AA. VV.: Société Nationale des Antiquaires de France. Centenaire 1804-1904. Recueil de Mémoires publiés par les membres de la Société. In 4°, xviii-495 p., avec 25 planches hors texte.
(Paris, Klinksieck 1904)
Compte rendu par Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 3 (4e série), 1904-1, p. 422-425
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Société Nationale des Antiquaires de France. Centenaire 1804-1904. Recueil de Mémoires publiés par les membres de la Société. Paris, Klinksieck, 1904. In 4°, xviii-495 p., avec 25 planches hors texte.


          A l’occasion du centenaire de la fondation de l’Académie Celtique, mère un peu oubliée de la Société des Antiquaires de France, les membres de cette Société ont publié un volume dont le contenu et l’exécution sont également remarquables. Il y a là 54 mémoires, quelques-uns d’auteurs illustres ; deux seulement (que je ne désignerai pas autrement) sont très médiocres, alors qu’un troisième, intéressant d’ailleurs, n’est pas à sa place. On les a publiés suivant l’ordre alphabétique des noms d’auteurs ; ici, je les classe tant bien que mal par sujets et j’essaie de donner une idée succincte de leurs conclusions, ce qui, je l’espère, ne dispensera personne de les lire.

          I. Histoire de la science. Gaidoz, De l’influence de l’Académie celtique sur les études de folklore. M. G. montre que cette Académie (où il y avait des gens fort en avance sur leur temps) a inspiré Jacques Grimm, alors qu’en France même les tendances novatrices furent étouffées par l’esprit classique. — M. Omont publie le catalogue dressé par Montfaucon du Cabinet d’antiques de Saint-Germain-des-Prés au XVIIIe siècle. — Mme la Comtesse Ouvaroff donne des détails qu’on chercherait vainement ailleurs sur l’histoire des études archéologiques en Russie.

          II. Épigraphie. Les notes de l’abbé Beurlier sur les épitaphes d’enfants dans l’épigraphie chrétienne primitive sont un bon chapitre d’un manuel qui reste à écrire. M. Monceaux montre que les formules et les symboles des inscriptions chrétiennes de Carthage ont peu varié du IVe au VIe siècle. L’abbé Thédenat publie une inscription inédite (182 ap. J.-C.) de la caserne des Vigiles à Ostie. M. Schlumberger fait connaître une tessère de 485 ap. J.-C, portant les noms de l’empereur Zenon, d’Odoacre et du préfet de la ville Q. Aurelius Memmius Symmachus. M. Tardif communique des graffites du IXe siècle, déchiffrés sur l’autel de l’abbaye de Ham au musée de Valognes. M. de Lasteyrie, à l’aide d’estampages de Peiresc, montre que Mabillon a mal lu une inscription du XIe siècle et en a tiré à tort l’existence d’un moine Domnus (il s’agit d’un moine nommé domnus Humbertus).

          III. Paléographie [sic]. M. H. Stein publie la dédicace de l’église abbatiale de Méobecq en 1048, acte appartenant à la comtesse de Lambert. M. Prou montre que la charte de Garin, évêque de Beauvais, a été forgée au XIe siècle, mais d’après une charte originale. M. Delisle reproduit une lettre en partie autographe de Charles V, appartenant au Musée Condé.

          IV. Histoire de l’art. Outre les menhirs sculptés de S. Maria et de Capo Castinco en Corse, M. Micron étudie le prétendu couvercle de sarcophage anthropoïde d’Apricciani et montre qu’il se rattache à la même série d’œuvres primitives. M. Homolle publie un bas-relief funéraire de Delphes, représentant un apoxyomène, œuvre des environs de 450, dans le style de Myron. M. Collignon fait connaître une tête d’athlète trouvée en Egypte et acquise en 1901 par le Louvre, œuvre dérivant de Scopas (mais c’est plutôt un Héraklès). Intéressants détails sur l’emploi des pièces rapportées dans les sculptures antiques. M. Benndorf réunit tout ce que l’on sait (anciennes descriptions, gravures, etc.) sur le trophée d’Auguste à la Turbie et publie deux essais de restauration de ce monument dont nous souhaitons, avec lui, qu’on entreprenne bientôt l’exploration méthodique. A la page 44, il publie une belle tête de Nero Drusus, découverte autrefois à la Turbie et passée au Musée de Copenhague. Le mémoire de M. B. est excellent, mais celui qui l’a traduit de l’allemand en français semble connaître imparfaitement l’une de ces langues. M. Ch. Ravaisson-Mollien s’occupe du bas-relief circulaire de Gabies au Louvre, « autel pythonien, muni d’un appareil astrologique, en ressouvenir des Cabires. » M. Heuzey publie un buste de flamine provenant de Villevieille (Gard), intéressant à cause de la coiffure liturgique. M. de Villefosse fait connaître une statuette d’argent découverte en 1902 à Saint-Honoré-les-Bains, actuellement dans la collection Warocqué à Mariémont (détails curieux sur les signa argentea). M. Babelon présente un beau camée de Lucius Verus, découvert en Egypte et acquis en 1900 par le Cabinet des Médailles. M. Cagnat commente une mosaïque de Timgad, représentant Diane et Actéon, avec le détail nouveau et bien alexandrin du reflet d’Actéon dans l’eau, dénonçant la présence de l’indiscret. M. L. Passy publie une statue en porphyre de Dioclétien, signalée dès 1714 à Alexandrie, fragment important à bien des égards. M. Enlart décrit la cathédrale de Saint-Jean à Beyrouth, construite par les Croisés vers 1140 (influences limousines et languedociennes). Feu Corroyer réclame à nouveau, pour l’architecture dite gothique, la désignation d’architecture française. M. E. Lefèvre-Pontalis fait connaître un retable en bois peint (XIIe siècle) et un diptyque d’ivoire (fin du XIVe siècle), conservés à Vich en Espagne. M. H. Martin a extrait d’un manuscrit de l’Arsenal (XIIIe siècle) cinq portraits de personnages de ce temps. M. E. Molinier publie une figure de roi en argent repoussé et doré, découverte à Bourges en 1902, restaurée par M. André et attribuée à un orfèvre français du XIIIe siècle (collection G. Hoentschel). On préférera à cette figure un peu froide les deux anges drapés en laiton de la collection du marquis de Vogüé (XIVe siècle), œuvres charmantes dont l’une porte au dos une inscription hébraïque, tracée peut-être par un ouvrier juif au service d’un orfèvre parisien. M. Delaborde fait connaître un acte du 14 septembre 1374, conservé aux Archives Nationales et remarquable par une belle lettre initiale, U, dans laquelle figurent des portraits de Charles V et de sa famille. M. J. Guiffrey prouve que la maison du faubourg Saint-Marcel à Paris, dite maison de la Reine Blanche, appartient au début du XVIe siècle ; l’hôtel de la reine a été détruit en 1404. M. N. Valois est l’heureux possesseur d’une Crucifixion de Fra Angelico, autrefois chez Timbal, où un dominicain agenouillé représente le cardinal espagnol Jean de Torquemada. M. Durrieu dit d’excellentes choses sur un groupe de miniatures qu’on peut attribuer à la jeunesse de Fouquet. M. Bouchot revendique pour la région de Douai certaines estampes qualifiées à tort d’allemandes. M. de Mély montre, dans l’illustration des Triomphes de Pétrarque, l’influence du Bestiaire des Cyranides. M. Bapst confirme, par des documents de 1550-1551, l’attribution à Jean Goujon des bas-reliefs du rez-de-chaussée du Louvre de Henri II, des Caryatides et des deux grandes figures de la cheminée de la salle de bal.

          V. Numismatique. Les monétaires de Marseille ont imité les monnaies de  Syracuse et de Tauroménion (A. Blanchet). M. Mowat apporte une contribution à la numismatique de Gallien (médaillon d’or inédit, prétendues médailles satiriques). M. de Barthélémy étudie des fibules franques (VIe et VIIe siècles), dont la partie essentielle est un disque métallique imitant grossièrement une monnaie romaine. M. H. de la Tour publie les jetons de l’Académie celtique et de la Société des Antiquaires (par Aug. Dupré et Depaulis).

          VI. Linguistique. Suivant M. J. Martha, le mot étrusque mi est le pronom de la 1re personne. M. d’Arbois démontre que le mot gaulois avot doit se compléter en avotis = fabricant. M. Longnon établit que Montmartre est bien Mons Martyrum, non pas Mons Mercurii.

          VII. Histoire politique et littéraire. M. J. Maurice place la dédicace de Constantinople à la fin de 324 et l’inauguration de la nouvelle capitale au 11 mai 330. M. P. Girard s’occupe de la responsabilité littéraire de l’archonte athénien dans l’organisation des concours dramatiques aux Dionysies urbaines. M. Hauvette attribue à Anacréon le proverbe grec sur l’ancienne puissance des Milésiens. M. Helbig croit que les vers de Juvénal, X, 41, 42, sont une interpolation du IVe siècle et se range à l’avis de M. Bücheler pour placer à la même époque les 34 vers de la satire VI découverts à Oxford. M. Pallu de Lessert montre que le consul de 148 est bien le jurisconsulte Salvius Julianus, mais qu’il avait un double prénom (exemples). La feue duchesse d’Albe publie une relation inédite de la bataille de Rocroy par le duc d’Albuquerque, dont le duc d’Aumale avait, paraît-il, méconnu les talents.

          VIII. Topographie. Mme la comtesse Lovatelli esquisse aimablement une monographie du Collis Hortorum (monte Pincio.)

          IX. Institutions. MM. G. Hirschfeld et J. Toutain se sont occupés tous les deux du Conseil des Gaules et du culte impérial. Suivant M. Hirschfeld, le discours de Claude est une réponse de l’empereur à une requête de ce conseil, dont il admet le caractère gaulois. M. Toutain établit que le passage de Dion Cassius (LIV, 32) a été souvent mal compris ; il en ressort que le culte impérial se substitua à une ancienne fête gauloise. Feu M. Robert nous révèle la corporation des Empiriens, juristes sans aveu qui, sous Charles VIII, vendaient leur crédit imaginaire à des solliciteurs.

          X. Religions. M. G. Lafaye admet que les cultes alexandrins ont existé chez les Parisii, mais non pas qu’Issy doive son nom à un temple d’Isis. Mgr Duchesne pense que saint Melaine, évêque de Rennes au VIe siècle, n’a point été un important personnage ; c’est à tort que feu de la Borderie faisait de lui le négociateur entre les villes armoricaines et Clovis.

          On remarquera que, dans cet ensemble de travaux si variés, le préhistorique, la papyrologie, la céramique et la géographie comparée ne sont pas représentés du tout.

                                                       Salomon Reinach