Eyragues, B. d’: Les Psaumes traduits de l’hébreu. In-8, lxiv-427 p.
(Paris, Lecoffre 1904)
Compte rendu par Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 3 (4e série), 1904-1, p. 178-179
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Mme B. d’Eyragues. Les Psaumes traduits de l’hébreu. Paris, Lecoffre, 1904. In-8, lxiv-427 p.


         L’opinion de l’orthodoxie actuelle sur le Psautier a été bien résumée par M. Mangenot dans le Dictionnaire de la Bible (t. II, p. 1322). Si le Concile de Trente a qualifié le Psautier de davidique, il n’a pas entendu juger (sic) la question des auteurs des Psaumes ; il n’a fait qu’employer la dénomination ordinaire. Mais « aucun historien de bonne foi ne saurait nier que David ne soit l’auteur de quelques psaumes » et « le roi poète est l’auteur du plus grand nombre des psaumes, le modèle de tous ceux qui l’ont suivi ». Pour l’attribution de «quelques psaumes » à David, voici un argument sans réplique : Jésus a cité le psaume CIX comme de David et saint Pierre dit que David est l’auteur des Ps. CVIII, CXV, CIX. On objectera que Jésus et Pierre n’avaient pas à faire œuvre de critique littéraire, non plus que les Pères de Trente ; mais M. Mangenot n’a pas discuté cette objection.

          L’introduction de l’ouvrage que nous annonçons expose à peu près le même système, avec l’approbation de Mgr Vigoureux et de S. E. le cardinal Mathieu. Sans doute, on fait la part du feu, c’est-à-dire des Psaumes de l’Exil et post-exiliens ; mais on maintient que le gros de l’œuvre est de David. Quelques morceaux, toutefois, ont pu être adaptés à des situations nouvelles « par des additions de circonstance » (p. xxxiii). Cette concession ruine un des arguments favoris des avocats de l’antiquité du Psautier, celui de la langue. Ils enseignent que si le Psautier était récent, comme le croient les rationalistes , les Psaumes seraient en araméen et non en hébreu ; mais pourquoi les « additions de circonstance » ne sont-elles pas en araméen ?

          La lecture de l’article Psalms de l’Encyclopaedia Biblica aurait probablement détourné la savante traductrice des Psaumes de cette tactique dite de la « retraite par échelons, » qui a coûté si cher à l’apologétique du XIXe siècle. Cela dit pour les historiens. C’est aux philologues de juger la traduction, qui m’a semblé beaucoup plus lisible et plus élégante que celle de Reuss. L’annotation est assez copieuse, mais plutôt exégétique que philologique (1).

                                                             S[alomon] R[einach]

(1) Mme d’E. admet que certains détails du Psautier, qui se retrouvent dans le récit de la Passion, sont prophétiques. C’est l’ancien point de vue. On croit aujourd’hui, même dans l’exégèse catholique libérale, que ces passages ont, au contraire, influé sur la rédaction des récits évangéliques. Seulement, les versets 17-18 du Psaume XXII posent, à cet égard, un problème des plus embarrassants. Le texte hébreu est corrompu et inintelligible ; le texte grec mentionne clairement la crucifixion, qui n’était pas en usage chez les Juifs. Si donc on ne veut pas admettre que ce passage soit prophétique, c’est le caractère historique de la Passion elle-même qui devient douteux et, avec lui, l’authenticité de Rom., i, 4 ; x, 9 ; I Cor. xv, 4. On recule devant une pareille conclusion. Mme d’E. ne semble pas se douter de cette difficulté ; je ne vois pas, d’ailleurs, que les théologiens libéraux y aient répondu.