Millet, G.: La collection chrétienne et byzantine des Hautes Études. In-8, 94 p.
(Paris, Leroux 1904)
Compte rendu par Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 3 (4e série), 1904-1, p. 439-440
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G. Millet. La collection chrétienne et byzantine des Hautes Études. Paris, Leroux, 1904. In-8, 94 p.


          Quand même — ce qui heureusement n’est pas — M. Gabriel Millet n’aurait publié aucun ouvrage, la constitution de la riche Collection chrétienne et byzantine de l’École des Hautes Études le désignerait à la reconnaissance durable du monde savant. C’est en 1898 que ce projet prit naissance ; grâce à l’infatigable ardeur de M. Millet et aux concours qu’il sut assurer à son œuvre, l’École des Hautes Études dispose aujourd’hui d’un véritable trésor de moulages, de relevés originaux (aquarelles, copies à l’huile, plans, etc.) et surtout de photographies. La publication du catalogue détaillé des 4.500 clichés réunis jusqu’à ce jour fait, de la brochure que nous annonçons, un instrument de travail indispensable aux historiens de l’art et, en particulier, aux byzantinistes ; on peut se procurer des épreuves de tous les clichés en s’adressant à M. Millet (à la Sorbonne).

          Dans l’introduction, courte et d’autant meilleure, l’auteur a caractérisé, avec beaucoup de précision et d’élégance, cet art du christianisme avant la Renaissance dont l’art byzantin est un rameau. L’art de l’Orient est essentiellement narratif, c’est un langage et une écriture ; à cet égard, l’art chrétien s’en rapproche, dans la mesure où il s’éloigne de la tradition classique. Moins soucieux de la beauté que de la chose signifiée, il emprunta ses éléments un peu partout, à Rome, à la Perse sassanide, à l’Orient hellénistique et en composa son vocabulaire, qu’il mit tantôt au service de l’Église, tantôt à celui des souverains et des grands. Après le VIe siècle, cet art, définitivement constitué sous Justinien, rayonne à l’Est, au Nord et à l’Ouest ; Arméniens, Géorgiens, Russes, Francs carolingiens, Celtes de l’Irlande, tous ces peuples ont plus ou moins subi l’influence byzantine. « En Italie, elle ne cessa de soutenir l’art local jusqu’à la géniale rupture de Giotto. » Cela est très vrai et très bien dit ; M. Millet ne cherche pas à rehausser les qualités esthétiques de l’art byzantin, mais il revendique pour lui la conquête rapide d’un vaste domaine où il est impossible de contester son action. 

          Peut-être y aurait-il lieu de faire des réserves sur cette phrase ; « L’art nouveau... fut la création d’une société formée par le réveil politique de la race grecque et des populations orientales ». Je ne vois pas trop ce qui atteste un « réveil de la race grecque » dans une civilisation tout imprégnée, saturée même d’orientalisme et d’exotisme. Toutes les fois qu’on laisse échapper ce malencontreux mot de « race », on risque d’en dire trop ou de rester dans le vague.

                                               S[alomon] R[einach]