Guibert, Joseph: Les dessins du Cabinet Peiresc au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale. In-fol, 102 p. et 25 pl. en phototypie.
(Paris, Champion 1910)
Compte rendu par Jean Laran, Revue Archéologique t. 15 (4e série), 1910-1, p. 319-322
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Joseph Guibert. Les dessins du Cabinet Peiresc au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale. Paris, Champion, 1910, in-fol, 102 p. et 25 pl. en phototypie.


On conserve à la Bibliothèque nationale, sous le

 

Calice de Suger. — Transmis de Saint-Denis à Paris en 1791. Volé au Cabinet des Antiques en 1804. Sort actuel inconnu.

 

nom de Cabinet Peiresc, un recueil assez ignoré de plus de trois cents dessins documentaires, dont la plupart ont appartenu au célèbre antiquaire d’Aix. Montfaucon et Caylus en ont utilisé quelques-uns ; mais, même pour les œuvres figurées dans leurs planches, il y aurait avantage à recourir aux dessins de nos albums. Exécutés à grande échelle, souvent soigneusement coloriés, ils constituent des représentations très fidèles, comme on peut en juger par les rares occasions où les objets originaux ont pu être recueillis dans nos musées.

C’est un véritable service que M. Guibert nous rend en faisant connaître cette collection et en reconstituant, dans la mesure du possible, l’état civil des pièces conservées ou disparues. La recherche était d’autant plus difficile que le ou les possesseurs des dessins ont fait preuve d’un large éclectisme. A la suite

 

Œnochoé d’argent. — Provenance et sort actuel inconnus.

 

des aquarelles très sages, exécutées par Daniel Rabel ou par Fredeau d’après des objets de l’antiquité et du moyen-âge, on relèvera d’admirables projets, dûs à des dessinateurs de la Renaissance, comme la coupe signée P. F. (Peter Flœtner) ou le modèle du casque somptueux d’Alexandre Farnèse aujourd’hui conservé à Vienne.

Peut-être ce récent travail permettra-t-il de retrouver et de reconnaître encore quelques objets des plus précieux dont le sort actuel reste inconnu. Nous en reproduisons quelques-uns dans cet espoir, non que nos croquis prétendent remplacer les remarquables fac-simile de l’ouvrage de M. Guibert, mais parce que son beau livre, tiré à un nombre très restreint d’exemplaires, risque d’échapper à beaucoup de travailleurs.

Les éléments qui le composent auraient pu former un ensemble un peu disparate si l’auteur n’avait su découvrir dans la correspondance de Peiresc le lien qui les rattache à la personnalité si originale du collectionneur. On ne pouvait mettre en relief avec plus de finesse et de sobriété la figure de ce passionné d’érudition, dont l’esprit, selon le mot de son ami Gassendi,

 

 

Calice en cristal, dit de Saint-Denis. Transporté au Muséum en 1793.

Vendu en l’an VI comme « inutile à l’instruction ». Sort actuel inconnu.

 

brûlait de curiosité comme le feu dans la forêt. Il faut lire dans les extraits de ses lettres avec quelle fièvre il convoite tel objet dont on a « chatouillé sa curiosité » ; quels trésors de persuasion et de diplomatie il déploie pour en avoir communication, tout au moins pour le faire mouler ou dessiner ; quel émoi lorsque le possesseur hésite à se séparer d’un gobelet fragile, indispensable à une étude sur les poids et mesures de la République d’Athènes ; quelle indignation lorsque les moines de Saint-Denis refusent de soumettre aux manipulations indiscrètes de ses aides les calices consacrés dont il attend des révélations « utiles au public et à la postérité ! »

Tout en feuilletant les documents réunis avec tant de peines et de joies, nous verrons revivre aussi le monde des intellectuels du début du XVIIe siècle,« monde mêlé de savants, de magistrats, de grands seigneurs, si différents par l’allure et le caractère, unis seulement par un même goût pour les études sérieuses et par une égale courtoisie. Membres d’une académie idéale où tous les pays étaient représentés, ils entretenaient une correspondance active pleine de nouvelles de tous genres, politiques, militaires, scientifiques principalement, demandant des renseignements et des documents, répondant à des demandes, donnant leur avis sur des questions posées. La maison de Peiresc à Aix en Provence était le centre d’un immense réseau de courriers. La science du maître, son obligeance étaient si connues ! Après avoir rempli ses devoirs professionnels au Parlement, il écrivait. Ses lettres, longues et pleines, étaient le fruit de recherches et de méditations infinies, si bien qu’on a peine à croire qu’un homme ait pu suffire à tant de travaux. » De cette activité dévorante, Peiresc a laissé une preuve assez rare ; après avoir consumé sa vie en recherches, il est mort sans avoir eu le temps de faire imprimer une ligne de sa main.

Jean Laran