Strzygowski, Joseph: Der Dom zu Aachen. in-8, 100 p., avec 46 gravures.
(Leipzig, Hinrich 1904)
Compte rendu par Adolphe-Joseph Reinach, Revue Archéologique t. 3 (4e série), 1904-1, p. 183-184
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Joseph Strzygowski. Der Dom zu Aachen. in-8, 100 p., avec 46 gravures. Leipzig, Hinrich, 1904.


          Depuis plus d’un demi-siècle, le Dôme, construit à Aix-la-Chapelle par Charlemagne, est tombé entre les mains des restaurateurs ; c’est contre leur œuvre désastreuse que M. S. proteste avec autant d’esprit que de savoir. Vers 1843, sous prétexte de remettre en place les colonnes qui avaient été emportées à Paris en 1794, on refit en granit 11 colonnes, 32 bases, 29 chapiteaux. Ce furent surtout les chapiteaux qu’on altéra ; sans rien conserver de l’originalité de leur structure, on les allongea en chapiteaux classiques, d’où résulta un écrasement des cintres. En 1866, sur les plans du baron de Béthune, on abattit les stucs polychromes substitués en 1719 aux mosaïques ruinées : on les remplaça en 1879 par de nouvelles mosaïques, exécutées par Salviati, mais sans recourir aux descriptions et dessins dus à Beeck (1620) et à Ciampini (1699). En 1884, Schneider de Cassel s’attaqua à la façade, flanqua le clocher d’une loggia, sous prétexte qu’il y en avait une (mais elle ne datait que du XVe siècle) avant l’incendie de 1656. Puis ce fut le tour de l’atrium, du côté ouest ; enfin, depuis quelques années, Schaper de Hanovre procéda à une restauration générale de l’intérieur, avec revêtements de mosaïques et de marbres de couleur. Toutes ces restaurations, suivant M. S., sont faussées par l’idée préconçue de faire du Dôme d’Aix un monument typique du style byzantin en Allemagne, quelque chose d’intermédiaire entre San Vitale et Sainte-Sophie. Or, l’art roman, dont il est une des plus remarquables productions, ne dérive pas de l’art byzantin ; s’il offre avec lui certains points de contact, c’est qu’ils sont sortis tous deux d’une même source, l’art chrétien- hellénistique d’Orient. C’est cette thèse que reprend vigoureusement M. S., en passant en revue quelques-uns des éléments du problème qui se trouvent réunis au Dôme d’Aix ;

          1° La louve — en réalité une ourse — n’a rien à voir avec Rome ; c’est un bronze de la plus belle venue, comparable aux lions de la fontaine Grimani, importé en Gaule par la voie de Marseille et provenant d’une des métropoles de l’Orient grec ;

          2° Les ivoires ; a) cavalier tuant un dragon ; b) guerrier appuyé sur sa lance ; c) divinités marines ; d) Isis ou Abondance ; e, f) divinités bacchiques. Ils sont aussi venus directement en Gaule de l’Orient, probablement de l’Egypte ; mais, très postérieurs à l’ourse, ils trahissent les influences de l’Orient copte et chrétien, aux dépens de la pure tradition hellénistique ;

          3° Le pseudo-artichaut, qui est une pomme de pin en bronze, n’a rien à voir avec la Pigna du Vatican ; c’est un objet de culte, dû sans doute à des influences syriaques, dont l’art byzantin présente nombre d’exemples (ainsi celui qui se trouve au Sulu Monastir à Constantinople ; cf. Strzygowki [sic], Orient und Rom, Leipzig, 1901, p. 43) ;

          4° L’ensemble de la disposition architecturale, produit des relations qui auraient existé dès les IVe et Ve siècles entre Francs et Arméniens ; elle dérive des martyria octogonaux de Jérusalem.

          C’est Trêves, suivant M. S., qui aurait été le poste avancé de cet art de l’Orient chrétien adapté aux nécessités occidentales ; c’est de là surtout qu’il aurait rayonné sur le monde franco-germanique ; c’est de Trêves, encore riche en monuments de sa grandeur des IVe et Ve siècles, et non de Ravenne, que

Charlemagne aurait tiré, pour son Dôme d’Aix, ses artistes et ses matériaux. 

Mais les restaurateurs ont sévi à Trêves comme à Aix ; il faut donc s’adresser directement aux sources orientales si l’on veut se faire une idée claire de ce qu’a dû être Aix au IXe siècle. 

          C’est à Nyssa, Isaura, Soasa, Derbe, Hiérapolis, Bosra, Jérusalem, Wiranschehr, Eschiadsin, etc., que l’auteur conseille aux jeunes architectes d’aller étudier ces monuments primitifs de l’art chrétien d’Orient, dont l’influence, s’exerçant sur la vieille tradition hellénistique, aurait donné naissance, suivant M. S., à l’art roman.

                                       A[dolphe]-J[oseph] Reinach