Noack, F.: Homerische Paläste. In-8, 104 p., avec 14 gravures.
(Leipzig 1903)
Compte rendu par Adolphe Joseph Reinach, Revue Archéologique t. 4 (4e série), 1904-2, p. 439-440
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F. Noack. Homerische Paläste. Leipzig, 1903. In-8, 104 p., avec 14 gravures.


          Dès que Schliemann eut remis au jour le palais de Tirynthe, on essaya de faire servir sa découverte à l’interprétation des données architecturales disséminées dans les poèmes homériques. L’idée qui prévalut d’abord fut de restituer le palais homérique à l’image du palais mycénien. Mais, depuis les fouilles de Phaestos et de Knossos, l’on s’est demandé si ce n’était pas plutôt l’architecture crétoise qui devait servir de commentaire à Homère. Comme les deux palais, mycénien et crétois, offrent de notables différences, il n’est pas possible d’assimiler en même temps le palais homérique à l’un et à l’autre ; il faut choisir. Cette position du problème exige que l’on précise au préalable les rapports existant entre les deux types de palais ; c’est ce qu’a commencé par faire M. Noack.

          Les Achéens, originaires du nord de l’Europe, ont apporté avec eux en Grèce le type de la maison primitive ; une grande pièce centrale, contenant le foyer domestique, la table familiale, le lit nuptial, avec toit plat, porte étroite et basse. C’est le megaron, qui restera, dans la Grèce continentale, la partie essentielle de la demeure achéenne. Une fois établies en Grèce, les bandes achéennes rayonnèrent sur les mers environnantes ; plus que toutes les autres îles, la Crète les attira. Les Achéens de Crète virent leur civilisation s’altérer au contact de celle des vaincus, alors qu’en Grèce elle resta plus stationnaire. La demeure crétoise se développa en tous sens ; elle s’accrut d’un ou plusieurs étages réunis par des escaliers et se perça largement de cours, de couloirs et de fenêtres. A la petite porte achéenne ou [sic] substitua une vaste ouverture divisée par un pylône central où viennent s’appuyer les deux battants, telle qu’on la retrouve dans les tombeaux lyciens ; au foyer du megaron, des salles d’apparat, comme celle où M. Evans a cru reconnaître à la fois la salle du trône du roi-prêtre de Knossos, la salle des bains et des lustrations rituelles.

          La civilisation crétoise, grâce à la thalassocratie minoenne, se répandit à travers la mer Egée. Bien que la Grèce continentale en ait subi l’influence, le megaron primitif y resta l’élément essentiel de l’habitation, parce qu’il était l’élément religieux, séparé du reste par un système de corridors et conservant si bien son indépendance qu’on pourrait l’enlever du palais mycénien sans détruire l’économie des appartements. Ces derniers ne se sont développés en Grèce qu’à titre d’annexes, tandis qu’ils font partie intégrante et essentielle du palais crétois ; là, le megaron est intimement lié au reste du bâtiment ; tout est organisé, non par respect pour quelque tradition religieuse, mais pour la plus grande commodité d’un peuple déjà très raffiné.

          Ainsi l’on peut distinguer ; 1° « La maison achéenne primitive ; megaron s’ouvrant sur une cour bien fermée ; quelques petites pièces secondaires appuyées au megaron, où couchent les serviteurs et les enfants mariés ; vestibule au devant du megaron, pouvant abriter les hôtes, avec porte vers le levant ;

          2° Le palais mycénien ; autour du megaron élargi, exhaussé, précédé d’un portique, se développent les appartements d’habitation, salles de bain, magasins, etc., unis entre eux par tout un réseau de couloirs, mais nettement séparés du megaron ;

          3° Le palais crétois ; les portiques deviennent de véritables propylées; les appartements d’habitation prennent autant d’importance que les salles d’apparat ; au-dessus et au-dessous du rez-de-chaussée, auquel de larges baies versent en abondance l’air et la lumière, se développent de nouveaux étages pour loger les serviteurs et pour abriter les provisions. Ces trois types d’habitation peuvent tous être dits achéens. Mais la Grèce achéenne a subi une évolution dont les phases successives ont laissé des traces dans les poèmes homériques. On ne peut donc reconstituer un palais homérique unique, parce qu’il y a plusieurs types de palais achéens. Une étude attentive peut retrouver, dans les descriptions homériques, tout le développement architectural et même social qui sépare la grande maison achéenne comme celle d’Odysseus — par l’intermédiaire du palais mycénien où vit Ménélas — du palais à la mode crétoise qu’habite Priam. Il y a loin du lit nuptial dans le megaron primitif au thalamos odysséen et au gynécée crétois ; de l’aithousa, où Achille faisait dresser le lit de Priam, aux propylées crétoises. On finit par si bien oublier les coutumes qui se reflètent dans l’épopée à ses débuts qu’un éditeur, pour qui l’acte d’Achille était devenu incompréhensible, aurait tenté de l’expliquer en introduisant le morceau bizarre qui suit (XXIV, 650-60). Ainsi la thèse de M. Noack présente l’avantage d’introduire des distinctions chronologiques dans une matière difficile qu’on avait eu le tort, jusqu’à présent, d’étudier en bloc. A ce titre et en raison des ingénieuses remarques qu’on y trouve en abondance, son ouvrage mérite d’être lu avec attention.

                                       Ad[olphe] J[oseph] R[einach]