Saladin, H. - Migeon, G.: Manuel d’art musulman. Tome I, l’Architecture. Tome II, les Arts plastiques et industriels. 2 vol. in-8 de xxiii-596, lxxxiii-477 p., avec 420 et 376 gravures dans le texte.
(Paris, Picard 1907)
Compte rendu par Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 11 (4e série), 1908-1, p. 308-309
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H. Saladin et G. Migeon. Manuel d’art musulman. Tome I, l’Architecture. Tome II, les Arts plastiques et industriels. Paris, Picard, 1907. 2 vol. in-8 de xxiii-596, lxxxiii-477 p., avec 420 et 376 gravures dans le texte.


     La publication, par deux spécialistes réputés, de ce Manuel a été presque un événement dans nos études, tant il était difficile, jusqu’à présent, d’embrasser d’un seul coup d’œil les manifestations si variées d’un art qui a dispersé ses monuments depuis les rivages de l’Atlantique jusqu’à ceux du Pacifique, à travers l’Europe, l’Afrique et l’Asie. Aujourd’hui que les archéologues sont en possession de cet instrument de travail, les recherches spéciales se multiplieront et seront sans doute plus fécondes ; ce n’est point une mince satisfaction de penser que la France, grande puissance musulmane, a donné la première à l’archéologie islamiques un vade-mecum indispensable à ses progrès.

     Le tome 1er, consacré à l’architecture, est dû à M. Saladin ; il étudie en dix chapitres les origines de l’art musulman, puis les cinq grandes écoles égypto-syrienne, mogrébine, persane, ottomane et indoue. Chacun de ces chapitres comprend une revue succincte, mais précise et excellemment illustrée, des éléments des monuments, de leurs types, de leurs matériaux, de leur décoration, de leur destination religieuse, civile ou militaire. Un index très complet facilite l’usage de ce répertoire, dont l’on voudrait seulement que la rédaction fût parfois plus claire et plus châtiée. L’auteur, architecte éminent, devrait faire relire son livre, en vue d’une édition nouvelle, par un écrivain sévère et même un peu pédant, dont les retouches, en apparence insignifiantes, ajouteraient beaucoup à la valeur de l’ensemble.

     L’auteur du tome II, M. Migeon, avait à remplir une tâche très difficile, vu l’extrême dispersion des monuments, leur grand nombre et la complexité des influences qu’ils ont tour à tour subies et exercées. Il a successivement étudié les différentes formes de l’art dans les pays de l’Islam, adoptant, avec raison, une classification par genres au lieu d’une classification géographique (peinture, miniature, sculpture, bois, ivoires, orfèvrerie, monnaies, cuivres, bronzes, armes, céramique, verrerie, tissus, tapis). Une introduction donne les détails essentiels sur l’extension historique et les caractères des civilisations musulmanes ; peut-être eût-il fallu, à la suite de cet exposé, développer quelques idées générales sur l’originalité des arts musulmans et leur dépendance à l’égard des arts populaires dans les régions où l’Islam a triomphé. Je recommande particulièrement le chapitre relatif à la céramique, sujet obscur et mal débrouillé s’il en fut, où M. Migeon, disposant d’un grand nombre de documents inédits et servi par une connaissance étendue des collections publiques et privées, a tracé des cadres qui ne prétendent nullement être définitifs, mais dont l’existence même devient un bienfait pour ces études. Il n’est pas besoin d’être prophète pour prédire aux produits de la céramique de l’Islam, en particulier à ceux de la Perse, une vogue comparable à celle dont les céramiques de la Grèce, de l’Italie et de la Chine ont joui, à juste titre, au XIXe siècle. Nombre de ces vases ne sont pas seulement des spécimens infiniment curieux d’une industrie raffinée, mais des chefs-d’œuvre tout court. M. Migeon a droit à l’estime des spécialistes et à la gratitude de tous les amateurs du beau, dont il a accru les jouissances et élargi l’horizon.

                                                                 S[alomon] R[einach]