Thédenat, Henry: Les villes d’art célèbres. Pompéi. Tome Ι. Histoire, Vie privée. Tome ΙΙ. Vie publique, 8°. 144 et 161 pages, 200 figures dans le texte. Plan d’ensemble à la fin du tome Ι.
(Paris, Laurens )
Compte rendu par Georges Perrot, Revue Archéologique t. 8 (4e série), 1906-2, p. 329-331
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Les villes d’art célèbres. Henry Thédenat. Pompéi. Tome Ι. Histoire, Vie privée. Tome ΙΙ. Vie publique, 8°. Laurens. 144 et 161 pages, 200 figures dans le texte. Plan d’ensemble à la fin du tome Ι.


C’est une collection à la fois utile et charmante que celle des Villes d’art célèbres, créée par l’éditeur Laurens. Vingt-et-une de ces villes ont déjà paru. Plusieurs d’entre elles sont signées de noms qui suffisent à les recommander, grâce à la notoriété qu’ils doivent déjà à d’autres travaux. Il suffira de citer Le Caire, par Gustave Migeon, Florence, par Gebhart, Milan, par Pierre Gau­thiez, Moscou, par Louis Léger, Nancy, par André Hallays, Ravenne, par Charles Diehl, Rome, par Berteaux, Rouen, par Enlart, Tours et les châteaux de la Loire, par Vitry, Venise, par Gusman, Versailles, par Pératé. L’aspect de ces légers volumes, faciles à manier, est des plus agréables. Ils sont très bien imprimés, sur un beau papier qui se prête à un excellent tirage pour les illustrations. Très nombreuses, celles-ci ont été choisies avec beaucoup de goût et ne font pas le moindre attrait de ces livres.

Les lecteurs de ces études ne se doutent certainement pas de l’effort que cha­cune d’elles représente. Il y a là des dessous dont la profondeur et la solidité ne se laissent pas aisément mesurer par ceux qui n’ont pas fait pour leur propre compte l’épreuve d’un travail de ce genre. On lit avec plaisir ces pages aimables et coulantes. Point de notes au bas des pages. Aucun appareil d’érudition ; mais pour réussir à éviter toute inexactitude, que de recherches il a fallu pour­suivre et sur place et dans les livres ! Ne fût-ce que pour arriver à faire, entre tant de détails historiques et tant de monuments, le départ de ceux que l’on donnerait parce qu’ils sont d’un intérêt capital, et de ceux que l’on sacrifierait pour se renfermer dans les étroites limites imposées par le plan même de la publication, la peine a été grande.

Parmi ces essais, s’il en est un qui justifie ces réflexions, c’est bien celui que Μ. Thédenat, membre de l’Académie des inscriptions, vient de consacrer à Pompéi. C’est le fruit d’une étude très prolongée et très consciencieuse, de recherches qui ont été poursuivies, pendant plusieurs mois, dans les ruines mêmes de la ville et au musée de Naples, puis complétées ensuite et contrôlées par l’étude des textes anciens qui ont trait à Pompéi et des relations de fouilles où, de 1748 à l’heure présente, on peut retrouver la trace de dispositions et de peintures qui, depuis lors, ont disparu. L’auteur n’a pas non plus négligé de consulter les principaux ouvrages d’ensemble. Les descriptions générales qui ont précédé la sienne, depuis celle de Mazois jusqu’à celle de Mau, son devancier immédiat, pour lequel il professe une estime toute particulière. Α la suite de son second cahier, on trouvera une bibliographie sommaire qui, en deux pages, indique tout ce qui a vraiment quelque importance.

L’ouvrage s’ouvre par l’histoire de la ville. Le chapitre I a pour titre Avant la catastrophe. Le site y est décrit avec une sobriété qui n’exclut pas la couleur ; ensuite, après avoir rappelé comment Pompéi avait été successivement une ville osque, puis samnite, pour recevoir ensuite, de Sylla, des colons romains, après avoir donné une idée de sa constitution municipale et de ses mœurs électorales, il esquisse un tableau très bien venu de la prospérité dont jouissaient, au premier siècle de l’empire, toutes ces cités riveraines du merveilleux golfe de Naples. Dans le chapitre ΙΙ, La Catastrophe, Μ. Th. commence par insister sur le tremblement de terre de l’an 63 après J.-C. ; il montre com­ment, par l’effet de ce désastre, les plus anciennes constructions de la ville ont dû être pour la plupart détruites. C’est une ville en très grande partie recons­truite pendant les seize années qui ont précédé l’éruption de 79 que nous ont conservée les cendres du Vésuve. Vient alors, tel que le donne la célèbre lettre de Pline le jeune, le récit de cette éruption et de l’ensevelissement final. D’après ce document précieux, d’après l’aspect et le nombre des cadavres retrouvés comme d’après le relevé des endroits où ils ont été ramassés, on peut se faire une idée de ce qui se passa quand les cendres s’abattirent sur la ville, du tra­gique de cette journée et des circonstances qui permirent la fuite au gros de la population. Le chapitre III, Αprès la catastrophe, montre les survivants occu­pés, lorsque le volcan fut entré en repos, à fouiller les décombres de leurs mai­sons, pour en retirer les objets de prix que l’on savait y avoir laissés ; il explique comment on dut renoncer à reconstruire et à habiter la ville ensevelie sous une trop épaisse couche de cendres et comment, avec le temps, on finit par en oublier jusqu’au site et au nom même. Vient ensuite le récit de la découverte et celui des fouilles qui, après bien des interruptions du travail et des lenteurs, ont mis Pompéi dans l’état où nous le voyons aujourd’hui, état qui est décrit à grands traits dans le chapitre IV par lequel se termine cette partie historique, Α vol d’oiseau.

La seconde partie a pour titre : Vie privée, maisons, villas, tombeaux. Elle comprend neuf chapitres : Ι. L’architecture ; ΙΙ. La maison pompéienne ; ΙΙΙ. Les différentes parties de la maison pompéienne : La partie latine, le vestibule, les portes, les fauces, l’atrium ; IV. Les différentes parties de la maison pompéienne (suite). La partie grecque : le péristyle, le triclinium, l’œcus, l’exedra. Le jardin, les communs, le premier étage ; V. La décoration. Les différentes périodes de la peinture ; VI. Les peintures ; VΙΙ. La sculpture ; VIII. Le mobi­lier, l’argenterie, les ustensiles, les bijoux ; ΙΧ. La voie des tombeaux. Les vil­las suburbaines.

Nous signalerons, dans cette partie, comme très important pour qui veut étu­dier dans quelque détail la décoration pompéienne, les pages qui ont trait aux « différentes périodes de la peinture ». On trouvera là, résumées avec précision et expliquées par des exemples bien choisis, les observations et les théories de Μ. Mau, le savant qui connaît le mieux Pompéi.

Le second cahier porte pour titre : Vie publique. Les monuments publics. Les boutiques. Les rues. Il comprend douze chapitres. Les édifices y sont décrits dans l’ordre chronologique, tel que Μ. Mau a réussi à l’établir avec une très grande vraisemblance, d’après une étude attentive des matériaux qui y ont été employés et des procédés de construction qui y ont été appliqués. On peut regretter que, dans le chapitre ΙΙ, l’auteur n’ait pas insisté davantage sur le plus ancien de tous les édifices de Pompéi, sur ce temple du forum triangulaire qui remonte peut-être au sixième siècle et dont les faibles restes ont été étudiés récemment avec tant de soin (1). En revanche, il a donné une description très circonstanciée de tous les édifices, beaucoup mieux conservés, qui bordent le grand forum, celui qui, après bien des transformations, avait pris, dans la colonie romaine, l’ampleur et l’aspect que permettent aujourd’hui de restituer les ruines existantes. L’ouvrage s’achève par l’étude des temples, des théâtres et de l’amphithéâtre, des thermes et des boutiques. C’est dans celles-ci que l’on trouve les graffiti peut-être les plus curieux, ceux qui donnent l’impression la plus vive de la vie que menait le petit peuple, au sein de la paix romaine, dans la ville que détruisit le volcan.

L’illustration est digne du texte. Un certain nombre de clichés sont connus. Ils ont été empruntés soit à des ouvrages déjà publiés, soit aux photographies du commerce ; mais beaucoup d’autres ont été exécutés par Μ. Thédenat, en vue d’éclairer et de confirmer ses descriptions. Ils ajoutent ainsi bien des images nouvelles à celles que l’on possédait des ruines de Pompéi et de leur brillant décor.

G[eorges] P[errot]

(1) Koldewey et Puchstein, Die griechischen Tempel in Unteritalien und Sicilien, 2 vol. in-f°, un de texte et l’autre de planches. Asher, Berlin, 1899. Sur les dispositions assez particulières que paraissait présenter, avant sa destruction, due peut-être au tremblement de terre de 63, ce petit temple périptère, voir t. I, p. 45-48, fig. 41-42, et. t. II, pl. V (un plan). Ce qui aurait justifié un peu plus d’insistance, c’est que les restes de ce temples ont le seul indice que l’on possède sur les origines de Pompéi. Ils permettent de penser que des Grecs, peut-être des Chalcidiens, s’étaient établis sur ce point comme en d’autres lieux du golfe de Naples, qu’ils avaient fondé là une colonie dont le souvenir même se perdit parce que les Osques dépossédèrent bientôt les colons grecs.