Bémont, Colette: Les lampes de Glanum
(Revue Archéologique de Narbonnaise, Montpellier 2002)
Compte rendu par Michel Feugère, Instrumentum, 2003-17, p. 15
Site officiel de la revue Instrumentum
 
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Citation de la version en ligne : Les comptes rendus HISTARA.
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Colette Bémont : Les lampes de Glanum


Les lecteurs de notre revue l’ont noté ; on observe depuis quelques années, dans différents pays, un renouveau certain de la recherche sur les lampes antiques. De nouvelles hypothèses voient le jour, suscitant le besoin de monographies locales ou régionales. En France, où les publications importantes se raréfiaient depuis quelque temps, l’année 2003 voit paraître deux catalogues importants, celui d’Istres (L. Rivet) et celui de Glanum concerné par ce compte rendu. Riche d’un catalogue de 466 numéros, ce dernier constitue de toute évidence une contribution majeure à l’étude des lampes romaines.

L’ouvrage débute de manière classique par une présentation des collections et des travaux qui leur ont été consacrés à ce jour. Fouillé depuis 70 ans environ, le site de Glanum est un gisement majeur de l’archéologie hellénistique et romaine en Gaule du Sud. En corollaire de cette recherche parfois ancienne, un certain nombre de contextes indiqués par les fouilleurs sont sujets à caution. Mais les indications topographiques, au moins, sont nombreuses et fiables ; un certain nombre d’inventaires ont permis de conserver la mémoire de ces indications, toujours précieuses pour connaître la répartition des types sur le site (tabl. 1-5). L’examen systématique des décors d’époque impériale (p. 55-122) précède l’étude typologique proprement dite, ce qui permet de traiter l’ensemble des données morphologiques de manière exhaustive.

La série tardo-républicaine (74 exemplaires) est à ce jour unique dans le matériel publié provenant de Gaule. Il s’agit des types classiques (surtout biconiques, bitronconiques grises, Dr. 2) accompagnés de quelques modèles plus rares, mais également caractéristiques de la période. Les analyses effectuées sur les lampes du type de l’Esquilin de Glanum confirment que ces objets ont été fabriqués dans les mêmes ateliers que la vaisselle à vernis noir (groupes Lamb A moyen et tardif) contemporaine, qu’un faisceau d’indices permet de dire napolitaine. Pour les modèles qui assurent la transition entre la fin de la République et le début du principat, les datations disponibles sont nettement plus précises.

La typologie des lampes d’époque impériale (392 ex.), très fouillée et sur plusieurs points innovante, aurait gagné à être illustrée de schémas généraux ou de détail mettant en évidence les aspects considérés comme caractéristiques ; l’auteur jongle avec les classifications de différents spécialistes (Loeschcke, Bailey, Leibundgut …) que tout le monde n’a pas en tête. On apprécie néanmoins la précision de l’approche formelle et le soin apporté aux rapprochements morphologiques, notamment avec le mobilier de la basse vallée du Rhône. Comme pour les autres périodes, ce catalogue (et les illustrations correspondantes) sont organisés en petits chapitres où la présentation du type, des problèmes qu’il pose éventuellement et de son origine, précèdent le catalogue proprement dit, ce qui assure une lecture très claire, quoique un peu morcelée. Les estampilles de chaque type sont naturellement discutées dans ces sous-chapitres, même si les marques font ensuite l’objet d’une étude spécifique (p. 231-236) et d’une annexe (tabl. 12 à 15). La chronologie des lampes s’accorde avec le reste des données, qui suggèrent un abandon du site (brutal ou progressif ?) vers 260 de notre ère.

Les 29 lampes tardo-romaines, de types africains ou dérivés, constituent enfin un lot distinct, provenant d’une réoccupation tardive du site, datée entre le milieu du IVe s. et au moins la fin du Ve s. de notre ère. Ces productions méditerranéennes (toutes ne sont peut-être  pas africaines) appartiennent à des séries aujourd’hui mieux étudiées, mais dont la grande variété ne permet pas, pour le moment, une analyse aussi fouillée que pour les types du Haut-Empire.

Fruit d’un travail qui s’est étalé sur une vingtaine d’années, cet ouvrage de grande qualité témoigne de la parfaite connaissance qu’a l’auteur non seulement du mobilier étudié, mais aussi de la céramique antique et plus généralement des problématiques liées à chaque période. La rédaction aurait  pu bénéficier de quelques utiles mises à  jour après 1998 (les trois Monographies Instrumentum concernant les lampes antiques, publiées en 1999, 2000 et 2002 sont notamment absentes de la bibliographie …), mais les délais de parution ne l’ont apparemment pas permis. Quoiqu’il en soit, l’importance de cette publication n’échappera pas à ses lecteurs, qui en apprécieront à l’usage la précision et l’érudition. Il reste à souhaiter que ce nouveau livre ait un effet dynamique sur la recherche française en matière de lampes antiques, un domaine où il reste tant à faire, en particulier sur le territoire de l’ancienne Gaule.