Franklin, Alfred: Recherches sur la bibliothèque publique de l’église de Notre-Dame de Paris au XIIIe siècle, d’après des documents inédits, petit in-8°
(Paris, Aubry 1863)
Compte rendu par A. V., Revue Archéologique 8, 1863-4, 2e série, p. 550-551
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Recherches sur la bibliothèque publique de l’église de Notre-Dame de Paris au XIIIe siècle, d’après des documents inédits, par Alfred Franklin, de la bibliothèque Mazarine. Paris, Aubry, 1863, petit in-8°.


Le principal objet que s’est proposé l’auteur de ces recherches, a été de constater et de mettre en lumière l’existence d’une bibliothèque publique à Paris et au XIIIe siècle !

Le point important, avant toute chose, est de bien s’entendre sur le sens de ces termes. La pensée de M. Franklin, à cet égard, se révèle déjà claire­ment par le titre même de son opuscule. Lui-même la développe d’une manière encore plus explicite dans ces lignes : « ... Il s’agit ici de la pre­mière bibliothèque publique établie en France ; il s’agit de montrer une institution, regardée comme issue des idées modernes, fonctionnant régu­lièrement dès le XIIIe siècle. » (Pages ij et iij.)

Après avoir lu d’un bout à l’autre l’intéressant écrit dû à la plume éru­dite et spirituelle de M. Franklin, nous devons déclarer qu’il n’a point, à nos yeux, démontré quod e at demonstrandum. A l’aide de divers textes, empruntés à des sources très authentiques, émanés principalement des archives de la cathédrale, l’auteur nous prouve que, dès le XIIIe siècle, en effet, divers legs de livres furent faits au chapitre, pour que ces livres (tous didactiques et de théologie), fussent prêtés, gratuitement, aux écoliers pauvres, qui étudiaient en théologie au cloître de Notre-Dame. Les textes cités ne disent ni plus ni moins. M. Franklin établit également par d’autres documents analogues, que l’abbaye de Saint-Victor, à Paris, offrait dans le même temps, à ses écoliers de théologie, les mêmes facilités provenant de libéralités semblables.

Le fait constaté n’est donc pas essentiellement propre à la cathédrale. Bien loin de là, l’existence d’une librairie avec des livres enchaînés pour la lecture extérieure, ou prêtés à des étudiants pauvres, constitue l’un des attributs les plus généraux des églises régulières et séculières du moyen âge. Sans doute ces premiers germes, ces premiers rudiments de communications littéraires publiques méritent d’être signalés ou rappelés. Sans doute ils se rattachent de très loin à l’idée, à l’établissement de nos bibliothèques publiques. Mais sous peine d’abuser de la langue et de la critique, il n’est pas permis de confondre ainsi l’embryon, ou l’œuf, et le fruit dans la maturité de son développement.

L’affable et savant bibliothécaire de la Mazarine aurait dû se rappeler que la première chose pour faire une bibliothèque publique c’est d’avoir un public ; un public qui aime les livres et fréquente les bibliothèques. De nos jours encore, ce problème élémentaire ne trouve pas une solution si facile ! Témoin l’état général de nos bibliothèques publiques des départe­ments, bibliothèques qui n’ont jamais eu de public, tandis que l’on cherche à créer pour ce même public absent, ou réfractaire, ou indifférent de nouvelles bibliothèques ! Témoin encore, au rapport de Naudé le bibliothécaire, dans son Mascurat, l’insuccès complet obtenu par Mazarin : en 1648, lors de son premier essai de bibliothèque publique au sein même de la capitale. Quel aurait donc été au XIIIe siècle, à Paris, hors des écoliers en théologie et des hommes d’église, le public de la prétendue bibliothèque publique dont M. Franklin a cru nous révéler l’existence ?

L’honorable auteur de cet opuscule, ou de cette méprise, a été induit en erreur par l’épithète de publicos, « usus publicos, in usus studiosorum, » que des modernes ont pu appliquer, sans trop de complaisance, au prêt des livres théologiques. Il aurait dû s’apercevoir de son erreur à la page 72 de ses Recherches. Là, en effet, M. Franklin nous apprend qu’en 1680 (bien longtemps après le XIIIe siècle), Claude Joly, savant homme, riche bibliophile et chanoine de la cathédrale, vint offrir ses livres en pur don au chapitre, et cette fois pour l’usage public, in usum publicum. En 1680 effectivement, Paris ne manquait pas de lettrés, grâce spécialement aux petites-écoles, dont ce Joly, comme chantre, avait la surintendance ; et vingt bibliothèques publiques, toutes récentes, florissaient alors dans les diffé­rentes capitales de l’Europe. Or, à la page 73 desdites Recherches, M. Fran­klin ajoute que le donateur fut obligé d’amender les termes de son legs et de renoncer à la perspective ou à la condition de publicité. Les chanoines avaient rejeté cette condition tout d’abord, tant l’idée d’une bibliothèque publique était encore peu mûre en 1680, du moins dans leurs esprits !

Nous pensons donc que les termes de la thèse posée par M. Franklin doivent être sévèrement modifiés. Ces réserves faites, nous ajouterons avec plaisir que le nouveau livret publié par cet écrivain ressemble à ses œuvres précédentes. Il est rempli de faits et de documents intéressants, relatifs à cette importante bibliothèque de Notre-Dame, depuis son ori­gine jusqu’à la réunion de ses manuscrits à la bibliothèque du roi en 1756. A. V.