Reinaud, Joseph Toussaint: Relations politiques et commerciales de l’Empire romain avec l’Asie orien­tale (l’Hyrcanie, l’Inde, la Bactriane et la Chine), pendant les cinq premiers siè­cles de l’ère chrétienne, d’après les témoignages latins, grecs, arabes, persans, indiens et chinois, avec quatre cartes
(Paris, Imprimerie impériale 1863)
Compte rendu par H. Z., Revue Archéologique 9, 1864-5, 2e série, p. 150-151
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Relations politiques et commerciales de l’Empire romain avec l’Asie orien­tale (l’Hyrcanie, l’Inde, la Bactriane et la Chine), pendant les cinq premiers siè­cles de l’ère chrétienne, d’après les témoignages latins, grecs, arabes, persans, indiens et chinois, avec quatre cartes, par M. Reinaud, membre de l’Institut, etc. Impr. impér., 1863.


 

Le livre que nous venons annoncer un peu tardivement a déjà fait bien du bruit. Et cela n’a rien qui doive étonner. Car, comme dit l’auteur dans son introduction, « jamais sujet plus nouveau et plus important ne fut abordé par l’érudition moderne. » Aussi devait-il s’attendre à ce que les résultats de son important travail soulèveraient des objections nombreuses, des incrédulités obstinées. Mais ce que l’auteur est en droit d’attendre également et de réclamer, c’est qu’on examine ces résultats sans parti pris, sine ira et studio, qu’on ne les juge pas surtout et qu’on ne les con­damne pas sans avoir pris la peine de les examiner.

Le titre que nous avons transcrit n’indique pas suffisamment le contenu de ce livre si curieux à tant de titres ; il n’indique pour ainsi dire que le cadre, ou, si l’on veut, le point de départ d’une multitude d’aperçus qui seront étudiés par des hommes plus compétents que nous. Qu’il nous soit permis de citer encore un passage de l’introduction qui doit montrer ce qui, dans la pensée de l’auteur, forme le but principal de son ouvrage : « Un empire, dit-il, dont le souvenir s’était transmis d’âge en âge et pour lequel la science semblait avoir épuisé la source des renseignements, apparaît ici sous un aspect inattendu. Des personnages tels qu’Auguste, Trajan, Aurélien et Constantin, sur lesquels on avait perdu l’espoir de recueillir des notions ultérieures, se présentent avec un caractère qu’on ne leur soupçonnait pas. Ce n’est pas seulement l’histoire civile et poli­tique qui trouve ici à s’enrichir. L’histoire littéraire, notamment dans ce qui concerne les immortelles poésies d’Horace, de Virgile, de Properce et de Tibulle, reçoit un jour nouveau. C’est, en un mot, une face restée in­connue de la grandeur et de la décadence romaines ; une face qui avait échappé aux méditations des Montesquieu et des Gibbon. Là où je com­mence, les autres s’étaient arrêtés. »

On voit que le savant académicien se rend très-bien compte de la portée de ses recherches et de la place qu’elles doivent prendre dans l’histoire générale comme dans la philosophie de l’histoire. C’est qu’en effet l’idée qui domine toute cette étude est celle-ci : les Romains, dès l’époque de Jules César, tous, gouvernants et gouvernés, aspiraient à la monarchie universelle. A commencer par les fondateurs de l’empire, tous les empe­reurs, jusqu’à Trajan, jusqu’à Julien l’Apostat, avaient en vue la domi­nation sur le monde tout entier. C’était là le mobile et le but constant de leur politique, le secret de leur diplomatie ; le centre imaginaire de leurs mouvements militaires. Cette idée, qui flattait singulièrement le patrio­tisme romain et qui répondait du reste parfaitement à la situation, fut tout d’abord saisie avec ardeur par les poëtes. Horace, Virgile, Properce, Tibulle l’expriment sous toutes les formes, elle revient sans cesse dans leurs écrits.

Sans vouloir entrer dans l’examen du sujet, nous n’hésitons pas à dire que cette thèse n’a rien que de très naturel, et quoiqu’elle n’ait pas entiè­rement échappé aux historiens antérieurs, il n’a été·possible que de nos jours de reconnaître certains faits et de les apprécier dans leur ensemble sous leur véritable jour. Parmi ces faits, je cite en première ligne le plus grand, celui dont les suites furent immenses et qui, encore à l’heure qu’il est, n’est pas arrivé au bout de ses féconds résultats, je veux dire l’expédition d’Alexandre. Ce n’est pas ici le lieu d’insister sur ce point. Signalons seulement cette circonstance, qu’on avait beaucoup trop négligée autrefois et qui n’est point aussi indifférente qu’elle le paraissait à plusieurs historiens : Alexandre avait eu la conscience de son œuvre, il avait agi sous l’inspiration de cette idée de la monarchie universelle, de la fu­sion des races, de·la civilisation de l’Orient par l’Occident. Quoi donc de plus naturel que de voir les Romains, les héritiers d’Alexandre, aspirer à étendre leur pouvoir jusqu’aux limites du monde connu ?

L’auteur part de là pour se demander quelle était l’image que les Ro­mains se faisaient du monde à conquérir, jusqu’où allaient leurs notions géographiques, quelles étaient les connaissances nouvelles qu’ils acquirent en cherchant à accomplir leurs rêves, quels étaient les commencements d’exécution, etc. Nous ne pouvons malheureusement pas suivre l’auteur dans toutes ces excursions. Des hommes plus autorisés le feront d’ailleurs, nous en sommes certain, avec la bonne foi qui ne doit pas être séparée des études sérieuses. Déjà un débat s’est engagé sur un des points soute­nus par M. Reynaud, et ce débat ne pourra que profiter à la science. Pour les lecteurs de la Revue archéologique, nous voulons remarquer que l’archéologie n’est pas restée étrangère à ses recherches. H. Z.