Richter, J. P. - Taylor, A. Cameron : The golden age of classic Christian art. In-4, xviii-428 p., avec 52 planches.
(Londres, Duckworth 1904)
Compte rendu par Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 6 (4e série), 1905-2, p. 185-186
Site officiel de la Revue archéologique
Lien avec l'édition numérique de ce livre
 
Nombre de mots : 583 mots
 
Citation de la version en ligne : Les comptes rendus HISTARA.
Lien : http://histara.sorbonne.fr/ar.php?cr=1339
 
 

J. P. Richter and A. Cameron Taylor. The golden age of classic Christian art. Londres, Duckworth, 1904. In-4, xviii-428 p., avec 52 planches.


          La construction de la basilique de Sainte-Marie-Majeure à Rome est généralement attribuée au pape Libère (352-366) et les mosaïques qui la décorent au pape Xyste (432-440), sur la foi d’une inscription disparue, mais dont on possède des copies. Ces mosaïques, qui décorent la nef et l’arc, sont en très mauvais état ; elles ont été mal restaurées à plusieurs reprises et publiées d’une façon toute conventionnelle ; sur place, il est très difficile de les étudier. Les auteurs du beau livre que nous annonçons ont eu d’abord le grand mérite d’examiner très attentivement les mosaïques de Sainte-Marie-Majeure, à l’aide de lunettes d’approche et d’échafaudages ; ils ont fait effort pour distinguer les parties anciennes des restaurations et, grâce au concours d’un excellent artiste, ont pu faire reproduire en couleurs les restes originaux avec une perfection impossible à surpasser. Mais leur œuvre d’explorateurs et d’archéologues ne s’est pas bornée là. Très bien informés du développement et de la décadence de l’art romain dans l’Empire, ils ont résolument révoqué en doute la date assignée jusqu’à présent à ces mosaïques, parce que le dessin des figures authentiques et leur agencement rappellent bien plus la liberté des fresques de Pompéi et des bas-reliefs du temps des Antonins que la stupide solennité des mosaïques de Ravenne ou le tohu-bohu des sarcophages chrétiens du Ve siècle. En outre, le choix des scènes empruntées aux Livres Saints, l’usage très libre fait des écrits non canoniques, le caractère doctrinal plutôt que narratif des épisodes, tout cela paraît aux auteurs trahir une époque plus voisine de S. Justin et des deux Clément que de S. Augustin ou de S. Jérôme. (Ces raisons-là sont peu convaincantes.) Comme, d’autre part, il y a des motifs de croire que la basilique de Sainte-Marie-Majeure a d’abord porté le nom d’un riche particulier, Sicininus, M. Richter et Mlle Taylor se sont arrêtés à la solution suivante, qui excitera sans doute la surprise, provoquera des contradictions, mais semble fortement étayée par des arguments divers. Pendant la seconde moitié du second siècle, alors que l’église de Rome jouit d’une longue paix, un riche chrétien a construit une basilique privée qu’il a fait orner de peintures — peut-être traduites plus tard en mosaïques — qui étaient l’œuvre d’artistes formés à l’école gréco-romaine du Haut-Empire (1). Ces artistes n’étaient pas nécessairement des chrétiens ; ce pouvaient être des païens travaillant sous la direction d’un chrétien et recevant ses instructions pour le choix et la composition des scènes à représenter. Toutefois, il est plus naturel d’admettre que les mosaïques de Sainte-Marie-Majeure sont les monuments d’un art chrétien qui se développa au IIe siècle, dont on peut chercher la source à Alexandrie, à Antioche ou ailleurs, mais dont l’activité s’est principalement exercée à Rome, où le besoin s’en faisait sentir. Les papes Libère et Xyste n’ont été que les restaurateurs de la basilique qui, de privée, est devenue publique ; ce serait, aujourd’hui, le plus ancien sanctuaire de la chrétienté. J’oubliais d’ajouter que les tuiles de la toiture appartiennent, pour la plupart, à des fabriques de la fin du IIe siècle, ce qui n’est pas un argument négligeable en faveur de la théorie proposée.

                                                             S[alomon] R[einach]

(1) Les mosaïques ne semblent pas avoir été conçues pour les emplacements qu’elles occupent ; les auteurs inclinent à croire (p. 44) que ce sont des copies, exécutées à la fin du second siècle ou au commencement du IIIe, d’après un cycle de peintures plus ancien.