Guignebert, Ch.: Manuel d’histoire ancienne du christianisme. — Les origines. 1 vol. in-16 de xxiii, 549 pages.
(Paris, Alphonse Picard 1906)
Compte rendu par Paul Monceaux, Revue Archéologique t. 9 (4e série), 1907-1, p. 476-477
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Ch. Guignebert. — Manuel d’histoire ancienne du christianisme. — Les origines. 1 vol. in-16 de xxiii — 549 pages. — Paris, Alphonse Picard, 1906.


         Jamais l’exégèse biblique et les études sur le christianisme primitif n’ont été plus florissantes que de nos jours ; et, cependant, jamais peut-être le public lettré n’a été plus ignorant de ces recherches et des résultats obtenus. Cela tient surtout à ce que nous n’avions pas jusqu’ici, du moins en français, de livre relativement court, et vraiment critique, qui facilitât l’accès de ce domaine. Aussi faut-il remercier M. Guignebert d’avoir entrepris de nous donner un Manuel d’histoire ancienne du christianisme

          Les premières ligues de l’Avertissement marquent bien l’intention de l’auteur et le caractère de l’ouvrage : « Ce livre ne prétend ni à l’érudition ni à l’originalité ; il ne s’adresse pas aux savants, mais seulement aux hommes de bonne volonté que les questions chrétiennes attirent, et qui ne savent trop comment les aborder. Le grand public français s’est habitué à ne voir dans le christianisme que matière à prédication ou à polémique ; il s’est détourné de sa véritable histoire, sans porter attention aux efforts patients des érudits qui la construisaient, et aujourd’hui il l’ignore, d’une ignorance profonde et scandaleuse. Ce manuel purement laïque aura atteint son but, s’il contribue à la dissiper » (p. i).

          Le présent volume est consacré aux Origines, et conduit l’histoire du christianisme jusque vers la fin du Ier siècle. Dans une Introduction (p. xi), qui suit un Index bibliographique (p. v), l’auteur cherche à expliquer les antécédents et la première évolution de la religion du Christ, son conflit avec l’Etat, les causes et les conséquences de son triomphe. Puis il étudie les sources de l’histoire ancienne du christianisme (chap. I), le judaïsme palestinien au temps de Jésus (chap. II), le judaïsme de la diaspora (chap. III), l’état moral et religieux du monde gréco-romain (chap. IV), les faits de la vie de Jésus (chap. V), et son enseignement (chap. VI), l’Eglise judaïque de Jérusalem (chap. VII), la vie et les missions de Paul (chap. VIII), sa doctrine et ses Eglises (chap. IX), l’influence de la spéculation juive (chap. X), les Eglises judéo-chrétiennes (chap. XI), l’Eglise de Rome (chap. XII), l’Église à la fin du Ier siècle (chap. XIII). Suivent un Index analytique (p. 525) et une Table des matières très détaillée.  

          L’ouvrage, qui est plein de choses et de vues intéressantes, n’est pas un manuel des Antiquités chrétiennes, puisque l’auteur paraît vouloir laisser de côté l’archéologie et l’épigraphie. Ce n’est même pas, au sens précis du mot, un « manuel », puisque l’interprétation et la discussion y tiennent plus de place que l’exposé des faits. C’est plutôt l’esquisse d’une Histoire ancienne du christianisme: esquisse déjà développée par endroits, surtout en ce qui concerne les origines juives, mais forcément incomplète. La matière était si riche, et si confuse, qu’il fallait bien faire un choix parmi les questions et les hypothèses. En somme, M. Guignebert s’est tiré habilement de la difficulté, et il donne une idée juste de l’état des problèmes. Il est très bien informé. Il n’hésite pas à prendre parti sur des points délicats, mais s’efforce sincèrement d’être impartial. Assurément, il n’est pas l’homme de la tradition, ni même des solutions moyennes, auxquelles il préfère d’instinct les hypothèses hardies, parfois aventureuses : ardent néophyte, il ne résiste point aux griseries de l’exégèse. En tout cas, et c’est l’essentiel, son livre est très suggestif: il ouvre au public français un nouveau domaine, et sera pour bien des lecteurs une révélation. Souhaitons maintenant que l’auteur ne fasse pas trop attendre son second volume : avec le IIe siècle, on sort de l’hypothèse pour entrer dans l’histoire. 

P[aul] M[onceaux]