Bréal, Michel: Pour mieux connaître Homère. 1 vol. in-8 de viii-309 pages.
(Paris, Hachette 1906)
Compte rendu par Paul Monceaux, Revue Archéologique t. 9 (4e série), 1907-1, p. 480
Site officiel de la Revue archéologique
 
Nombre de mots : 482 mots
 
Citation de la version en ligne : Les comptes rendus HISTARA.
Lien : http://histara.sorbonne.fr/ar.php?cr=1235
 
 

Michel Bréal. — Pour mieux connaître Homère, 1 vol. in-8 de viii-309 pages. Paris, Hachette, 1906.


          La question homérique est décidément comme la tapisserie de Pénélope. Après avoir étudié pendant un demi-siècle l’Iliade et l’Odyssée, M. Michel Bréal estime que tout est à recommencer. Et il nous donne ses raisons dans un petit livre aussi curieux que savant, en sept chapitres. Il pose d’abord nettement le problème (chap. i). Puis il se demande ce qu’est l’Iliade (chap. ii). Il recueille les indications sur le temps et le lieu (chap. iii-iv). Il analyse finement la langue d’Homère (chap. v), et la composition de l’Iliade (chap. vi). Il montre la fragilité des hypothèses de la critique moderne (chap. vii). La seconde moitié du livre, toute philologique, sous le nom de Lexilogus, contient une série de notes fort érudites et ingénieuses sur divers termes homériques.

          Voici, en quelques mots, la thèse de M. Bréal. Les poèmes homériques ont été composés au milieu d’une société déjà complexe et fort avancée, qui connaissait depuis longtemps l’écriture, la sculpture, la peinture, les arts industriels, la monnaie : c’est ce que prouvent plusieurs passages de ces poèmes, et les découvertes récentes de l’archéologie, notamment celles de Cnosse. L’Iliade et l’Odyssée ne présentent aucun des caractères de la poésie populaire. Que l’on considère le fond ou la forme, la langue ou la versification, c’est une poésie savante. Tout ce qui constitue le monde grec de la période classique se trouve déjà dans les poèmes homériques. Ces poèmes renferment des éléments très divers, et même contradictoires. Ils peignent une antiquité de convention et d’imagination ; mais ils trahissent souvent l’influence du milieu réel, où était très développé le goût du luxe, même de l’art. Ils ont été composés pour un monde aristocratique, très instruit, raffiné, chevaleresque ; après bien d’autres poèmes, et sans doute vers le début du VIIe siècle, à la cour de Lydie. Ils étaient destinés à être récités dans des fêtes ou des concours. Ils sont l’œuvre collective de quelque corporation religieuse. Il y a eu, d’ailleurs, un poème primitif, écrit par un des membres de la corporation, puis recueilli, agrandi, complété par ses confrères et ses successeurs.

          Telle serait la conclusion de l’auteur, si l’on pouvait parler ici de conclusion : car tout cela est indiqué discrètement, à titre d’hypothèse, souvent à demi-mot, mais toujours après de solides arguments. Nous signalerons notamment les observations très pénétrantes et neuves sur les caractères de la langue homérique. 

          Assurément, les idées de M. Bréal s’écartent beaucoup des idées courantes. Nous ne savons s’il a raison. Mais ses arguments devront être pris en sérieuse considération. Le procès d’Homère est à reviser une fois de plus, comme toute l’histoire des origines helléniques, depuis les découvertes de Crète.

P[aul] M[onceaux]