Strzygowski, J.: Kleinarmenische Miniaturenmalerei. Die Miniaturen des Tübinger Evangeliars MA. XIII, I vom Jahre 1113 bezw. 893 n. Chr. (Veröffentlichungen der K. Universitätsbibliothek zu Tübingen. I Atlas zum Katalog der armenischen Handschriften). 4°, p. 1-27 (4 planches dont deux en couleur et 11 figures).
(Tübingen 1907)
Compte rendu par Louis Bréhier, Revue Archéologique t. 10 (4e série), 1907-2, p. 346-347
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J. Strzygowski. — Kleinarmenische Miniaturenmalerei. Die Miniaturen des Tübinger Evangeliars MA. XIII, I vom Jahre 1113 bezw. 893 n. Chr. (Veröffentlichungen der K. Universitätsbibliothek zu Tübingen. I Atlas zum Katalog der armenischen Handschriften). — Tübingen, 1907, 4°, p. 1-27 (4 planches dont deux en couleur et 11 figures).


 


Suivant une notice autrefois annexée au manuscrit et dont la copie a été conservée, l’Évangéliaire de Tübingen fut composé en 1113 au monastère de Drasark en Cilicie d’après un modèle daté de 893 mais qui n’était lui-même que la copie d’un prototype plus ancien. Les miniatures qui ont échappé à la destruction (trois portraits d’évangélistes, trois ornements accompagnés d’initiales au début de chaque Évangile, une centaine de petites initiales) apportent donc une contribution importante à l’histoire des origines de l’art arménien. Par une analyse minutieuse, M. Strzygowski retrouve dans ces peintures les éléments de l’art persan mésopotamien dont l’action apparaît de plus en plus comme importante. Le peintre du manuscrit de Tübingen est avant tout un coloriste et un ornemaniste. Bien qu’il ait peint des figures et qu’il les ait encadrées par des motifs d’architecture, il n’a aucun sens du relief et les constructions qui forment le fond de ses tableaux ont un caractère tout chimérique. Les toits dont il surmonte ses tours ne coïncident pas avec la ligne des murailles. Les traits de ses personnages sont stéréotypés ; les plis de leurs vêtements montrent des séries de lignes concentriques comme on en voit dans la sculpture romane du XIIe siècle ; ses animaux évangéliques sont stylisés à la mode orientale et le lion ailé de St. Marc porte sur ses cuisses les deux rouelles qu’on retrouve sur les animaux des étoffes sassanides. La couleur est d’une richesse incomparable ; les bandes d’ornements qui surmontent les titres des Évangiles ressemblent à des tapis persans. L’artiste semble avoir pris plaisir à multiplier sans nécessité tous les tons dont il disposait ; il orne par exemple la coupole d’une tour de quatre nuances différentes (pl. VII). La richesse des ornements n’est pas moins grande et les éléments dont ils se composent trahissent l’origine mésopotamienne de cet art ; on en retrouve plusieurs sur la façade de Mschatta. Ce sont les entrelacs composés d’une torsade régulière ou formés au contraire d’une variété presque confuse de lignes entrelacées, les feuilles en forme de cœur, les palmettes ou demi-palmettes dont sont formées la plupart des initiales, les rosettes, les zigzags etc... On y trouve aussi l’arc outrepassé (pl. X) et les treillages en losanges ornés des dessins les plus divers. Les éléments helléniques sont devenus dans cet art presque imperceptibles et sont en quelque sorte noyés sous les formes purement orientales. Le monastère de Drasark a eu un rôle important dans le royaume de Petite-Arménie à l’époque des croisades. Il était le centre religieux et intellectuel de cet îlot chrétien perdu au milieu du monde musulman. Séparée des influences byzantines par l’empire des Seldjoucides, la Cilicie était au contraire le point de départ des routes vers l’Asie centrale. Antioche, Edesse, Nisibe, voilà les centres qui furent les intermédiaires entre elle et la Perse. Le manuscrit de Tübingen montre ainsi la diffusion vers l’ouest d’un art mésopotamien complètement étranger aux formules helléniques. 

                                               L[ouis] B[réhier]