AA. VV.: Die Hellenische Kultur. Gr. in-8, x-492 p., avec 7 planches en couleurs, 2 cartes et 400 gravures.
(Leipzig, Teubner 1905)
Compte rendu par Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 7 (4e série), 1906-1, p. 369-370
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F. Baumgarten, F. Poland, R. Wagner. Die Hellenische Kultur. — Leipzig, Teubner, 1905, Gr. in-8, x-492 p., avec 7 planches en couleurs, 2 cartes et 400 gravures.


          Qu’un pareil ouvrage soit le résultat de la collaboration de trois savants spéciaux, cela prouve que le domaine de la pensée et de l’art hellénique est aujourd’hui trop vaste pour être parcouru et décrit par un seul homme, quelque bien doué qu’on le suppose ; cela prouve aussi que le public allemand, celui même qui achète et lit les ouvrages de vulgarisation, veut être instruit par des spécialistes, non par des compilateurs. Mais cette division du travail a ses inconvénients. Ce que l’ouvrage gagne en précision, il le perd en vie ; le lecteur n’est pas soutenu et comme stimulé par une pensée directrice, vraie ou spécieuse ; l’unité de l’ouvrage risque de n’être plus assurée, comme disait ingénieusement Merlet, que par le fil de la reliure.

          Cette réserve faite, je trouve que le triumvirat a très bien travaillé — sauf, peut-être, dans le chapitre sur la religion, qui est bien pâle — et je constate que l’éditeur n’a reculé devant rien pour que l’illustration fût aussi parfaite qu’elle est généralement bien choisie. Pourtant, on aurait dû éviter d’emprunter des gravures de vases peints aux vénérables recueils de Millin et de Tischsbein [sic]. La terre cuite de la p. 237 n’est pas de Tanagra, mais de Myrina. La restauration du Trésor des Cnidiens à Delphes aurait dû être donnée d’après les plâtres du Louvre, dont il existe de bonnes photographies, non d’après une médiocre aquarelle. L’Aphrodite drapée du Louvre n’a pas été trouvée à Fréjus et n’a rien à voir avec Alcamène. Les bas-reliefs de Phigalie n’auraient pas dû être reproduits d’après Overbeck. La similigravure du groupe de Céphisodote est la seule mauvaise du volume (p. 347).

          La période qui s’étend des environs de l’an 1000 à la fin du VIe siècle av. J.-C. est appelée, ici comme ailleurs, « moyen âge grec » ; il est bon que cette expression juste et concise pénètre dans les ouvrages d’enseignement. Mais elle n’a été créée ni par Bergk (auquel je l’ai attribuée), ni par moi (auquel on l’attribue souvent) ; je l’ai trouvée récemment dans l’Essai sur les Mœurs de Voltaire (éd. de Kehl, t. I, p. 14) : « Remarquons, en passant, que dans l’âge moyen de la Grèce, du temps d’Homère, l’âme n’était autre chose qu’une image aérienne du corps. » 

          M. Poland aurait pu dire au moins quelques mots de la plus belle vertu des Grecs en matière de religion, la tolérance. Le même chef-d’œuvre de Voltaire (que personne ne lit) lui en eût suggéré la remarque (t. I, p. 116) : « Les Grecs avaient tant d’esprit qu’ils en abusaient ; mais ce qui leur fait beaucoup d’honneur, c’est qu’aucun de leurs gouvernements ne gêna les pensées des hommes. Athènes laissa une liberté entière, non seulement à la philosophie, mais à toutes les religions ; elle recevait tous les dieux étrangers. » Sans doute, il y a quelques réserves à faire ; mais il vaut mieux, en une si grave matière, être un peu long que de ne rien dire du tout.

S[alomon] R[einach]