Mazon, Paul: L’Orestie d’Eschyle. In-8, xlix.
(Paris, Fontemoing 1902)
Compte rendu par Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 1 (4e série), 1903-1, p. 107
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Paul Mazon. L’Orestie d’Eschyle. Paris, Fontemoing, 1902. In-8, xlix — ? pages (il n’y a pas de pagination ! Innovation contestable !)


          « Eschyle n’est point obscur. Seulement sa langue est synthétique et, par suite, impossible à calquer en vrai français. On ne doit donc pas songer à traduire ses mots, mais ses idées. » Telle est la profession de foi du traducteur de l’Orestie, qui a suivi le texte de M. Weil (Teubner) et a fait de son mieux pour tirer un sens des passages corrompus ou trop « synthétiques ». Son travail est celui d’un philologue et d’un lettré ; il est tout à fait estimable.

          L’introduction, fort étendue, est agréable à lire. L’auteur, imbu des idées d’Otfried Müller, y a montré le lyrisme dorien transformant la légende épique (mycénienne) et y introduisant un intérêt moral qui faisait défaut. Seulement, je ne suis pas du tout de son avis. S’il avait lu Bachofen et Giraud-Teulon, M. Mazon aurait vu tout autre chose (et quelque chose de beaucoup plus intéressant) dans cette histoire. Pourquoi Égisthe séduit-il, épouse-t-il Clytemnestre, au lieu d’usurper simplement le trône d’Agamemnon et d’enfermer son épouse dans quelque château ? Parce que la Clytemnestre de la tradition est encore une reine d’une société matriarcale, aussi puissante par elle-même que la « mère du Pharaon ». Suivant les idées matriarcales, Oreste est fils de Clytemnestre, mais Agamemnon ne lui est rien ; la maternité est un fait, la paternité une hypothèse. Secondé par Apollon et Athéna, les dieux nouveaux, Oreste renverse toute cette vieille doctrine ; il tue sa mère pour venger son père. Colère des vieilles divinités, les Euménides ; le forfait d’Oreste est le plus inexpiable de tous, la violation du plus sacré des tabous. A leur thèse s’oppose celle des divinités nouvelles, qui l’emportent à la fin. Peut-on vraiment écrire sur l’Orestie en faisant abstraction de ce caractère de l’œuvre ? Quand M. Mazon aura lu Bachofen, je crois qu’il récrira son introduction.

                                               S[alomon] R[einach]