Vessereau, J.: Rutilius Namatianus, 1 vol. in-8 de xxii-443 pages.
(Paris, Fontemoing 1904)
Compte rendu par M., Revue Archéologique t. 8 (4e série), 1906-2, p. 332-333
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J. Vessereau, Rutilius Namatianus, 1 vol. in-8 de xxii-443 pages. — Paris, Fontemoing, 1904.


465 pages sur un poème de 712 vers, c’est peut-être beaucoup. Μ. V. n’est pas de ces profanes qui se contentent de savourer en lettrés ou de comprendre en historiens le charmant itinéraire du poète gallo-romain. Pour ses juges d’Université, il s’est posé là-dessus toutes les questions qu’on peut imaginer, et même davantage. Α toutes ces questions, il répond copieusement, avec une consciencieuse et infatigable érudition, à laquelle on rend hommage sans doute, mais qui parfois donne envie de relire le poème sans commentaires.

L’ouvrage débute par une bibliographie, où bien des articles n’ont qu’un rap­port très lointain avec le sujet, et par une édition critique du petit poème. Cette édition critique, d’ailleurs faite avec soin, ne pouvait être très neuve, puisque les manuscrits se réduisent à deux médiocres copies du XVIe siècle, déjà colla­tionnées. Aux leçons du Vindobonensis, Μ. V. a joint les variantes du Roma­nus, publiées il y a dix ans, et les principales conjectures des précédents édi­teurs. Le texte du poème est suivi d’un Index verborum plenissimus, peut-être nimis plenus, où sont enregistrés tous les mots employés par Rutilius, même les plus usuels, depuis a jusqu’à vultu. Suit une traduction, généralement exacte, où l’on voudrait plus d’aisance et de relief.

L’étude sur l’œuvre et l’auteur est divisée en quatre parties. D’abord, une histoire du poème depuis la découverte : manuscrits, éditions, travaux divers. Puis, une biographie très complète de Rutilius, de ses parents, des gens de son entourage, de ses amis italiens ou gaulois. Dans une troisième partie, Μ. V. refait le voyage de Rutilius, commente les souvenirs historiques, explique les allusions, les digressions sur les moines et les Juifs. La quatrième partie contient une étude littéraire sur le poème ; lacunes, interpolations, transpositions de vers ; procédés de composition, comparaisons et digressions ; vocabulaire, grammaire, syntaxe ; imitations de poètes antérieurs, versification.

On ne saurait imaginer une enquête plus consciencieuse, plus complète et plus approfondie. Et cependant, la première impression persiste ; poète et lecteur sont écrasés par le commentaire ; et, après tant d’explications, le critique n’est pas sûr de mieux comprendre le poète. Évidemment, il y a là un défaut de méthode ; défaut qui, malheureusement, devient de moins en moins rare dans nos publications universitaires. On ne sait plus rien sacrifier des notes réunies au cours d’une enquête, ni faire la part du déchet. Μ. V. consacre 75 pages à l’étude des manuscrits, des recherches antérieures et des éditions : or, il juge insuffisantes ces éditions et ces recherches, puisqu’il remet tout en question ; et nous possédons seulement, comme manuscrits, deux misérables copies du XVIe siècle, que le nouvel éditeur ne paraît pas avoir compulsées à son tour. Dès lors, on pouvait résumer en cinq pages ce qui s’étale en soixante-quinze. De même, l’étude littéraire gagnerait beaucoup à être condensée et abré­gée ; les traits essentiels s’y dégageraient beaucoup plus nettement. La meilleure partie de l’ouvrage est assurément la biographie de Rutilius et le commentaire du voyage, des allusions, des digressions. Mais, ici encore, il y aurait à éla­guer. Comme son poète, Μ. V. se plaît aux digressions. Ιl s’attarde dans la compagnie des amis de Rutilius, des Juifs et des moines, de Stilicon, d’Horace, d’Avienus, de Fortunat, de Théodulfe, même d’Addison et de Fenimore Cooper. Il oublie que, dans l’étude d’un poète, l’érudition doit intervenir seulement dans la mesure où elle aide à comprendre le poème. De tous ces matériaux qu’il a réunis, il aurait pu tirer autre chose ; un livre aussi charmant que solide, très neuf et très vivant, sur l’Itinéraire.

M.