrouve dans les établissements proto-mycéniens de Siphnos, de Syra et de Crète, comme en Egypte, en Espagne et dans le nord-ouest de l’Europe : le mort, enfermé dans un coffret en pierre ou en terre d’environ 0,30 à 0,50 de large sur 1 m. à 1m,40 de long, est couché sur le côté gauche, la tête au sud, les membres repliés dans la position qu’on a appelée embryonnaire (en supposant que le défunt devait prendre dans le sein de la terre la position qu’il occupait dans le sein maternel). Les découvertes d’Orchomène semblent établir que cette contraction des membres ne pouvait s’obtenir qu’au moyen de fortes attaches ; on ne se bornait pas à empêcher ainsi tout mouvement et tout retour possible, mais on enterrait le mort dans la cour, ou même dans la maison, et l’on construisait sans scrupule au dessus de sa sépulture, usage qui ne peut guère s’accorder avec un culte de la tombe tel que l’a supposé Fustel. Mais ce culte apparait nettement dans la 2e époque mycénienne, avec les tombes à coupole. Les nouvelles fouilles n’ont pas été, à l’égard de ces constructions, plus heureuses que les précédentes et l’on ne connaît toujours que la célèbre tholos de 13,60 de haut sur 14,20 de large, si malheureusement écroulée. La grande salle précédée d’une petite antichambre, où l’on avait cru découvrir les vestiges du palais contemporain de la tholos, s’est trouvée, après mûr examen, appartenir à un temple grec du VIIe ou du VIe siècle. Cependant l’existence de ce palais mycénien et d’autres bâtiments de la même époque a été mise hors de doute par la découverte de plusieurs dépôts de fragments de ces stuccatures peintes dont les Mycéniens aimaient tant à orner leurs maisons : portion d’un édifice percé de fenêtres et flanqué d’une tour, alignement d’hommes sur un mur, char attelé, un couple de sauteurs de taureau, rosaces et palmettes, cercles et spirales, enfin toute l’ornementation qu’ont fait connaître les fouilles de Mélos et de Knossos. La description détaillée des objets recueillis sera l’objet du fascicule suivant. Dès maintenant, ces fouilles d’Orchomène, complétées par quelques sondages dans les localités voisines, Tsamali, Polyjira, Pyrgo (Tegyra), Magula (Délos du Copaïs), qui n’ont fait qu’en confirmer les résultats, permettent de diviser en quatre périodes l’histoire des établissements préhelléniques d’Orchomène et constituent ainsi un cadre précieux pour les recherches à venir.

A[dolphe]-J[oseph] Reinach